Accueil Editorial Restitution des biens culturels par la France: qu’en feront les Africains?

Restitution des biens culturels par la France: qu’en feront les Africains?

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Plus de 70 000 objets africains ont été répertoriés par les experts en France(Ph theconversation.com)

Emmanuel Macron sur le point de réaliser toutes ses promesses à l’endroit de l’Afrique, surtout celles qu’il a faites lors de son discours historique à l’université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, le 28 novembre 2017? S’il faut encore attendre un peu pour répondre par l’affirmative ou non à cette interrogation, il n’en demeure pas moins que les signaux envoyés par la France dans ce sens sont des plus prometteurs. La dernière action qui pousse à l’optimisme est bien ce rapport commandité par le président français sur la restitution des biens culturels africains. Le document sera remis à M. Macron, en principe, ce vendredi 23 novembre mais par le jeu des réseaux et des sources, la radio mondiale en a déjà obtenu copie. Le travail rédigé par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy est sans doute de haut vol car mené par une universitaire et une historienne. C’est du reste dans ce sens que ce rapport renforce la pertinence de l’initiative de Emmanuel Macron d’aider les Africains à redevenir propriétaires de toute leur histoire, en disposant de tous leurs biens culturels et même cultuels. C’est sans complaisance que les rapporteurs ont estimé et insisté sur «la nécessité d’une restitution pérenne des œuvres». Preuve que le travail sort des seules considérations colonialistes, les auteurs du rapport ont même pris en compte des objets provenant d’autres pays dont l’Ethiopie et le Ghana, qui n’ont jamais fait partie du pré-carré français.

Problème. Ces objets qui ont été pillés pour la plupart mais également offerts par les souverains africains séduits par les miroirs et les paroles apaisantes de la bible pourront-ils être rapatriés tant que la loi française ne s’adaptera pas à la vision de Emmanuel Macron? En dehors des termes à polémique comme restitutions «définitives» et «temporaires» dont le dernier le péché de l’ambiguïté, il urge que le législateur français emprunte la même voie que l’exécutif afin de faciliter le retour de ces œuvres réclamé à cors et à cri par les Africains. Deuxième interrogation et pas des moindres: quelle gestion sera faite de ces objets dont la symbolique demeure très lourde dans l’histoire des nations africaines qui peinent à occuper la place qui est la leur dans le bréviaire des grandes civilisations mondiales? En effet, dans les musées occidentaux, ces objets biens entretenus attirent un flux ininterrompu de visiteurs et de curieux soucieux d’en connaître davantage sur la riche histoire africaine. En Afrique où les musées brillent par leur rareté et leur sort de rébus répugnants quand ils existent, il est à craindre que ses objets revenus au bercail ne soient livrés à la précarité et à une mort certaine. En dehors de certains chercheurs, d’expatriés et de locaux qui s’y rendent le plus souvent par pur snobisme, la plupart des musées africains, faute de volonté politique, sont mal entretenus, et déserts.

Certes, les plus de 70 000 objets répertoriés de retour au pays natal feront la fierté des Africains et surtout de politiciens qui s’acharnent sur la question pour se refaire une bonne cure de popularité.  Mais pense-t-on à préparer les mentalités et surtout les endroits propices pour l’accueil de ces objets dont nombre d’entre eux renferment encore l’âme du continent et les âmes de nos ancêtres qui se sont battus contre l’invasion coloniale? Après avoir lutté pour leur retour, il est donc temps de commencer à mettre en place les conditions idoines pour perpétuer leur vie et surtout leur donner une seconde vie pour le bonheur des générations avides d’en savoir plus sur leur histoire. En tout cas, si Macron tient parole jusqu’au bout, nul doute que les Africains lui seront reconnaissants de ne plus être contraints d’aller reconstituer leurs origines en France. Et il serait même important et judicieux que d’autres dirigeants, britanniques et américains par exemple, marchent dans les sillions que trace le Français.

 

Par Wakat Séra