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RDC: les carottes sont cuites

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Le président congolais, Félix Tshisekedi (Ph. d'archives)

Les carottes sont cuites. Félix Tshisekedi est désormais le cinquième président de la RD Congo. Il en sera ainsi pendant son mandant de cinq ans, jusqu’en 2023. Pour autant, cela n’efface pas comme par enchantement le contentieux post-électoral, puisqu’il y en a un, qui jure avec les «mensonges  des urnes». Celui-ci aura constitué, en droit, un cas de «jurisprudence», en matière d’élection en Afrique, et ouvert, pour les Congolais, une plaie à vif du tribalisme. Du reste, Félix Tshisekedi est déjà confronté à sa première fronde sociale.

Qu’à cela ne tienne. Depuis son investiture, il y a près d’un mois, l’homme avance d’un pas vaillant. En Angola, au Kenya et au Congo-Brazzaville, où il a expérimenté le premier contact d’initiation, il a reçu une bonne note, plus qu’une côte d’amour. Dimanche, 10 février, lors de l’ouverture du 32è Sommet de l’Union africaine (UA), à Addis Abeba, c’était le bouquet. On l’a vu, presqu’en star, être porté aux nues. Indistinctement par ceux qui l’ont adoubé ainsi que par ceux qui ont «émis un doute sérieux» sur sa victoire. La plus belle figure de cette consécration furent les félicitations publiques à lui adressées par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

En lisant entre les lignes l’aspect général de cet accueil, on peut y voir un message de la communauté internationale au peuple congolais ainsi qu’à sa classe politique: «Supportez l’insupportable au nom de la paix». Car, elle sait de quel côté se trouve la «vérité des urnes», laquelle, pour le moment, est en train de se perdre dans les brouillards.  C’est aussi une réponse indirecte au courrier que lui a fait parvenir le leader de «Lamuka», Martin Fayulu, qui continue d’accuser un hold-up électoral. Certes, avec raison, mais pendant que le train de la supercherie, mis magistralement sur les rails par l’ancien président Joseph Kabila, est en train d’atteindre sa vitesse de croisière.

Résurgence du tribalisme

Peut-on dire, au vu de cette réalité, que la boucle est vraiment bouclée, autrement dit, que le dossier lié au contentieux électoral a été vidé? Que nenni! Le silence du peuple congolais n’est pas un acquiescement de ce fait de fraude unique en son genre. Jamais, en Afrique, on avait enregistré un seul cas où la victoire électorale s’était négociée, en officine, en dehors des instances y afférentes. Mais, «la fin est dans les moyens comme l’arbre dans la semence», disait Gandhi. Kabila avait les moyens de faire ce qui lui semblait bon pour se maintenir au pouvoir. Le peuple a accusé le coup; il n’a pas encore dit son dernier mot.

Et c’est à cela que Tshisekedi et son entourage doivent faire très attention. Tout au long de deux longues années (depuis 2016) de négociations politiques pour parvenir à l’organisation d’élections, le peuple réclamait le départ de Kabila. Sans aucune autre forme de procès.  Aujourd’hui, Kabila est toujours là. Le peuple attend… ce départ pour lequel il a déjà payé tous les frais de voyage, à travers le piètre score de moins de 20 % des suffrages qu’a récoltés  son dauphin Ramazani Shadary. Bon dernier. Une autre condition pour que le peuple tolère l’action du nouveau président «sans effets secondaires», c’est de balayer les moeurs, dans lesquelles s’incrustent la corruption, l’injustice et le détournement des biens sociaux. Socle de toute bonne gouvernance, sans lequel les «fruits ne tiendront pas la promesse des fleurs».

C’est à cette unique condition que le président Tshisekedi réussira à convaincre le peuple souverain et à gagner sa sympathie. C’est un peuple fatigué et abusé pendant un demi-siècle. Et, c’est à cette condition unique que ceux qui ont donné leurs suffrages à Fayulu accepteront de le regarder comme «guide», puisqu’ entre le chef  et son peuple, il y a une sorte de lien subliminal de parenté. C’est à cette unique condition que le soldat Fayulu et le soldat Tshisekedi pourraient se réconcilier sur le champ de bataille, car ils auraient en face un seul ennemi, les ennemis du peuple, au pouvoir depuis plus de 18 ans.

Sans cet engagement, le pays court à sa ruine, ruine dont l’amorce  se signale déjà, à travers la résurgence du tribalisme. Pourtant, celui-ci est de la même famille que le nationalisme. Or, le «nationalisme, c’est la guerre», disait Feu le président François Mitterrand, à propos de l’ex-Yougoslavie.

A bon entendeur, salut!

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France