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SIAO: des exposants contre les tickets d’entrée

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Des visiteurs entrant dans un pavillon où sont exposés des oeuvre d'art

Des exposants ont exprimé leur mécontentement sur la politique des tickets d’entrée à cette 16e édition du Salon international de l’Artisanat de Ouagadougou (SIAO), au micro de Wakat Séra dans la soirée du mercredi 1er février 2023. Face à ce qu’ils considèrent comme une décision «inique» de l’organisation de ce Salon qui a connu plusieurs reports, nos interlocuteurs souhaitent que pour les prochaines éditions, le comité uniformise les prix des tickets d’entrée au site afin de permettre aux visiteurs d’avoir accès à toutes les expositions de toutes les salles. Au cours de notre passage, les exposants ont souligné que l’affluence est timide dans la matinée mais ont soutenu qu’il y a de l’engouement dans les soirées même si ce n’est pas la plus grande affluence comme lors des évènements précédents. La présente édition se tient dans un contexte sécuritaire et économique difficile que le connaît le Burkina Faso, pays non seulement en proie à des attaques de groupes armés mais aussi pris dans l’engrenage de l’inflation.

Le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) battait son plein, le mercredi 1er février 2023, au moment où nous y étions dans la soirée. Tout semblait en bon ordre. Les policiers nationaux étaient à pied œuvre pour faire les fouilles des visiteurs avant qu’ils n’accèdent au site. Les objets contondants et autres liquides jugés prohibés sont interdits d’accès au site. Les visiteurs doivent obligatoirement avoir une accréditation expresse ou se payer des tickets d’entrée vendus à 500 francs CFA et 1 000 francs CFA.

Une exposition au SIAO

L’intérieur du SIAO a naturellement changé de visage. Des espaces vides aménagés pour accueillir les points de ventes de nourritures et de boissons de toutes sorte, les stands publicitaires des partenaires de l’évènement, des chapiteaux et le bâtiment administratif abritant les responsables du SIAO et les membres du comité d’organisation de cette 16e édition en passant par les différentes salles d’expositions climatisées ou non, notre constat montre que tout semble avoir été mis en œuvre pour réserver aux exposants venus du Burkina Faso et d’ailleurs et aux visiteurs, un meilleur SIAO. Sur le podium d’animation musicale comme sur les salles, l’on aperçoit en grand, des posters de la Loterie nationale burkinabè (LONAB), le sponsor officiel de cet évènement. Des boissons aux mets locaux et des grillades des volailles dont le Burkina seul en a le secret, des visiteurs généralement en groupe ne manquent pas l’occasion pour se régaler.

Boukaré Nikièma, exposant

Boukaré Nikièma est un artisan burkinabè, vendeur d’ensemble en Faso Dan Fani mélangé avec du bazin. Il commercialise aussi des ensembles en Faso Dan Fani mélangés avec du tissu, du lin cassé, des bogolans, des ensembles faits avec des pagnes traditionnels du Ghana. Il en est à sa troisième participation. «L’affluence des grands jours n’est pas vraiment au rendez-vous. Sur une note de 10 on peut donner trois ou quatre (à l’engouement). Mais, c’est selon la situation nationale et on accepte», estime M. Nikièma qui pense que le report du Salon à deux reprises a joué aussi sur cette édition.

«L’information n’est pas très bien passée par la suite. Mais on comprend, on accepte et on fait avec. Sur les quelques visiteurs qui passent, sur trois il y en a un seulement qui achète», ajoute-t-il. Concernant l’organisation, cet exposant dit ne pas relever des éléments qui vaillent des plaintes. «On avait déjà des articles qu’on avait préparés il y a de cela 4 à 5 ans pour le SIAO, donc dans l’ensemble ça va. C’est le marché le problème mais comme j’ai dit, ça, c’est une situation nationale. Mais on ne va pas se plaindre de ça. On va faire avec et attendre la prochaine édition», dit-il. «On a noué beaucoup de contacts qui pourraient nous amener à Kinshasa, au Congo Brazzaville, Paris, etc», se réjouit-il.

Une oeuvre d’un exposant centrafricain, Yvon Bourges Dasso au niveau du Pavillon Soleil Levant C8. Cette oeuvre magnifie le président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré. Son stand a été décoré aux couleurs du Burkina

Son binôme à côté qui suivait notre conversation attentivement a enchaîné quand Boukaré a conclu sur ses propos. «Moi je mets ce SIAO sur l’espoir de la reconquête du territoire national parce que bon nombre de personnes ne pensaient même pas que cette édition allait avoir lieu», dit-il. «Avec la tenue de ce SIAO, cela donne le ton pour les autres événements culturels majeurs tels que le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), la Semaine nationale de la Culture (SNC), la Foire de Bobo (FIBO), etc. Tout cela montrera que malgré la situation sécuritaire, le Burkina Faso tient debout et veut se relancer», avance-t-il.

Cet exposant a tenu à remercier le gouvernement pour l’organisation de cette 16e édition parce que leurs amis exposants venus d’ailleurs ont même relever et saluer le fait que le gouvernement ait décidé à Ouagadougou de limiter l’heure de travail à 14H afin de permettre aux gens de venir au Salon. Par cet acte qui entraîne toute l’Administration publique, «le public saura qu’il y a le SIAO et cela augmentera le nombre des visiteurs forcément», s’est-il convaincu.

