Accueil A la une Régulation et autorégulation des médias en période de crise: comment s’y prendre?

Régulation et autorégulation des médias en période de crise: comment s’y prendre?

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Les acteurs du monde médiatique, au cours de la 10e édition du Festival international de la liberté d’expression et de la presse (FILEP), se sont intéressés à la problématique de la régulation et de l’autorégulation des médias en période de crise. En réflexion, ce jeudi 19 octobre 2023, autour de ce thème, à Ouagadougou, les régulateurs du Mali, du Togo, du Cameroun et du Burkina Faso ont mis en avant la nécessaire collaboration entre les instances de régulation et les médias pour réussir leur mission ainsi que la responsabilité sociale des journalistes, qui doit être de mise, selon eux, en période de crise.

Les panélistes au présidium

Les débats entre acteurs du monde médiatique, dans le cadre de la 10e édition du Festival international de la liberté d’expression et de la presse (FILEP), se poursuivent à Ouagadougou. Ce jeudi 19 octobre 2023, au deuxième jour après l’ouverture officielle de l’évènement, les réflexions ont porté sur la question de la régulation et de l’autorégulation des médias en période de crise. C’est le thème du troisième panel qui a été développé, au Centre de presse Norbert Zongo, par quatre communicateurs, tous des régulateurs dans leurs pays respectifs. Il s’agit de Mahamane Hamèye Cissé du Mali, Aimé Ekpé du Togo, Denis Mbezele du Cameroun et Abdoulazize Bamogo du Burkina Faso.

Mahamane Hamèye Cissé, ancien membre dirigeant de la Haute autorité de la communication (HAC), organe de régulation des médias au Mali,

L’ancien membre dirigeant de la Haute autorité de la communication (HAC), organe de régulation des médias au Mali, a été le premier à intervenir au cours du panel. Mahamane Hamèye Cissé a d’emblée souligné que «les instances de régulation sont mises à rude épreuve pendant les périodes de crise».  Il a rappelé que ces instances n’ont pas pour objectif premier de sanctionner les médias, mais d’être plus dans la pédagogie. «Les régulateurs sont là à 90% pour les médias», a rassuré M. Cissé.

Pour ce spécialiste du Droit de la presse et de l’Éducation aux médias, ces instances, pour réussir leur mission, ont plus intérêt à être en phase avec les médias. «Plus elles sont dans la pédagogie, plus elles sont en phase avec les médias, mieux le paysage médiatique se porterait», a-t-il noté.

Aimé Ekpé du Togo

Faisant une analyse de la situation de la régulation et de l’autorégulation au Togo, Aimé Ekpé a, quant à lui, déploré une «polarisation excessive» des médias et des journalistes eux-mêmes. «On assiste à une forte polarisation de la presse avec des journalistes proches du pouvoir et d’autres de l’opposition», a relevé M. Ekpé. Une situation qui amène, selon lui, le régulateur à intervenir de façon intempestive dans l’environnement médiatique togolais.

Partageant l’expérience du Togo en matière de régulation, Aimé Ekpé a indiqué qu’il est arrivé que des décisions de l’autorité de régulation soient contestées et que celle-ci soit déboutée en justice par la Cour suprême. Au Togo, l’information sécuritaire est une exclusivité de l’Armée, à en croire M. Ekpé, qui a confié que tout média qui s’inscrit hors de ce cadre est convoqué par l’organe de régulation.

Codifier le secret défense

Le troisième panéliste, le Camerounais Denis Mbezele a, pour sa part, rappelé que «la première victime d’une guerre, c’est la vérité». Il a indiqué qu’en temps de guerre, il s’impose une «nécessité d’informer» mais surtout une «obligation de réserve».

Denis Mbezele du Cameroun

«Le journaliste ne peut pas tout dire, il ne doit pas tout dire, mais il ne doit pas non plus tronquer la vérité», estime Denis Mbezele. Il a estimé que le secret défense, souvent évoqué par les gouvernements face à la presse, doit être codifié. Pour M. Mbezele, c’est un argument dont se servent les autorités pour «cacher certaines informations à leur avantage et de vouloir tout contrôler».

Au cours de ce panel, c’est l’hôte du jour, le président du Conseil supérieur de la communication (CSC), l’instance de régulation des médias au Burkina Faso, qui a clos la série des interventions. Abdoulazize Bamogo a insisté sur la responsabilité sociale des journalistes en période de crise.

Le président du CSC Abdoulazize a insisté sur la responsabilité sociale des journalistes en période de crise

«Le pays est face à un certain danger et les journalistes ne peuvent pas ignorer cette situation de fragilité dans leur façon de travailler, dans la mesure où le discours qu’ils tiennent peut avoir un effet sur cette situation de fragilité», a dit le président du CSC, considérant que c’est sur cette responsabilité que les organes de régulation et d’autorégulation doivent travailler.

Le public a activement participé au panel

Au Burkina Faso, au Mali et au Niger qui traversent une crise sécuritaire, les autorités de la Transition ont suspendu des médias, notamment étrangers, et procédé à l’expulsion de correspondants hors du pays. Elles ont souvent évoqué des «manquements graves», par ces médias, à l’éthique et la déontologie journalistiques dans leur traitement de l’information. Début octobre 2023, le Gouvernement burkinabè de Transition a adopté un projet de loi selon lequel le président de l’organe de régulation des médias sera désormais nommé par le chef de l’Etat. Les Organisations professionnelles des médias ont dénoncé cette mesure et y voient une «menace grave» pour la liberté de la presse au Burkina Faso.

Par Siaka CISSE