Accueil A la une RD Congo-Rwanda: le M23, c’est fini!

RD Congo-Rwanda: le M23, c’est fini!

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Les affrontements entre FARDC et M23 ont occasionné des pertes en vies humaines énormes (Ph. d'illustration)

Les médias autant étrangers qu’africains restent partagés, au sujet du retour à la paix dans l’est de la RD Congo. La raison en est simple: plusieurs accords de paix sans lendemain ont été déjà conclus entre le Rwanda – ou du moins les rébellions armées à sa solde -, et son pays voisin. Des accords inappropriés, somme toute, laissant sur le côté les questions essentielles du conflit. Il en a été ainsi du mini-sommet tenu à Luanda, en Angola, du 22 au 24 novembre. Toujours de l’embrouille à l’horizon. Alors que la crise congolaise, comme une pandémie, s’approche de son pic.

Etaient présents à cette réunion dont l’importance n’est plus à démontrer, le président du Burundi, Evariste Ndayishimiye et celui de la RD Congo, Félix Tshisekedi, autour de leur homologue angolais, Joao Lourenço. Quel a été le résultat de cette énième rencontre, à propos de la situation catastrophique qui prévaut à l’est du Congo? Comme on s’y attendait, celle-ci a reproduit le même schéma que les autres fois, fait de langue de bois: cessation des hostilités, cantonnement du mouvement rebelle M23 à sa position initiale, c’est-à-dire dans la ville frontalière de Bunagana, reprise du dialogue bilatéral RDC/Rwanda, programmé pour fin décembre… et autres rengaines sans intérêt réel dans le sens de cheminer vers la fin du conflit.

Observation de taille: le président rwandais, concerné au plus haut point par la question, a simplement choisi de briller par son absence en Angola. Il s’est fait représenter par son ministre des Affaires Etrangères. Est-ce par mépris? Pas sûr.

Réveil du peuple congolais

Pourtant, à l’analyse, la crise congolaise a changé de paradigmes. En dépit d’hypothèses prêtes à soutenir le contraire. Il y a trois raisons qui l’expliquent:

Primo:  c’est la première fois qu’on a vu le peuple congolais manifester dans la rue contre le Rwanda. Avec véhémence. Cela s’est passé dernièrement à Goma, à deux reprises, non sans effets d’entraînement. Car, les villes de Beni et de Butembo, situées dans l’extrême nord de la province du Nord-Kivu, ont vite fait d’emboiter le pas. Au lendemain des conclusions du récent mini-sommet de Luanda, les Congolais ont encore levé le petit doigt pour dire «non aux accords scélérats» – c’est le vocabulaire utilisé par la société civile de cette province. Or, le mensonge ne résiste point à l’épreuve du temps. Pendant que le président rwandais Kagame et ses affidés congolais s’échinaient à tricoter les mensonges, le temps en faisait autant, discrètement, dans le sens contraire. Détruisant ainsi cette phrase attribuée au nazi Joseph Goebbels, selon laquelle «un mensonge répété mille fois se transforme en vérité».

Qu’on le veuille ou non, ce réveil du peuple congolais, est un «signe». Celui-ci désigne l’implication, dans cette crise interminable, d’un nouvel acteur majeur, auquel les démocraties libérales attribuent les caractéristiques de «souveraineté». Au sein de ces régimes, le pouvoir émane exclusivement de cette source: le peuple. L’Histoire ne le confirme pas moins: par exemple, le shah d’Iran et son pouvoir millénaire ont été soufflés comme de la paille quand le peule s’était mis debout contre son exploitation. Bien que se déroulant un peu à distance de la RD Congo, l’agitation qui secoue l’Afrique de l’Ouest, c’est aussi un signe des temps. A grande échelle. Un lien avec la conscience de «l’autre Afrique» n’est pas à écarter totalement. Là, les contestataires pointent du doigt l’Occident, sans nuances, tandis que la contestation au Congo se limite encore à accuser des intermédiaires: Kagame, Museveni, Ndayishimye, etc.  En réalité, de part et d’autre, la conception sur les relations Occident-Afrique reste la même: la conviction que «si le mal est endogène, il est surtout exogène, plus corrosif que jamais».

