Accueil Editorial Dialogue au Togo: peut-on encore y croire?

Dialogue au Togo: peut-on encore y croire?

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Le Togo doit tourner le dos à ces images de violence (DR)

La paix au Togo. Le fait est devenu aussi impensable que la neige en plein désert sahélien. La situation est d’autant plus inquiétante que le raidissement des deux camps en conflit rend encore plus complexe la tâche de tous les médiateurs dans cette crise née de la volonté et de l’engagement des opposants togolais à faire partir le président Faure Gnassingbé en lui imposant l’application de la constitution de 1992 qui contraint le chef de l’Etat à ne pas exercer plus de deux mandats. Or, Faure qui a hérité du pouvoir à la mort de son père, le général Eyadema Gnassingbé, et s’est  constitué une virginité par les urnes desquelles il est sorti vainqueur par trois fois déjà, en 2005, 2010 et 2015 ne l’entend pas de cette oreille. Il a même, suite aux contestations d’une partie de l’opposition et d’un peuple excédé de la cinquantaine d’années de règne sans partage de la famille Gnassingbé, engagé des réformes politiques qui limitent à deux le mandat présidentiel issu d’un scrutin à deux tours et favorise le vote des Togolais de l’extérieur. Mais les Togolais, emmenés par des opposants dont la mobilisation ne faiblit pas malgré les répressions musclées et parfois meurtrières des forces de l’ordre logiquement acquises à la cause du pouvoir, organisent également une résistance historique dans l’histoire politique de ce pays où les princes de l’heure ont toujours eu gain de cause.

Certains que l’heure du changement allait incessamment sonner, une partie du peuple et ses opposants n’entendent plus reculer, alignant les manifestations qui ont pour dénominateur commun la forte mobilisation, même si le camp d’en face ne reste pas non plus inactif. La peur a visiblement changé de camp et le pouvoir en a pris conscience, appelant au dialogue. Sauf que chat échaudé craignant l’eau froide et ayant totalement perdu foi aux promesses du pouvoir dont ils ont toujours fait les frais, les opposants ont montré une réticence à toute épreuve. Tout en réclamant l’arrêt des exactions contre leurs leaders et militants et en posant comme préalable la libération de ceux des leurs pris intra ou extra manifs, ils continuent d’exiger le départ hic et nunc de Faure Gnassingbé, selon les termes de la constitution de 1992. L’Alliance nationale pour le changement (ANC), membre de la coalition des 14 partis d’opposition au front, a même engagé «des poursuites judiciaires contre les auteurs des tentatives d’assassinats de ses dirigeants, planifiées et perpétrées le 28 décembre 2017». La déclaration datée du 10 janvier 2018, fait état, entre autres, de tirs à «balles réelles» sur le véhicule du chef de file de l’opposition, Jean-Pierre Fabre. Avant les négociations qui pourraient bien être celles de la dernière chance pour un pays sur les braises, les enchères sont montées par une opposition qui elle-même est loin de constituer un bloc infaillible. Fissures dont pourrait profiter le pouvoir pour reprendre la main.

Certes l’espoir renaît pour le retour sous l’arbre à palabres à Conakry, où le président guinéen, qui rencontre les opposants, essaiera de jouer son va-tout pour rabibocher les parties en conflit. Lui-même ayant été persécuté pendant longtemps pas les régimes de Sékou Touré et Lassana Conté, le Pr Alpha Condé saura-t-il puiser dans sa grande besace d’ancien opposant historique pour renouer le fil du dialogue entre opposants et pouvoir? Le challenge est de taille pour le président de l’Union africaine qui tentera de sauver le soldat Faure des griffes acérées d’opposants déçus et persuadés que seule la pression de la rue et non la force des urnes, décidera de l’alternance au Togo.

Par Wakat Séra