Accueil Editorial Elections en Afrique: la cocotte-minute sifflera toujours!

Elections en Afrique: la cocotte-minute sifflera toujours!

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Quelle crédibilité accorder encore à ce droit et devoir de vote? (Ph. rfi.fr)

Joseph Kabila, seul maître à bord en République démocratique du Congo, Emmerson Mnangagwa mauvais gagnant au Zimbabwe et Ibrahim Boubabacar Keïta, vainqueur très douteux au Mali. Ainsi pourrait se présenter la situation des élections passées et celle à venir sous peu en Afrique. En RDC et même loin des frontières du pays de Mobutu, tous se réjouissaient encore de la décision de Joseph Kabila de respecter la loi fondamentale de son pays en ne plus cherchant à briguer le fameux troisième mandat qui était devenu le sport favori des dirigeants africains. Mais c’est visiblement mal connaître le fils de l’autre qui a plus d’un tour dans son sac. Il a longtemps résisté à la pression de son peuple, aux actions diverses de ses opposant, aux sanctions ciblées de la communauté internationale et même aux invocations et coups de sang de l’Eglise catholique. Finalement, l’homme qui a joué avec les nerfs de tout son monde, adversaires comme zélateurs, a fini par faire croire aux uns et aux autres qu’il pouvait être sensible aux effluves de la démocratie, surtout de l’alternance. Que nenni! En véritable Ponce Pilate et fin boulanger pour qui «rouler dans la farine» est l’expression la mieux connue dans son répertoire de politicien, il laisse simplement le sale boulot à l’appareil judiciaire et surtout aux institutions électorales et étatiques qui sont à sa solde.

Ainsi, les candidatures de poids, comme celle de Jean Pierre Bemba, qui pourraient mettre en difficulté son poulain Emmanuel Ramazani Shadary, sont écartées sous des prétextes tout trouvés, à l’instar de «poursuivi par la Cour pénale internationale» pour subornation de témoin. Or, la subornation de témoins pour laquelle Bemba est poursuivie est liée à une affaire principale pour laquelle il a été relaxé par la même CPI! L’autre téméraire, Moïse Katumbi Chapwe, pour ne pas le citer a sur lui le couperet de la justice congolaise sur sa tête et est donc tenu éloigné de son pays. C’est donc en toute sérénité que Joseph Kabila est allé assister à la prestation de serment de son homologue zimbabwéen Emerson Mnangagwa, à qui son opposition reproche de lui avoir volé la victoire lors de la présidentielle du 30 juillet. Mais une fois de plus, la règle consacrée en Afrique étant que l’«on n’organise pas les élections pour les perdre», Nelson Chamisa, l’opposant du successeur de Robert Mugabe, n’a eu aucune chance d’être réhabilité dans ses droits. Il a juste eu droit à un espoir de très courte durée, la Cour constitutionnelle ayant tout de même pris le temps de vider le contentieux électoral, bien entendu au détriment de l’opposant. Et le «crocodile» a bien entendu prêté serment, à la suite de cette pseudo-élection qui elle-même a précédé un véritable coup d’Etat pour chasser le «Vieux Bob» du pouvoir, le tout ayant pour finalité de maintenir intacts les intérêts et autres avantages dont jouissent sans partage les officiers supérieurs de l’armée et les caciques de la Zanu-PF, l’inusable parti au pouvoir.

Les mêmes vertiges du trône provoquant les mêmes appétits gloutons pour le pouvoir, l’élection présidentielle du 29 juillet au Mali est largement contestée. Les résultats dès le premier tour ont été rejetés par l’opposition dont certains partis assimilent l’élection à un «simulacre» auquel ils ont refusé de continuer à apporter leur caution en refusant catégoriquement de donner des consignes de vote au profit de l’un des gagnants du premier round, Ibrahim Boubacar Kéïta et Soumaïla Cissé. Malheureusement, l’opposition aura bu le calice jusqu’à la lie, le président sortant ayant repris sa chose, nonobstant toutes les vitupérations de ses adversaires. Pouvait-il en être autrement quand le fichier électoral qui a servi de substrat au scrutin était déjà dénoncé comme «virussé» et donc vicié? La fin des choses pouvait-elle être autre chose quand des bureaux de vote ont été saccagés, des urnes et autres matériels électoraux emportés, et pire, un chef de bureau de vote tué? Comment qualifier un vote qui malgré son caractère national n’aura concerné qu’une partie du territoire malin dont l’autre partie est sous coupe réglée de jihadistes et bandits du même acabit? Malheureusement, des observateurs et pas de moindres ont conclu que le vote s’est bien déroulé dans son ensemble. Dommage, les mêmes observateurs donc hors-micro reconnaissent ne pas «comprendre par quelle magie» les résultats proclamés ont donné IBK vainqueur, ne seront plus à Bamako. Ils ne songeront même plus à travailler pour le retour au calme et à la paix, denrées dont le Mali a profondément besoin aujourd’hui pour espérer prendre le train du développement dont nombre de pays africains sont d’ailleurs absents. Et les élections continueront ainsi de constituer des germes de conflit et de violence dans une Afrique qui titube toujours sur les voies difficiles de la démocratie.

Par Wakat Séra