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RDC: élections compromises?

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Martin Fayulu fait peur au pouvoir de Joseph Kabila (Ph. rfi.fr)

Evoquant une «impasse technique», le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a annoncé, ce jeudi, le report de l’élection présidentielle. Avant lui, c’était l e gouverneur de Kinshasa, évoquant des «impératifs sécuritaires», a suspendu sans autre forme de procès la campagne électorale, ce mercredi 19 décembre 2018. Ceci se passe à quatre jours des élections générales obtenues au forceps par la société civile, l’Eglise catholique et les partis politiques de l’opposition. La décision des autorités est intervenue alors que la déferlante «Lamuka», la coalition de l’opposition menée par l’inattendu Martin Fayulu, était aux portes de la capitale congolaise. Stoppé donc en plein élan au bas de la citadelle Kinshasa, le candidat qui provoque un véritable raz de marée sur son passage, n’aura donc pas la possibilité de secouer jusqu’au bout le système Kabila, dont les convictions de reconquête du pouvoir sont de plus en plus ébranlées. André Kimbula voudrait faire tomber l’engouement autour de Martin Fayulu qu’il ne procèderait autrement. Egrenant les incidents qui ont été à la base «d’importants dégâts» durant la campagne électorale ne fait que le jeu de son maître qui, justement a utilisé tous les moyens pour décrédibiliser le champion de «Lamuka» au profit du cheval du pouvoir, Emmanuel Ramazani Shadary. Ce dernier malgré les moyens de l’Etat massivement utilisés pour faire campagne n’arrive pas à soulever foule. Allant jusqu’au bout d’une illogique sans limite, le valet du président Joseph Kabila précise que «les activités de campagne dans les médias sont, elles, maintenues sans exception».

Quelle campagne électorale peut produire les mêmes effets que le contact physique entre le candidat et son électorat? Cette interdiction de campagne est donc aussi inédite qu’inique. Elle ne vise en réalité que Martin Fayulu qui, pourtant, est la première victime des manigances du pouvoir et les actions musclées et souvent mortelles des forces de l’ordre, qui n’ont d’autre but qu’à dissuader les électeurs de suivre cette puissante machine électorale qu’est devenu un Martin Fayulu sur qui peu d’analystes politiques ont tablé. Désormais, les masques sont tombés et tout porte à croire que le chef de l’Etat congolais est très loin de vouloir quitter les affaires. Kabila s’est retiré de la course à la présidentielle pour mieux contrôler ces élections. Maître du jeu jusqu’au bout, il est conscient que ce scrutin lui servait juste à mettre entre parenthèses, pour un quinquennat, un pouvoir qu’il entend récupérer des mains de son pion, après une mise en scène de mandat. Ainsi, le président congolais aura habilement contourné la constitution qui ne l’autorise qu’à faire deux mandats successifs. Le boulanger de Kinshasa, voyant son plan être déjoué par le phénomène Fayulu s’offre alors les subterfuges les plus ubuesques pour reprendre les choses en main. Ainsi lui est née l’idée d’un report des élections pour la date du 30 décembre. Comment réagiront les militants de Fayulu à cette décision qui pourrait bien rejeter ces élections aux calendes grecques, après les multiples reports qu’elles ont connues dans le passé, depuis 2016? Tout en accordant un peu de bonne foi à Kabila et ses sbires qui avancent comme argument du report d’une semaine, le redéploiement du matériel électoral sur Kinshasa, suite à l’incendie aux contours encore flous d’un entrepôt qui abritait les fameuses machines à voter et d’autres équipements électoraux, on peut se demander si le pouvoir n’est pas simplement en quête de temps pour élaborer d’autres stratégies en vue de contrer l’envoler de Martin Fayulu.

Les élections du 23 décembre seront-elles compromises pour de bon? Difficile de répondre à cette question. Cependant, c’est certain que ces élections sont celles de tous les dangers. Car leur tenue suscite bien des incertitudes tout comme leur non tenue pourrait bien faire exploser une marmite politique congolaise qui ne cesse de bouillonner. C’est désormais clair, Joseph Kabila a très peur de ces élections vers lesquelles il a été poussé.

Par Wakat Séra