Accueil Chez nos confrères Vols en retard : l’astuce des compagnies pour éviter d’indemniser les passagers

Vols en retard : l’astuce des compagnies pour éviter d’indemniser les passagers

1

Dès trois heures de retard, les passagers d’un vol ont droit à une indemnisation. Problème : les compagnies aériennes ne respectent pas toujours les règles de calcul de la durée des vols.

Le temps, c’est de l’argent. Surtout pour une compagnie aérienne quand il s’agit d’indemniser ses passagers dont le vol arrive au-delà de l’horaire prévu . L’Union européenne impose des compensations financières aux passagers dès trois heures de retard. Mais pour en bénéficier, encore faut-il savoir comment calculer la durée d’un vol.

Mon voyage prend-il fin quand les roues de l’avion touchent la piste ? Ou bien quand l’avion est arrêté à son point de stationnement ? Une différence qui est tout sauf anecdotique. « Entre le moment où l’avion roule sur le tarmac et celui où il arrive à son parking, il peut s’écouler plusieurs minutes, estime Coline Port, juriste au centre européen des consommateurs . Tout dépend de la taille de l’aéroport et du trafic ». Quelques minutes qui peuvent faire la différence entre un chèque d’indemnisation d’au moins 250 euros et… rien du tout.

Dans son arrêt de septembre 2014, la cour de justice de l’Union européenne (CJUE), basée à Luxembourg, a décidé que le vol est terminé une fois que l’avion est arrêté, à son point de stationnement et qu’au moins une porte est ouverte. « Ce n’est qu’au moment où les passagers sont autorisés à quitter l’appareil et où est donné à cet effet l’ordre d’ouvrir les portes de l’avion que les passagers peuvent en principe reprendre leurs activités habituelles sans devoir subir ces contraintes », justifie la CJUE.

Une clarification utile à condition qu’elle soit respectée par les compagnies aériennes. « C’est tout le problème, regrette Chrystel Erotokritou, juriste chez AirHelp, spécialisé dans les droits des passagers aériens. Il n’est pas rare que les compagnies indiquent que l’avion est arrivé avec 2h58 de retard ou 2h59 pour échapper à leurs responsabilités. » Certaines compagnies low cost ou traditionnelles vont même plus loin en prenant comme heure d’arrivée le moment où l’avion touche la piste. « Elles comptent sur l’ignorance des passagers », constate Coline Port.

Prendre en photo l’ouverture de la porte

Alors comment faire valoir ses droits ? En février dernier, trois passagers italiens y sont parvenus. Un tribunal des Açores, au Portugal, leur a donné raison. En août 2016, leur vol depuis Milan (Italie), via Lisbonne (Portugal) était arrivé à Ponta Delgada, une ville de la côte sud de l’île de São Miguel, aux Açores, avec trois heures de retard. Mais SATA International, une compagnie portugaise avait estimé le retard à 2h55. « Nous avons récupéré l’heure de l’ouverture des portes auprès de la société OAG, spécialisées dans la vente de données de vol », confie Chrystel Erotokritou.

La justice portugaise a condamné la compagnie SATA à indemniser les trois touristes à hauteur de 250 euros chacun, plus les intérêts. Une décision rare. « C’est compliqué d’apporter des preuves, poursuit la juriste. OAG n’a pas de données sur tous les vols. Si vous êtes installé à l’avant de l’appareil, le mieux c’est de prendre en photo l’ouverture de la porte. »

Au centre européen des consommateurs, on conseille de passer par une association spécialisée. « Cela donne du poids face aux compagnies, assure Coline Port. On peut aussi saisir la DGAC (NDLR : Direction générale de l’Aviation civile), mais ça peut être très long. » Pour les juristes, le salut pourrait venir du parlement européen, en imposant aux compagnies ou à un tiers de communiquer officiellement l’heure d’ouverture des portes de l’avion.

Les vols en correspondance eux aussi concernés

Désormais, si votre vol en correspondance, même opéré par une autre compagnie, est retardé vous pouvez réclamer des indemnisations à la compagnie qui vous a vendu les billets. Une jurisprudence qui fait suite à la décision rendue le 11 juillet par la Cour de justice de l’Union européenne.

En 2013, onze passagers avaient réservé, auprès de la compagnie Ceske Aeroline, un vol de Prague (République tchèque) à Bangkok (Thaïlande), avec une correspondance à Abou Dhabi (Émirats arabes unis). Le premier avion, affrété par la compagnie européenne, était arrivé dans les temps à Abou Dhabi. Le deuxième, effectué par Etihad Airways avait atterri avec plus de huit heures de retard à Bangkok.

Problème, Etihad Airways n’est pas une compagnie européenne, et surtout le point de départ du vol n’était pas situé dans l’Union européenne. Autrement dit, les passagers ne pouvaient pas prétendre à une indemnisation. Mais la justice européenne en a décidé autrement.

D’abord, elle a considéré que l’ensemble du trajet constitué un seul et même voyage et que donc le point de départ était bien un aéroport européen. Ensuite, elle considère, que même si Ceske Aeroline n’a pas réalisé sous ses couleurs le vol retardé, les voyageurs avaient conclu le contrat avec elle. Ils sont donc en droit de lui demander une indemnisation, en l’occurrence 600 euros. Une décision qui va désormais s’appliquer à tous les cas similaires.
Par Vincent Vérier
Le Parisien