Accueil A la une Procès Sankara: «Blaise Compaoré a fabriqué des monstres qui l’ont bouffé» (Mousbila Sankara)

Procès Sankara: «Blaise Compaoré a fabriqué des monstres qui l’ont bouffé» (Mousbila Sankara)

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L’audition des témoins dans le cadre du procès de l’affaire dite de l’assassinat de Thomas Sankara et de douze de ses compagnons s’est poursuivie, le mardi 30 novembre 2021, devant la Chambre de jugement du Tribunal militaire de Ouagadougou. A la barre, deux témoins ont été interrogés sur ce qu’ils savaient des événements du 15 octobre 1987. Il s’agit de Mousbila Sankara qui poursuivait son audition et de l’ex-ministre du Travail, de la Sécurité sociale et de la Fonction publique sous la Révolution, Fidel Toé. Dans sa déposition, le témoin Sankara a soutenu que Compaoré a fabriqué des monstres qui l’ont bouffés».

L’ex-ambassadeur du Burkina Faso en Libye, Mousbila Sankara, qui était à son deuxième jour d’audition s’est prêté aux questions des parties au procès.

Concernant les événements du 15 octobre 1987, M. Sankara dit qu’il ne voit pas Blaise Compaoré tuer Thomas Sankara pour le pouvoir, car «il ne manquait de rien», avant de dire que c’est le général «Gilbert Diendéré qui a fait le coup d’Etat». «Je ne dis pas qu’il ne peut pas le faire. Je dis que tel que je vois, il (Blaise Compaoré) s’est retrouvé devant les faits accomplis et la peur a fait qu’il l’a assumé sans chercher à savoir. Sinon s’il n’avait pas eu peur, il n’avait qu’à demander des comptes à Gilbert Diendéré et à d’autres chefs de corps qui étaient là et il allait rester en adéquation avec la morale normale. Mais la peur a fait qu’il l’a assumé au point de vouloir le justifier c’est pourquoi tout ce qu’il fait est gauche parce que c’est gâté dès le départ», a soutenu le témoin.

«Hyacinthe et Gilbert voulaient montrer leur fidélité à Blaise»

Les différentes parties voulant avoir plus de précisions sur sa déposition qui charge le général Diendéré, le témoin revient sur ses dires, expliquant que c’est Diendéré et ses éléments qui s’occupaient de la sécurité du Conseil de l’Entente et de Thomas Sankara. Selon lui, le général Gilbert Diendéré est le responsable des événements du 15 octobre 1987, parce qu’il devrait l’empêcher et s’il ne l’a pas fait c’est qu’il l’a voulu.

«Blaise Compaoré a fabriqué des monstres qui l’ont bouffé», a fait savoir Mousbila Sankara pour qui ces monstres sont «Hyacinthe Kafando et Gilbert Diendéré». «Chacun voulait montrer sa fidélité à Blaise. Il a été pris dans un élan qui l’a dépassé», a-t-il poursuivi.

Il est revenu également sur les relations entre la Libye et le Burkina Faso. Pour lui c’était une relation «compliquée» et a cité des sujets sur lesquels les deux pays ne s’accordaient pas. «Quand Charles Taylor a été expulsé du Ghana et qu’il s’était réfugié au Burkina Faso, Kadhafi a voulu qu’on lui accorde le statut d’exilé politique. Thomas Sankara a refusé et a dit qu’on va lui donner une table pour qu’il vende des lunettes comme le font les Sénégalais et autres», a-t-il relaté.

L’exil de Fidel Toé

A sa suite de Mousbila Sankara, ce fut l’ancien ministre Fidel Toé qui a été appelé à la barre. Avant de parler du 15 octobre 1987, il a tenu à relater ce qui s’est passé le 14 octobre 1987 en Conseil des ministres. Il dit qu’il est sorti «très content» de ce Conseil des ministres car il s’est dit que le président Thomas Sankara a «crevé l’abcès». C’est au cours de cette rencontre que le projet de création de la Force d’intervention et de transport du ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité (FITMATS) a été adopté après plusieurs examens. «A la fin, quand les ministres rangeaient leurs papiers et s’apprêtaient à sortir, Thomas Sankara nous a interpellés en nous demandant pourquoi nous n’avons pas posé des questions sur la situation nationale», a laissé entendre M. Toé. «Il nous a dit qu’il y a des rumeurs qui dit qu’il a tiré sur Blaise, Henry et Lingani et les a ratés, affirmant qu’il n’en était rien», a-t-il poursuivi. Sankara aurait reconnu qu’il y avait des bisbilles entre eux mais qu’ils s’étaient parlé et que tout était rentré dans l’ordre.

Selon le témoin, le 15 octobre 1987, il a appelé la présidence dans le but de parler avec le président de certains points de son département, mais il s’est tombé sur la secrétaire qui l’a informé que le président était à sa résidence.

«Vers 16h, j’ai encore appelé pour savoir ce qu’il en était. C’est là qu’elle m’a passé le président qui me dit de passer à 18h pour qu’on en parle», a déclaré Fidel Toé qui affirme qu’il était à son ministère quand il y a eu les tirs. «J’ai voulu aller au Conseil de l’Entente car en son temps les consignes étaient que s’il y a des événements comme ça on doit se rendre là-bas pour avoir plus d’informations. C’était comme le PC (Poste de commandement)», a fait savoir M. Toé notant qu’il en a été dissuadé.

Confrontation entre Fidèle Toé et le colonel-major Jean-Pierre Palm

Il dit avoir passé la nuit du 15 octobre chez un ami à Gounghin et le lendemain il s’est rendu chez un autre ami, un Nigérien à Petit Paris. De là-bas, il est allé en exil au Ghana le 21 octobre 1987 où il a passé deux ans.

«Du Ghana, j’ai entendu beaucoup de choses. Les autorités ghanéennes m’ont bien accueilli. Elles m’ont confié qu’elles avaient prévenu Thomas Sankara et lui avaient même préparé une villa pour l’accueillir mais il a refusé de venir», a-t-il confié.

Du Ghana il est parti au Congo où il a fait cinq ans avant de revenir au pays. A son retour, il dit avoir appris que son ami Adama Drabo avait été mis aux arrêts car on disait que c’est lui qui a aidé M. Toé à s’enfuir. «Il m’a dit que c’est Jean-Pierre palm qui l’a aidé à sortir et m’a demandé d’aller lui dire merci. Arrivé chez M. Palm, il m’a dit que si quelqu’un me disait que j’ai mal fait d’avoir quitté le pays, de lui dire qu’il ment», a-t-il relaté. «Si tu étais resté on allait t’obliger à dire qu’il y avait complot de 20h où Thomas allait faire tuer les autres», lui aurait dit M. Palm. Lors de la confrontation, l’accusé Jean-Pierre Palm a soutenu qu’il ne se souvient pas avoir tenu ces propos.

Par Daouda ZONGO