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Procès Thomas Sankara: «Le jour de l’accouchement il n’y a pas de honte»

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Procès du dossier Thomas Sankara

Le procès du dossier l’ex-président burkinabè, Thomas Sankara et de ses douze compagnons, s’est poursuivi le lundi 22 novembre 2021 avec l’audition des témoins Arsène Bongnessan Yé, Boukary Doamba, Patrice Ouédraogo et Victor Zongo. Lors de sa confrontation avec le colonel-major Jean-Pierre Palm, accusé dans l’affaire, le témoin Boukary Doamba a lancé à l’ancien commandant de la Gendarmerie que «le jour de l’accouchement, il n’y a pas de honte».

L’audition du témoin, le député Arsène Bongnessan Yé s’est poursuivie le lundi. Malgré les relances, le témoin n’a pas varié sa déposition précédente. M. Yé, a signifié qu’il était plus proche de Thomas Sankara que de Blaise Compaoré au moment des évènements du 15 octobre 1987 contrairement à ce que bon nombre de personnes croient.

Acculé par les avocats de la partie civile sur le fait qu’il n’a pas arrêté de collaborer avec les nouvelles autorités, il a clairement dit que l’«engagement révolutionnaire est personnel ». « Moi j’ai voulu servir mon peuple et non un homme », a-t-il rétorqué. Pour lui, « tous les membres du Conseil national de la révolution (CNR) savaient qu’il y avait une crise mais personne ne savait comment allait être le dénouement ».

A la suite du médecin militaire, il a été appelé à la barre, le témoin, Boukary Doamba  adjudant-chef major de Gendarmerie à la retraite, ex-chef de service de la table d’écoute. Ce témoin a dit qu’au moment du coup d’Etat du 15 octobre 1987, il était à l’état-major de la Gendarmerie quand le crépitement des armes a commencé en direction du Conseil de l’Entente. Etant en tenue civil, il a décidé d’aller chez lui à domicile à Tampouy pour se mettre en tenue militaire afin de revenir protéger le camp. A son retour sur le pont du barrage de Tanghin, il a vu des militaires qui avaient leur béret renversé qui étaient postés sur les lieux. Mais, il a continué et a pu se faufiler parmi les civils pour progresser avant de rabattre à droite au niveau du feu de la centrale de la Sonabel où il a dormi dans un cabaret non loin de la caserne jusqu’au petit matin du fait des tirs qui continuaient.

Boukary Doamba dit Khadafi accuse Jean-Pierre Palm d’avoir ordonné qu’on le mette en détention. Mais l’accusé Palm a nié les accusations du témoin lors de leur face à face à la barre. « J’ai été escorté avec les deux canons de G3 pointés sur moi jusqu’à l’escadron de la Gendarmerie où il y avait Jean-Pierre Palm, Djibrill Bassolé et Gaspard Somé », a déclaré le témoin à la barre, se plaignant car il n’a jamais su ce pourquoi, il a été arrêté pendant plus d’un mois. Dans sa charge contre l’accusé Jean-Pierre Palm, le témoin a ajouté avoir « reconnu la voix de Jean-Pierre Palm et Blaise Compaoré avant le 2 octobre 1987 qui se donnaient un rendez », sans autre précision.

Mais, le colonel-major a réfuté toutes les allégations de l’ex-agent de renseignement qui rendait compte à l’ancien commandant de la Gendarmerie, Ousséni Compaoré, lui aussi cité à comparaître comme témoin. « Le jour de l’accouchement, il n’y a pas de honte. Il faut se dire la vérité », a-t-il répliqué au colonel-major à la retraite qui a souligné que lui et Gaspard Somé qu’il a cité, étaient comme chien et chat parce qu’ils ne s’entendaient pas et là, où il y avait l’un, l’autre ne pouvait être là. Jean-Pierre Palm, commandant de la Gendarmerie deux jours après le coups d’Etat du 15 octobre 1987, répondant à une relance du juge, a dit qu’on pouvait procéder à des arrestations sans qu’il n’en donne l’ordre. Mais, seulement, on lui rend compte, après.

Le point où les deux personnes interrogées à la barre se rencontrent, c’est l’incapacité de la table d’écoute à avoir une mémoire. Les deux personnes sont unanimes que les cassettes étaient encastrées dans la table et après exploitation des données, on les effaçait automatiquement. M. Doamba a précisé que ce sont des numéros qu’on leur envoyait sans nom et eux, ils appelaient des répartiteurs à l’Onatel qui les connectaient aux numéros pour suivre les conversations de ceux qui sont au bout du fil.

Après le témoin Boukary Doamba, c’est son agent Patrice Ouédraogo, adjudant-chef major à la retraite qui a été appelé à la barre du Tribunal militaire. Ce témoin a reconnu qu’un coup d’Etat se prépare mais a laissé entendre que le renseignement à leur niveau « n’a pas pu appréhender » les évènements du 15 octobre 1987. Mais, a-t-il soufflé, des informations d’ordre général que lui et ses collègues ont recueillies, « ça n’allait pas entre le président Thomas Sankara et Blaise Compaoré ».

« Donc je note que le service de renseignement n’a pas fonctionné », a relancé le président du Tribunal militaire comme pour pousser le témoin dans son dernier retranchement. « Le 14 octobre 1987, une voix européenne a appelé Blaise Compaoré pour s’informer comme la situation est délétère, s’il venait à Ouagadougou, c’est qui il devait chercher à voir entre lui et Thomas Sankara ? Blaise Compaoré a dit que s’il vient de venir le voir. Alors j’ai trouvé ça suspect et on a informé la présidence », a-t-il déclaré, ajoutant qu’« on ne peut pas tout dire comme ça au procès ».

L’avocate inscrite au Barreau de Paris, Me Anta Guissé de la partie civile a informé le Tribunal militaire du décès de deux de leurs témoins, des Ghanéens, que sont Nordor Kely et Tsikata Kojo.

Le procès reprendra avec la poursuite de l’interrogatoire du témoin Victor Zongo, avant celle des témoins dont Ousséni Compaoré, ex-ministre de la Sécurité du Burkina.

Par Bernard BOUGOUM