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Côte d’Ivoire: échauffements pour la présidentielle, nécessité d’une nouvelle classe politique

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En attendant les résultats des élections locales ivoiriennes (PH. lacroix.com)

Les résultats des locales en Côte d’Ivoire sont pratiquement tous connus. Comme il fallait s’y attendre, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et le progrès jouit d’une avance confortable, même si ces élections locales du 13 octobre sont rouges du sang de trois citoyens officiellement. Si tout ou presque tout s’est bien déroulé au niveau du processus électoral en lui-même, il faut le dire, l’ambiance de haute tension, qui a marqué et continue de peser sur ces scrutins locaux, n’est que le résultat de la guéguerre entre alliés d’hier devenus aujourd’hui ennemis mortels, et se vouant une haine lourde à couper à la machette. Rien de surprenant, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire de l’ancien président Henri Konan Bédié ayant pratiquement explosé, compte tenu de l’appétit vorace de nombre de ses cadres qui l’ont lâché pour le Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Cette coalition entre le PDCI et le Rassemblement des républicains (RDR) qui avait porté au pouvoir Alassane Ouattara et s’est mué aujourd’hui en un parti politique. Mais les dissensions ont vite affleuré et sont même devenues très prononcées, sur fond de promesses de passation de pouvoir non tenues par le RDR, nouveau RHDP au détriment du PDCI. L’implosion de cette entité qui était bâtie sur du sable mouvant était plus ou moins prévisible.

Ces élections locales qui ont valeur de jauge pour la présidentielle de 2020 sont donc déterminantes pour les leaders politiques ivoiriens, de Alassane Ouatarra à Henri Konan Bédié, en passant par Guillaume Soro, un troisième larron dont le jeu est loin d’être clair mais pourrait bien être décisif au profit ou contre l’un des clans en confrontation. Les résultats de ces scrutins municipaux et régionaux qui doivent montrer la force de l’une ou l’autre des personnalités politiques, et même des abstentionnistes du Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo seront donc scrutés à la loupe et serviront à certains «cubes Maggi», les politiciens qui sont dans toutes les sauces, à s’aligner. D’ores et déjà, sans être péremptoirement perdant, le PDCI de Henri Konan Bédié, à défaut d’être entièrement nu, perd bien des plumes dans nombre de communes d’Abidjan et à Bouaké. Lâché par nombre de ses bonzes attirés par les sirènes du pouvoir qui sont allés du côté du RHDP de Alassane Ouattara, le PDCI est loin d’avoir fait piètre figure et accuse ceux d’en face de fraudes et autres manipulations. De l’autre côté, pour les dissidents, continuer avec le PDCI de Henri Konan Bédié, président ad vitam aeternam plus ou moins contesté, se résumerait à lâcher la proie pour l’ombre. De même, chacun des dinosaures du plus vieux parti de Côte d’Ivoire, eux qui ont trouvé du beurre à mettre dans leurs épinards avec Alassane Ouattara et son RHDP sont convaincus que le soleil se lève désormais au nord, région et fief du président du RHDP.

Une chose est certaine, en attendant les résultats définitifs de ces élections, déjà contestés par le PDCI, et vu le poids prépondérants des nombreux indépendants qui prennent même de l’ascendant sur le parti fondé par Feu Félix Houphouët Boigny dont les ennemis jurés se réclament tous fils, il faut, dans une certaine mesure, relever la forte…faible affluence due peut-être au boycott du FPI de Laurent Gbagbo et la désaffection de plus en plus sérieuse des jeunes pour la chose politique dont les anciens ont fait leur chasse gardée. C’est clair, la Côte d’Ivoire socio-politique est à la croisée des chemins et ne pourra trouver la juste voie qu’avec l’émergence d’une nouvelle classe politique animée par les jeunes et soutenue par une société civile réellement neutre.

Par Wakat Séra