Amado Nana, exposant

Pour Amado Nana, vendeur de chaussures légères appelées des espadrilles qu’il fabrique et importe aussi pour revendre, «il y a du marché», sans trop de précisions. Amado visiblement avait une grosse préoccupation. Il s’est dit farouchement contre les tickets d’accès au site du Salon. A le suivre, la différenciation des prix des tickets pour avoir accès au site et visiter les stands crée de l’injustice. Il souhaite qu’à l’avenir, le comité d’organisation uniformise le prix afin que les clients puissent sillonner tous les stands pour faire leur choix. «Toi-même il faut voir ! C’est comme s’il y avait deux événements pourtant c’est le même SIAO. C’est ce que je note comme faute de l’organisation qui est préjudiciable aux exposants», martèle-t-il.

Sculpture géante d’un baobab à l’africaine

Comme la plupart du point commun des exposants, Amado aussi dit se réjouir de ce qu’il a pu avoir comme nouveaux contacts pour la prospérité de ses affaires. Il dit être un habitué du Salon. Raison pour laquelle, il a salué le gouvernement de la transition qui selon lui, «travaille fort» pour que le pays puisse redécoller avec son développement. «Nous les encourageons seulement dans leurs tâches. Ce SIAO est le symbole de la Renaissance du pays. Chaque Burkinabè doit passer à ce SIAO car le pays en organisant cette 16e édition montre qu’il est sur la bonne voie pour amorcer un nouveau tournant de la libération de façon générale du pays», argue-t-il, notant que le Burkina Faso et son peuple sont «résilients».

Mariam Kouassa-Bilgo, exposante

L’affluence selon l’exposante, Mariam Kouassa née Bilgo de la société coopérative Buud Nooma, est «passable». Pour sa quatrième participation au Salon qui fait la fierté du Burkina et de toute l’Afrique, «le marché est moyen». Elle affirme cependant avoir noué de nouveaux contacts. «Nous sommes venus pour faire de la publicité seulement sinon ça ne marche pas comme ça», juge-t-elle, estimant que la tenue de cette édition était un challenge pour le gouvernement de la transition. Comme d’autres exposants. Madame Koussa dit ne pas comprendre la mesure sur les prix des tickets d’entrée au site.

Une vue d’une oeuvre au Salon

«On a dit que si tu paies le ticket de 500 F tu n’as pas droit à visiter tous les stands. Cela pose beaucoup de problèmes. Il faut à l’avenir uniformiser les tickets d’entrée au Salon. Sinon cela n’est pas bon puisque ça limite le nombre de visiteurs. Si c’était le même prix, on peut avoir beaucoup de clients et cela de facto augmentera la chance du marché.

Alphonse Hien, exposant

De l’avis de Alphonse Hien, couturier modéliste résident à Orodara, la 16e édition du SIAO a «commencé timidement mais actuellement ça commence à aller». «Nous savons qu’avec la situation difficile du pays, cela va jouer sur ce Salon mais nous avons espoir. L’affluence va de mieux en mieux comme vous-mêmes le constatez actuellement», nous résume-t-il son point de vue sur l’engouement.

Pour sa troisième participation au SIAO, M. Hien relève comme grief le temps d’accessibilité des exposants à leurs stands. «Au niveau de l’organisation, on voit que tout est bien. Seulement que les exposants n’arrivent pas à avoir accès à temps au site pour se préparer pour attendre les clients», note-il.

Sur le point considéré par certains exposants comme préjudiciable à leurs affaires, Alphonse Hien rappelle que «ceux qui ont un ticket de 1 000 F, c’est eux qui peuvent accéder aux pavillons climatisés». Pour lui, c’est la politique aussi du comité d’organisation «pour faire entrer un peu de sous. Je comprends leur mesure». En plus d’avoir eu des contacts qui font qu’il attend déjà des appels pour d’autres commandes, il dit avoir rencontré d’autres stylistes dans le sens d’améliorer son style de création.

Une animation musicale dans la cour du SIAO

M. Hien a fait savoir que les reports du Salon ne leur ont pas permis de mieux se préparer. «La première fois quand on a appris que ça été reporté, ça nous a fait mal au cœur. Cela a bouleversé beaucoup de choses car cette situation a causé de la perte chez certains de nos camarades qui sont à l’extérieur. Certains avaient pris des billets d’avions et d’autres». «Alors, ils ont reprogrammé l’évènement et c’est un effort à saluer. Mais les ONG qui voulaient nous accompagner, ils n’ont pas pu car après la suspension, ils n’ont pas fixé une date qui leur permettait de tenir compte de cela dans leurs prévisions budgétaires pour aider les artisans», relève-t-il comme souci car «cela a joué beaucoup sur certains artisans».

«Mais ce qu’ils ont fait, nous saluons car cela montre aussi leur détermination pour accompagner le secteur artisanal», conclut-il tout en souhaitant que les autorités de la transition tiennent prochainement tous les évènements de ce genre.

A une semaine de la biennale, 550 stands ont été loués sur une prévision de 700 avec au moins 350 artisans attendus, avait déclaré le ministre chargé de l’Artisanat, Serges Poda, le vendredi 20 janvier 2023, au cours de la conférence de presse de lancement de la 16e édition.

Par Bernard BOUGOUM