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RD Congo: dans la tête de Trump

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Une guerre qui ne trouve pas solution en RD Congo

Le conflit dure depuis des décennies, avec des millions de morts à la clé. Longue et sinueuse est sa trajectoire pour la recherche de solution. Sans issue, jusqu’à l’information, il y a trois mois, selon laquelle l’Amérique de Trump avait trouvé un remède: du «troc» consistant à échanger «la paix qu’elle imposera contre les matières premières stratégiques» congolaises.

Quel en était le dessous des cartes? Résumé des faits, en termes homogènes. Pour la compréhension de tous.

Les dernières péripéties de la problématique sont palpitantes: le curseur se promène. Il passe d’Afrique au Qatar de l’émir Tamim ben Hamad Al Thani, puis, aux Etats-Unis. Entraînant, tout autant, la présence de nombreux médiateurs. Le président français Emmanuel Macron en est un, en sous-main. L’union Africaine (UA) est revenue à la charge avec la désignation du président togolais Faure Gnassingbé, en remplacement du président angolais Joao Lourenço.

Aucun conflit au monde, en vue d’un règlement, n’aura connu une telle divagation. Cela, pour deux raisons simples.

La première est que la RD Congo est l’un des pays les plus riches de la planète. Sinon, le plus riche, où «l’or roulé en pépite» coule avec les eaux des pluies, à Lugushwa, dans la région de Kamituga, au Sud-Kivu. Alors que cobalt, coltan, lithium et autres matières stratégiques parsèment tout le territoire. Jusqu’à plus soif. Cela étant, tout le monde voudrait se trouver au râtelier. En commençant par les grandes puissances, dont les Etats-Unis.

Pour l’illustrer, on a vu comment le nouvel occupant du bureau ovale tenait à récupérer l’argent dépensé par son pays dans la guerre en Ukraine: passer par un troc qui vise les matières minières stratégiques ukrainiennes.

La deuxième explication découle du mot «pouvoir». Une énigme, pense Etienne de la Boétie (XVIe siècle). Un de ses aspects qui nous en convainc, surtout en Afrique, est le fait que quand on détient le pouvoir, on ne veut plus s’en séparer. Le président Félix Tshisekedi n’a pas dérogé à la règle. Tout comme son prédécesseur Joseph Kabila. Il y tient dur comme fer. Au point de pactiser avec le diable.

«Peur sur Kinshasa»

Or, à cette obstination répond une rébellion armée de la coalition AFC-M23, appuyée par le Rwanda. Une véritable machine de guerre. Qui, en deux ans, a arraché des pans entiers du territoire dans les deux provinces juteuses du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Mais, c’est la chute de Goma et de Bukavu, leurs chefs-lieux respectifs, en janvier dernier, qui a sonné le véritable tocsin.

A Kinshasa, à la présidence de la République, la peur est diffuse, palpable. Le «régime va-t-il tomber», se demande-ton. Pour sauver les meubles, le président congolais court à Washington, chez Trump. L’un est assis sur des montagnes de mines stratégiques, mais aussi sur une impéritie avérée, l’autre, en fin homme d’affaires, obsédé par l’idée de la grandeur de l’Amérique, est fortement attaché à la notion d’intérêts. Dans ce cas précis, donc, intérêts croisés bien compris, qui vont vite pousser la Maison Blanche à concocter un accord-troc: «paix contre matières stratégiques». Et Kinshasa à l’approuver. De bonne grâce.

Voilà le sens du dessous des cartes sur l’accord Tshisekedi-Trump. C’est, également, l’explication à donner à la vitesse d’exécution y afférente.

Depuis, tout était sur les bons rails, jusqu’à vendredi 2 mai, à Washington. De fait, en cette date, il s’agissait de matérialiser la mise en œuvre de «l’avant-projet de paix», en présence des représentants du Rwanda et de la RD Congo. Première étape qui devait aboutir à la signature proprement dite de l’accord de paix, dont le contenu, en gros, prévoyait le partage des ressources minières congolaises entre les deux pays en conflit. Avec possiblement un face à face Kagame-Tshisekedi.

Ce préambule n’a pas eu lieu. L’affaire a fait un flop. Caramba! Encore raté! Que s’est-il donc passé dans la tête de Trump? Bien que les raisons de cet échec ne soient pas formellement explicitées, on pense à un début de reculade du président américain. Sinon, à une fin de non-recevoir. Quoi qu’on dise de lui, le maître de la Maison Blanche est peut-être tout, sauf un crétin. Ainsi, face à la réalité cacophonique qui prévaut dans l’est de la RD Congo, il aurait refusé de se poser en juge indélicat. Après tout, l’Amérique reste une grande nation, une espèce de grand phare universel de valeurs démocratiques.

En matière de diplomatie, il ne faut pas vite crier victoire, avant la concrétisation du dernier geste. Les impasses y sont monnaie courante.

L’initiative des Eglises prime 

Dès lors, les hypothèses se bousculent. Mais celle de laisser s’affermir l’initiative entreprise par les Eglises Catholique et Protestante, dans le cadre d’un «Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RD Congo et dans les Grands Lacs», semble de loin l’emporter. Elle est rationnelle, nationale, globalisante et donc, en capacité de réunir tout le monde autour de la table des négociations, en vue d’imposer une solution idoine, durable et acceptable par tous. La Maison Blanche y aurait souscrit.

C’est l’unique préalable pour éviter de tourner en rond. Et de se hisser à un deuxième niveau, celui de dialoguer avec le Rwanda à force égale. Géographiquement, le Rwanda est resté un petit pays, mais il ne l’est pas sur le plan géopolitique, à cause de son organisation du sens de l’Etat. Il est politiquement stable; son économie connaît un essor indéniable; son armée est en pleine montée en puissance…

Comme postscriptum, il ne serait pas vain d’évoquer, face à cette question, la levée de boucliers de la part du peuple congolais. Dans sa majorité, Il s’y oppose. En témoigne la voix du Dr Mukwege, prix Nobel de la paix, qui rejette avec force ce deal.

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France