Accueil A la une Ils s’appelaient Norbert Zongo, Ghislaine Dupont, Claude Verlon…

Ils s’appelaient Norbert Zongo, Ghislaine Dupont, Claude Verlon…

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Cette flamme ne s'éteindra que lorsque justice sera faite pour Norbert Zongo (Ph. d'archives)

Ils s’appelaient Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Ils étaient de brillants journalistes. Dans l’exercice de cette noble profession, que dis-je, de ce sacerdoce du journalisme, ils ont été enlevés et tués, à Kidal, dans le nord du Mali. C’était le 2 novembre 2013. Cela fait sept ans que nous essayons de faire leur deuil, un deuil qui ne prendra fin, qu’avec la vérité et le châtiment des auteurs de cet acte ignoble qui a arraché à l’affection des leurs et de leurs confrères, Ghislaine et Claude. Nous ne les oublierons jamais, en témoigne ce prix international, une bourse, qui porte leurs noms et dont la 7è édition vient d’être décernée au journaliste camerounais Charles Abossolo Oba et au technicien de radio, le Burkinabè Romain Roguinesida Bouda. Mais le voile lourd au couteau qui recouvre encore les assassinats de ces soldats de l’information, loin de se dissiper, s’épaissit de jour en jour, sous le sceau nauséeux de l’impunité. Sans doute encore un de ces alibis de la fameuse raison d’Etat, qui empêche des familles et toute la profession, de faire convenablement le deuil des deux journalistes, tombés le micro à la main. Cependant, comme le dit ce proverbe bien africain, «quelque soit la longueur de la nuit, le jour finit toujours par se lever».

Comme Ghislaine et Claude, ils sont nombreux, ces confrères et consoeurs, à être tombés, à travers le monde, pour l’amour et la passion d’informer, dans les règles de l’éthique et de la déontologie qui constituent le socle de la profession. Au risque d’égrener le chapelet à satiété, nous ne saurons oublier, au Burkina Faso, l’émérite confrère et étoile polaire du journalisme, et plus singulièrement, du journalisme d’investigation, Norbert Zongo. Le directeur de publication de L’Indépendant, a été lâchement assassiné, le 13 décembre 1998, à Sapouy, à quelques encablures de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso.  Cela fait maintenant 22 ans, qu’en sa mémoire, et pour réclamer justice pour «Henri Sebgo», c’est son pseudonyme, la flamme d’une lampe brûle toujours au centre national de presse qui porte son nom. L’affaire a connu et continue de vivre ses rebondissements, mais suit son cours et l’espoir est permis que la flamme s’éteigne avec l’éclatement de la vérité. Et quand justice sera dite, la flamme sera ravivée, non plus en signe de deuil, mais pour perpétuer l’œuvre incommensurable de Norbert Zongo, le point cardinal du journalisme au Burkina. Certes, depuis lors, le Burkina Faso ne compte plus de journalistes incarcérés ou assassinés pour leur opinion, mais ils sont encore légion à recevoir des coups de fil menaçants ou injurieux, ou pire même à subir des actes violents d’intimidation de toutes sortes, simplement parce qu’ils ont osé parler ou écrire.

«Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie…». Difficile de trouver mieux que le célèbre Albert Londres, pour définir le journaliste qui, dans une humilité totale, joue ce rôle d’informateur au quotidien, même quand les balles sifflent. Du reste, comme s’en inquiète Reporters sans frontières (RSF), lorsque l’ONG dévoilait l’édition 2020 du classement mondial de la liberté de la presse, «la décennie à venir sera décisive pour l’avenir du journalisme -à cause de- la pandémie du Covid 19 –qui- met en lumière et amplifie les crises multiples qui menacent le droit à une information libre, indépendante, pluraliste et fiable».

Comme quoi, la situation de la profession continuera de se précariser. C’est, plus que jamais l’occasion dire à ceux qui nous gouvernent, en ce 2 novembre décrété, par les Nations Unies, «Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes contre des journalistes», qu’il est temps que justice soit faite pour Ghislaine Dupont, Claude Verlon, Norbert Zongo et tous leurs confrères et consoeurs assassinés, embastillés ou persécutés au nom de la liberté de la presse.

Par Wakat Séra