Accueil A la une RDC: Moïse sauvé des eaux, le «Sphinx» bientôt de retour

RDC: Moïse sauvé des eaux, le «Sphinx» bientôt de retour

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Le rapatriement de la dépouille de Etienne Tshisekedi annocé pour le 30 mai (Ph. REUTERS/François Lenoir)

Alors que ses orphelins de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) désespéraient de lui rendre des hommages dignes de son statut de baobab de la politique africaine, l’arrivée de la dépouille de Etienne Tshisekedi est annoncée pour le 30 mai prochain. Et le « Sphinx de Limete » aura droit à des funérailles 5 Etoiles du 30 mai au 1er juin. Rien de plus normal pour l’opposant historique qui a tenu tête à tous les pouvoirs, de Mobutu à Kabila fils, en passant par Kabila père. Les palabres autour de la dépouille de Etienne Tshisekedi ont duré deux bonnes années et ont fini par convaincre que même mort, le père de l’UDPS dérangeait toujours le pouvoir de ses adversaires. Il a fallu que Félix Tshisekedi vienne aux affaires pour que le corps de son père puisse être rapatrié, tant la question a suscité des divergences entre famille naturelle, famille politique et pouvoir. Il en avait fait une promesse électorale, comme s’il connaissait l’issue des votes.

Moïse Katumbi Chapwe lui est bien rentré, en chair et en os. Loin d’être une fiction, le come-back de l’ancien gouverneur sur ses terres du Katanga, est bien une réalité, après trois ans d’une absence forcée, réfugié en Belgique. Harcelé par la justice aux ordres de son pays, l’homme qui était de ceux qui donnaient des nuits blanches à son ancien persécuteur et désormais ancien chef de l’Etat de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, n’a dû son salut qu’à l’exil. Et c’est depuis la Belgique, après avoir tenté vainement de revenir à la maison, que le proche du régime Kabila, devenu son empêcheur de gouverner en rond, a poussé sans succès, un certain Martin Fayulu vers le fauteuil présidentiel. Friand de ces jeux dont il est le seul maître, le destin fait de Félix Tshisekedi celui qui a fait revenir Moïse Katumbi en RDC, alors que Martin Fayulu, le poulain de l’homme d’affaires et président du prestigieux club de football TP Mazembé, continue de revendiquer la victoire de cette présidentielle controversée du 30 décembre 2018. Que va faire maintenant le champion de Lamuka, qui, du reste, a brillé par son absence à l’arrivée de son mentor à Lubumbashi?

C’est certain que Félix Tshisekedi a bien joué son coup. En plus de se tailler un costume de justicier et de faiseur de paix en ramenant celui que des sondages avaient désigné comme vainqueur de la présidentielle en son temps, le successeur-surprise de Joseph Kabila désarme celui qui continue de faire des tournées de contestation à l’intérieur et hors des frontières de la RDC, où il compte encore bien de soutiens. Mais Fayulu peut-il encore peser lourd dans la balance sans Moïse Katumbi, son véritable bras financier et sa caution morale auprès de la communauté internationale? Rien n’est moins sûr. Fin tacticien, le fils du Sphinx de Limete, Feu Etienne Tshisekedi, vient également en quelque sorte de redessiner la carte politique de la RDC, lui qui se débattait dans les serres du système Kabila et surveillait également comme du lait sur le feu, l’autre poids lourd de l’opposition, Jean-Pierre Bemba Gombo qui est loin d’avoir digéré sa mise à l’écart de la course à la présidentielle. En français facile, on appelle ça, «diviser pour régner». Comme quoi, Félix Tshisekedi n’est pas moins bon lecteur de Nicolas Machiavel. Dans ce rééquilibrage des forces qui devait jouer en sa faveur, le chef de l’Etat congolais, en profitera sans doute pour se donner plus de marge de manœuvre dans une gouvernance dont les principaux leviers sont restés dans les mains de son prédécesseur dont la coalition détient l’assemblée nationale, le sénat, les gouvernorats, et dans une certaine mesure la primature. Du reste, Tshisekedi, après quatre mois de présidence vient d’avoir son Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, certes figure de compromis entre l’ancien et le nouveau présidents.

En tout cas, la scène politique prend de nouvelles couleurs dans une atmosphère où les calendriers semblent avoir été bousculés pour faire coïncider, ce même jour de lundi 20 mai 2019, le retour de Moïse Katumbi, après 3 ans d’exil, la nomination du Premier ministre Ilunkamba après 4 mois de gouvernance Tshisekedi et comme cerise sur le gâteau, la visite en terre congolaise du ministre français de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Sans oublier que l’annonce du rapatriement du corps de Etienne Tshisekedi, a été faite le lendemain de cette journée mémorable. On ne peut que s’incliner devant la maestria du chef d’orchestre de service, le hasard ayant très peu de place sur l’échiquier politique.

Par Wakat Séra