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Soudan: transition à surveiller comme le lait sur le feu!

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Une nouvelle tentative de coup d'Etat déjouée (Ph. firstmagazine.com)

Un énième coup d’Etat a été déjoué, ce mardi, au Soudan, selon les autorités de la transition. Si le pays est sous contrôle, toujours aux dires des maîtres de Khartoum, il n’en demeure pas moins que ces tentatives d’écourter la transition en cours qui doit déboucher sur une nouvelle ère que les Soudanais espèrent de démocratie, soulèvent bien des interrogations. Qui tente de fermer, violemment, cette parenthèse d’espoir qui a suivi l’insurrection populaire de quatre mois, parachevé le 11 avril 2019 par un coup d’Etat de l’armée qui a balayé le régime trentenaire de Omar Hassan el-Béchir? La réponse est sans équivoque pour le Conseil de souveraineté soudanais: ce sont les militaires et des civils proches du chef de l’Etat chassé, emprisonné et peut-être en route vers la Cour pénale internationale (CPI).

Pourquoi la transition est-elle autant mise à rude épreuve?  Elle ne répond pas aux véritables aspirations d’un peuple assoiffé de liberté, car ayant vécu trop longtemps sous le joug du pouvoir de fer du président danseur à la canne, affirment des analystes quand ils évoquent la situation du Soudan où les attentes, notamment de justice, sont légion. Comment Omar el-Béchir, accusé de génocide, de crime contre l’humanité, et de crimes de guerre dans le Darfour, et renversé maintenant depuis près de trois ans, continue de faire aussi peur aux dirigeants qui n’attendent que la première occasion pour livrer ce colis encombrant à la CPI? Ces dénonciations de tentatives de coup d’Etat ne sont-elles pas, plutôt, que le stratagème trouvé par les actuels dirigeants soudanais pour organiser une purge contre les derniers aficionados  de l’ancien chef de l’Etat et réduire ainsi à néant sa capacité de nuisance qui est réelle? Questions!

Omar el-Béchir qui a longtemps échappé à la justice internationale, malgré les mandats d’arrêt internationaux lancés contre lui par la CPI, en 2009 puis en 2010, est plus que jamais proche de La Haye où l’accueilleront, certainement avec soulagement, le président de la Cour, Piotr Hofmanski et ses co-justiciers. Et pour éviter cette nouvelle épreuve à leur ancien champion, les siens sont visiblement prêts à tout. Mais leurs tentatives, réelles ou supposées, aboutiront difficilement, car les coups d’Etat, qu’ils soient constitutionnels ou militaires, trouvent désormais en face des peuples déterminés à sauvegarder ce charme de la démocratie qui passe par l’alternance par les urnes.

Sauf ces putschs militaires, qualifiés de salvateurs, qui, viennent souffler comme fétus de paille, des pouvoirs qui ont fait du musellement du peuple et de la mauvaise gouvernance, leurs sports favoris. Le dernier en date, salué par les opposants, la société civile et des populations en liesse, tout comme au Soudan un certain 11 avril 2019, est incontestablement, celui réalisé en Guinée, par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya et ses hommes des Forces spéciales qui ont mis fin au parcours calamiteux de l’opposant dit historique, qui voulait se muer en président à vie historique, Alpha Condé.

En tout cas, le coup de force contre une transition politique qui doit déboucher sur des élections attendues par le peuple et la fameuse communauté internationale grande gardienne de la démocratie, et surtout par des opposants qui ont attendu en vain leur chance de gouverner confisquée, n’a pu aboutir qu’au Mali, magistralement mené par le récidiviste colonel Assimi Goïta. Au Burkina, tenté en septembre 2015 contre la transition politique enclenchée suite à la démission de l’ancien président Blaise Compaoré, aujourd’hui en exil en Côte d’Ivoire, le putsch militaire orchestré par le général Gilbert Diendéré, homme lige de l’ancien président du Faso, n’a pas porté bonheur à ses auteurs, qui, pour la plupart, sont, aujourd’hui, des pensionnaires de la Maison d’arrêt et de correction de l’armée (Maca).

Toutefois, le Soudan étant un pays trop souvent secoué par des convulsions politiques, tout comme d’ailleurs son voisin du Soudan du sud, sa transition est à surveiller comme le lait sur le feu, surtout que sous les tropiques, les dérives des dirigeants provoquent ou aiguisent, de plus en plus, l’appétit des hommes en kaki pour le pouvoir. Ils s’échappent alors des casernes, balaient la maison et s’y installent, malgré les cris d’orfraie de l’Union africaine et du reste de la communauté internationale spécialistes des sanctions à géométrie variable.

Par Wakat Séra