Accueil A la une Barkhane au Sahel: en attendant N’Djamena!

Barkhane au Sahel: en attendant N’Djamena!

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Barkhane de plus en plus dans le doute (Ph. d'illustration- iris-france.org)

Alors que six ministres maliens se sont rendus à Kidal, ce lundi 25 janvier, avec comme menu, le développement de cette région du nord Mali, toujours sous coupe réglée de l’ex-rébellion, il faut dire qu’au Sahel, 2021 s’est annoncée comme une année meurtrière, au même titre que celles qui l’ont précédées. Alors que les Nigériens étaient encore dans l’euphorie du passage à la nouvelle année et que les vœux de santé, de prospérité et surtout de paix pleuvaient, ce sont 100 morts que le pays a pleurés, le samedi 2 janvier. A la même date, ce sont deux Français qui ont été tués, soit cinq en moins d’une semaine, portant à plus de cinquante, le nombre de soldats français morts dans le Sahel africain, depuis 2013. Le 13 janvier, 4 casques bleus ivoiriens sont passés de vie à trépas, alors qu’ils étaient sur le terrain, sous pavillon onusien. Ce 24 janvier, ce sont au moins 6 militaires maliens, qui ont été tués. L’énumération est loin d’être exhaustive. Tous ont été tués par les terroristes qui écument le Sahel africain, endeuillant au quotidien, les populations civiles, les armées nationales, la Mission des Nations-Unies au Mali (Minusma) et la force française Barkhane, qui, tentent de lutter contre cette hydre dont les têtes repoussent, aussitôt coupées.

Le Burkina Faso, à l’instar de ses voisins sahéliens du Mali, de la Mauritanie, du Tchad et du Niger, n’échappe pas à l’hécatombe. Pas plus tard que le 21 janvier, c’est le corps sans vie de l’abbé Rodrigue Sanon, disparu des radars depuis le 19, alors qu’il se rendait à une réunion, qui a été retrouvé, lardé de coups de couteau. Certes, les mobiles et les auteurs de ce crime ignoble, demeurent inconnus à ce jour, mais la piste terroriste n’est pas à écarter, comme elle reste fortement plausible dans la disparition d’un autre prêtre, Joël Yougbaré, enlevé le 17 mars 2019. L’abbé Yougbaré, toujours en captivité, serait toujours en vie, selon le clergé. Des cas qui viennent allonger le chapelet d’hommes de Dieu, et de leurs fidèles, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, tués ou kidnappés par les terroristes.

Barkhane malmenée

Malheureusement, malgré la combativité et le professionnalisme dont elles font preuve, les armées du Sahel sont pratiquement impuissantes devant ce fléau, qui fait maintenant corps avec le grand banditisme, renforce l’insécurité, provoque les conflits intercommunautaires et jettent sur la route de l’exil, des millions de populations, contraintes d’abandonner terres et biens, pour devenir des réfugiées dans leurs propres pays. Même la force Barkhane, appelée à la rescousse par les dirigeants africains pour casser du terroriste, n’arrive pas à finir le job commencé, au Mali, par son ancêtre Serval, dans cette guerre asymétrique où l’ennemie se cache pour frapper. Désormais, Barkhane est bien handicapée.

D’abord par une opinion française, qui ne comprend plus les enjeux d’une guerre asymétrique, dont le théâtre est à des milliers de kilomètres des bords de la Seine, et qui est devenu un cimetière pour les jeunes soldats français. Ensuite, par un sentiment anti-français qui enfle de plus en plus, du Mali au Tchad, en passant par le Burkina Faso et le Niger. Barkhane peine donc à s’extirper des sables mouvants du Sahel. Pire, la force française, en dehors de l’appui trop souvent ponctuel des Américains, en matière de renseignement, se démène toute seule dans les dunes sahéliennes, continuant de croire que demain sera meilleur, avec le renfort des alliés européens, à travers Takouba. Elle compte, peut-être aussi, sur une montée en puissance de la force G5 Sahel, encore très fragile, et à qui, le désormais ancien président américain, Donald Trump, avait retiré toute chance de bénéficier de la tutelle onusienne.

Macron joue gros avant la présidentielle de 2022

En tout cas, la présence de Barkhane, en sa forme et son effectif actuels, est remise en cause. Préoccupation qui constitue certainement l’apéro entre Emmanuel Macron et les chefs d’Etat des pays du G5 Sahel qui défilent ces derniers temps à l’Elysée, en attendant le plat de résistance que sera le prochain sommet G5 Sahel et France, qu’accueillera, en principe, courant février prochain, la capitale tchadienne. L’avenir, ou tout au moins une bonne partie du futur de Barkhane, pourrait bien se jouer à N’Djamena. Et 2022, année de la présidentielle française, n’étant plus loin, Macron joue gros. L’opinion française le malmenant déjà assez dans les affaires domestiques et la gestion de la crise du Covid-19, ne lui fera aucun cadeau.

Quel avenir pour Barkhane, un an après le sommet de Pau, soit le 13 janvier 2020, où le grand sachem blanc avait invité les dirigeants du Sahel, à venir clarifier leurs positions sur la présence de la force française dans leur espace géographique? La question revient sur la table!

Par Wakat Séra