Accueil Editorial Biens mal acquis: à qui le tour, après Teodorin Obiang?

Biens mal acquis: à qui le tour, après Teodorin Obiang?

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Teodorin Obiang, poursuivi pour biens mal acquis (Ph. lemonde.fr)

Son absence n’y aura rien fait! Teodorin Obiang a été jugé et il a même été requis contre lui, trois ans de prison, 30 millions d’euros d’amende et la confiscation de ses biens saisis. Même l’immunité que lui procure son statut de vice-président de son pays souverain ne l’a pas sauvé de ce gourdin judiciaire qui s’est abattu sur lui. Ironie du sort, c’est sur les bords de la Seine où il n’y a pas si longtemps, le tout-puissant fils du non moins omnipotent président de la Guinée Equatoriale, se pavanait et étalait un luxe insultant que le coup fatal lui a été porté. Dura lex, sed lex, clameront ces organisations de lutte contre la corruption et autres combattants infatigables engagés dans la guerre contre les biens mal acquis. Ils n’auraient certainement pas boudé le plaisir d’avoir entre les mains le fils Obiang, à défaut du père, pour le conduire directement à l’échafaud, après son passage devant les hommes de droit. Mais ils devront se contenter pour l’instant de ce «jugement sévère» réclamé par le procureur et dont le délibéré est très attendu. Du reste, le réquisitoire ne peut surprendre que ceux qui pensent encore que la justice allait rater une si belle occasion d’avoir la main lourde contre ceux qui lui sont présentés comme des fossoyeurs d’une Afrique où des personnes peinent encore à s’assurer un repas sur les trois nécessaires par jour.

Certes, ces associations qui traquent sans répit les propriétaires des fameux biens dits mal acquis sont loin de parler le même langage que les gouvernants. Ils se situent même complètement aux antipodes des intérêts des politiciens et politiques que ces richesses et argent aident souvent dans leurs campagnes électorales ou servent à faire vivre nombre d’économies occidentales. Ce n’est pas le fait du hasard si c’est seulement maintenant que les familles de Feu Omar Bongo, Denis Sassou Nguesso ou de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, sont acculées et contraintes à rendre gorge. C’est simplement parce que la Françafrique vit des jours difficiles, certains prenant même le pari de l’enterrer, oubliant qu’elle a plusieurs vies et renait toujours sous la forme de coopération bilatérale, multilatérale ou d’assistances de toutes sortes. A qui profite en effet cet argent volé en Afrique? On n’a pas besoin de lire dans la boule de cristal pour savoir que c’est à l’Occident que profite le crime. Ce sont les banques suisses qui servent de coffres forts à cet argent détourné. C’est généralement en France, en tout cas pour les francophones, que sont érigés les hôtels particuliers hyper luxueux, avec dans leurs parkings des mécaniques rutilants hors prix et sur leurs plages privées des yachts de plaisance très prisés par leurs propriétaires qui dépensent sans compter lors de leurs séjours français.

Qui sera le prochain sur la liste des justiciers des biens mal acquis? En tout cas, l’étau se resserre de plus en plus autour des proches du président congolais Denis Sassou Nguesso dont les résidences françaises sont régulièrement visitées aux fins d’enquêtes dans l’affaire des biens mal acquis. Les enfants Bongo, eux-aussi dans l’œil du cyclone n’échappent pas à ce régime qui n’augure rien de bon pour eux. Ali Bongo, le fils de l’autre subit même un traitement particulier, pratiquement à chacune de ses sorties en France où ses compatriotes ou des militants d’associations lui réservent des bains de foule bien particuliers, faits de propos hostiles. Les temps ont changé et à quelque chose malheur étant bon, les dirigeants africains comprendront peut-être qu’il vaut mieux pour eux d’investir dans leurs pays, au profit de leurs peuples. Ces derniers ne seront-ils pas plus heureux d’être soignés dans des hôpitaux bien équipés en lieu et place de ces mouroirs dans lesquels ils se rendent avec la hantise de n’en sortir que les pieds devants? Que dire des écoles sous paillote et universités aux effectifs pléthoriques au point d’être surnommées «Chine populaire» et dont les jeunes ne sortent que pour végéter comme des sans emploi, aucune opportunité ne leur étant offerte pour faire valoir leur potentiel? Et les voilà sur les routes périlleuses et mortelles de l’émigration, faute de perspectives dans leur pays où au lieu d’être un atout, la jeunesse devient une bombe.

Par Wakat Séra