Accueil A la une Quand Edouard Philippe signera-t-il le décret d’extradition de François Compaoré?

Quand Edouard Philippe signera-t-il le décret d’extradition de François Compaoré?

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François Compaoré
Après plusieurs audiences, la cour de cassation a confirmé l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, favorable à l’extradition de François Compaoré. Afin qu’elle soit effective, le premier ministre français doit maintenant signer un décret. Nous rendons compte ici de la mobilisation au Burkina Faso à l’occasion du 21eme anniversaire de l’assassinat.
On se rappelle que François Compaoré, petit frère de Blaise Compaoré est impliqué dans l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en décembre 1998. A l’époque il enquêtait sur la mort de David Ouedraogo, le chauffeur de François Compaoré. Ce dernier avait confié son employé à des proches, membres du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) pour l’interroger sur un vol dont aurait été victime son épouse. On dit que David Ouedraogo est mort sous la torture dans des conditions atroces.

La justice sous le régime de Blaise Compaoré avait conclu à un non-lieu. L’insurrection de 2014 avait permis la réouverture du dossier. François Compaoré s’est enfui du Burkina. Depuis la justice du Burkina cherche à l’interroger. Un mandat d’arrêt international était lancé contre lui pour qu’il soit  entendu. Il a été interpellé à Roissy le 29 octobre 2017. Après plusieurs audiences, la cour de cassation a confirmé l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, 5e section, en date du 5 décembre 2018 favorable à l’extradition.

Rien ne s’oppose plus à cette extradition, comme nous l’a confirmé, Me Anta Guissé, l’avocate qui suivait le dossier à Paris pour le gouvernement burkinabè. En effet dans son arrêt rendu le 5 juin 2019 (voir https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000038629813&fastReqId=673932502&fastPos=12) la cour de cassation a confirmé l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, 5e section, en date du 5 décembre 2018 favorable à l’extradition.

Selon la procédure, l’extradition, pour être effective, doit maintenant faire l’objet d’un décret signé par le premier ministre. Or cette confirmation date déjà depuis 6 mois. C’est à juste titre que l’on peut s’étonner d’un tel délai pour signer ce décret. De plus ce décret peut encore être contesté devant le Conseil d’État,  comme l’ont d’ores et déjà annoncé les avocats de François Compaoré. Alors autant signer le décret rapidement pour aller de l’avant.

Ainsi, à l’occasion du 21ème anniversaire l’assassinat du journaliste de Norbert Zongo, qui enquêtait notamment  sur la mort du cuisinier de François Compaoré, plusieurs initiatives à Ouagadougou ont rappelé l’exigence de vérité et de justice sur cet assassinat, une exigence qui passe par l’extradition effective de François Compaoré.

C’est ce qu’a confirmé de nouveau le procureur de la République, Laurent Poda, lors d’une conférence de presse à Ouagadougou, le 13 décembre, annonçant la tenue de la tenue de deux sessions de la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouagadougou dans les prochains jours. Mais à propos de l’assassinat de Norbert Zongo, il a déclaré : « Quand je suis arrivé, la mission qui m’avait été assignée était la réouverture du dossier Norbert Zongo. Cela a été fait et je puis vous dire qu’entre 1998 et 2015 ce qui a été fait comparativement à ce qui a été fait entre 2015 à nos jours n’est pas comparable. D’abord, la justice a réussi à inculper des gens, des expertises ont été faites et nous avons découvert des choses qui étaient cachées.  Nous avons retrouvé des scellés, et obtenu l’extradition de quelqu’un qui semble-t-il joue un rôle important dans ce dossier. Actuellement nous attendons que ce monsieur puisse être extradé enfin d’être entendu par le juge d’instruction. Cela ne dépend pas de nous mais des procédures judiciaires. Je suis en mesure de vous dire que ce dossier est suffisamment avancé et pourrait être jugé si François Compaoré était extradé » (voir https://www.burkina24.com/2019/12/13/affaire-norbert-zongo-ce-dossier-pourrait-etre-juge-si-francois-compaore-etait-extrade-laurent-poda/ et http://www.fasozine.com/actualite/societe/8040-justice-99-dossiers-enroles-pour-les-sessions-des-poles-criminels-de-ouagadougou-et-de-ouahigouya.htm ).  C’est donc bien les lenteurs de la France qui retardent le dossier et empêche la tenue du procès

Dès le 3 décembre, une conférence de presse, du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques ( CODMPP), qui mène le combat depuis de nombreuses années pour que justice soit rendue à Norbert Zongo, son frère et ses amis décédés avec lui,  et la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC) ont appelé à des assemblées générales, des conférences, des meetings, des marches-meetings, se plaignant .

Ces organisations se sont retrouvées le 13 décembre, au cimetière pour déposer une gerbe sur la tombe de Norbert Zongo et ont organisé un meeting place de la Nation.

De leurs côtés les organisations de la presse et d’autres associations des droits de l’homme ont publié une déclaration (on trouvera l’intégrale de cette déclaration à la fin du présent article, que nous publions ci-dessous intégralement, qui reprend l’histoire du dossier et interpelle les autorités françaises le retard dans l’exécution des décisions judiciaires, s’interrogeant les raisons de ce retard, « les raisons de ces lenteurs qui ne font qu’alourdir les supplices de toutes sortes que subissent les ayants droits des victimes depuis 1998 », ajoutant ; « Nous demandons à la France de clarifier sa position par rapport à cette demande d’extradition de François Compaoré. Nous ne comprenons pas qu’alors que le président français en personne l’avait promis à Ouagadougou, François Compaoré ne soit toujours pas extradé, et ce, malgré le quitus de la justice française. Nous exprimons ici notre indignation ainsi que le ras le bol des populations burkinabè face à la prise en otage de ce dossier par la collusion entre les élites africaines et occidentales, renforçant le sentiment que la France ne joue pas franc-jeu avec les Pays africains. »

Ces associations avaient pris rendez-vous auprès de l’ambassadeur de France pour lui remettre ce texte. L’ambassadeur les a reçus et leur a déclaré : « La justice française a fait son travail. Elle a rendu ses jugements et l’exécutif français, en lien étroit avec les autorités burkinabè, je peux vous témoigner ici que nous travaillons main dans la main sur ce sujet depuis plusieurs mois », a signifié M. Hallade qui a rassuré qu’une « partie de son mandat est de faire en sorte que ce problème soit réglé dans les meilleurs délais ». Pour la lenteur sur ce dossier, il a indiqué que « simplement on se donne quelques garanties juridiques pour que ce décret soit exécuté dans les meilleures conditions ».

Espérons que ces différentes interventions au Burkina convaincront les autorités françaises que les Burkinabè restent mobilisés et particulièrement attentifs aux suites données à la validation de l’extradition par la justice française.

Bruno Jaffré 

https://blogs.mediapart.fr/bruno-jaffre/blog/161219/quand-edouard-philippe-signera-t-il-le-decret-d-extradition-de-francois-compaore