Secundo: après des décennies de myopie devant les intérêts à engranger, l’Occident, en particulier, et les autres puissances économiques, commencent à prêter une oreille attentive au bruit de fond qu’émet  le continent. Les rencontres au sommet, à un rythme infernal, entre le Nord et les pays africains ne se font plus dans le même ton qu’il y a trente ans. A l’époque, les puissances économiques imposaient leur diktat sur la marche des affaires; aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Il y a comme un «esprit de négociation», qui tend à prendre le pas sur leur arrogance. Et cette attitude n’est pas sans effet sur la conduite des conflits en Afrique. En RD Congo, les assauts de la rébellion du M23, en ce moment, sont les derniers, puisque les arguments des pays qui la soutiennent sont usés jusqu’à la corde. Pis, les relations internationales, pour l’Afrique, se compliquent avec l’entrée en scène de la Fédération de Russie. En effet, l’Occident n’y prend plus ses aises, devant la présence du groupe paramilitaire russe Wagner. La Chine et les pays émergents du Sud-Est asiatique ne sont pas en reste. Ils sont tous à l’affût pour rafler la mise. Tout cela fait que la crise congolaise, en image sanitaire, s’approche de son pic – ou elle l’a déjà atteint -, faute de commanditaires. Y aura-t-il une variante plus dangereuse que la pandémie elle-même, représentée par l’exploitation éhontée du néocolonialisme?

Tertio: indépendamment des deux raisons précédentes, ce troisième élément vaut son pesant d’or. Il concerne les relations de «fraternité» entre Tshisekedi, Congolais, et Kagame, Rwandais. Etonnant!  Était-ce, de la part du premier, un lapsus ou de l’hypocrisie cousue du fil blanc à l’égard de son interlocuteur? On sait, et les faits sont accablants à ce sujet, que la «promotion» de Tshisekedi au fauteuil présidentiel a été dictée par Kagame. Qu’en est-il aujourd’hui quand les «frères» s’accusent mutuellement, dévoilant ainsi publiquement leur division? La bonne réponse se trouve dans la Bible: «Tout royaume divisé contre lui-même est dévasté, et toute ville ou maison divisée contre elle-même ne peut subsister» (Math. 12-25). Or, les deux «frères», aujourd’hui, sont assurément divisés…

Jalons d’une balkanisation

Accessoirement, il n’est pas inutile de mettre entre parenthèses les essais nucléaires de la Corée du Nord. Capable de propulser des missiles balistiques intercontinentaux, susceptibles de toucher les Etats-Unis, le pays de Kim-Jong un envoie un message codé au monde. Son décryptage peut accorder plusieurs sens, dont celui de rappeler l’article premier de la Déclaration universelle des de l’homme: «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits…». Autrement dit, ceux qui croient avoir le droit de dicter leurs quatre volontés au monde entier, doivent maintenant le cesser. C’est un rappel à l’ordre. Il n’y manque pas un lien avec ceux-là qui imposent la guerre à la RD Congo, à travers ses pays voisins interposés.

A mettre tout cela ensemble, la conclusion coule de source. D’abord, il s’avère que la crise à l’est de la RD Congo est une affaire d’escroquerie, avec en toile de fond des intérêts qui se superposent. Pour le Rwanda, outre la part du butin qui lui revenait sur l’accaparement des ressources du sous-sol congolais, il tentait de planter les jalons d’une balkanisation de cette partie, afin de se la rattacher. Autrement dit, c’est ce pays voisin le «mal» congolais. Derrière lui, les multinationales, véritables bénéficiaires de cette tricherie, tiraient les ficelles, sous le regard complice de la communauté internationale. D’où cette suite d’échecs, voulus, à travers plusieurs sommets pour la paix entre le Rwanda et son grand voisin. Ensuite, ceci expliquant cela, l’existence du M23 est, désormais, aléatoire. Sa fin est programmée.

Si les présidents Kagame et Museveni, principalement, pensent autrement, ils auront fait une mauvaise lecture de la grille de la situation. Car, le contexte des relations internationales a beaucoup évolué en vingt ans. On verra des retournements inattendus des problèmes qu’on croyait insolubles.

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France