Accueil A la une Mali: 4 morts, des blessés, et une situation qui pourrit

Mali: 4 morts, des blessés, et une situation qui pourrit

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Comme cette partie de l'édifice de l"Assemblée nationale malienne, des dégâts importants ont été enregistrés lors de la marche du 10 juillet

Et de trois pour le M5! La troisième démonstration de force du Mouvement du 5 juin, c’était ce vendredi 10 juillet. Une fois de plus, la place de l’Indépendance et les rues de Bamako étaient noires de monde. Ces milliers de manifestants étaient munis de vuvuzélas et de pancartes sur lesquelles étaient inscrits des slogans hostiles au pouvoir du chef de l’Etat malien, Ibrahim Boubacar Keïta. Et ils scandaient invariablement et de toute leur énergie, «IBK dégage», «Nous voulons le changement». Dans leur progression, les marcheurs s’en sont pris à des édifices publics, donc symboles de l’Etat. C’est ainsi que l’Assemblée nationale a été saccagée et l’Office de radiodiffusion et télévision du Mali (ORTM) a subi un siège en règle contraignant les agents à arrêter les émissions.

Des axes routiers et ponts principaux de la capitale ont été bloqués, jusqu’à tard dans cette nuit du 10 juillet, malgré les tentatives musclées des forces de défense et de sécurité pour ramener l’ordre. C’est malheureusement au cours de ces heurts entre manifestants et les hommes de tenue qu’un homme est resté sur le carreau, selon les responsables du M5 qui dénoncent également une vingtaine de blessés par balles, dont cinq dans un état grave. Au moment où nous finissions de tracer ces lignes, soit à 23h29mn TU, la situation était toujours confuse, l’ORTM n’émettait toujours pas et deux ponts étaient encore aux mains des manifestants qui en ont bloqué tout accès. Un dernier bilan établi ce samedi fait état d’au moins 4 morts et de 70 blessés qui ont reçu la visite du Premier ministre malien Boubou Cissé. Plusieurs arrestations ont été enregistrées. Selon des leaders du M5, l’Imam Mahmoud Dicko a été arrêté le soir du vendredi 10 juillet, une information qui s’est avérée comme une fausse alerte. «Ce n’est même pas possible que l’imam soit arrêté», nous affirmé une source jointe à Bamako.

Un troisième avertissement sans frais pour IBK, qui visiblement ruse avec les contestataires de son pouvoir qui lui reprochent, pèle-mêle, la mauvaise gestion, la mal gouvernance, la corruption, le népotisme, et surtout son incapacité, à résoudre le problème d’insécurité auquel est confronté un Mali endeuillé au quotidien par les attaques terroristes et les conflits communautaires. Et c’est pour toute ces raisons que sous la houlette du M5, au sein duquel se retrouvent, organisations de la société civile, religieux, opposition politique, et surtout de l’influent imam, Mahmoud Dicko, les Maliens exigent à nouveau le départ sans condition de IBK. Certes, après les deux premières sorties des 5 et 19 juin, les protestataires, dans un souci d’apaisement, se contentaient d’exiger, entre autres, la dissolution de l’Assemblée nationale, le renouvellement intégral des membres de la Cour constitutionnelle et la mise en place d’un gouvernement de transition dirigé par un Premier ministre désigné par le M5.

Mais ce vendredi 10 juillet, suite aux successives fuites en avant de Ibrahim Boubacar Keïta qui semble vouloir jouer avec le temps pour casser la fronde contre lui, les manifestants en sont revenus à demander qu’il «dégage». La lutte a même franchi un palier supplémentaire, le M5 appelant désormais à la désobéissance civile sur toute l’étendue du territoire. Le navire battant pavillon IBK tangue sérieusement, et plusieurs rats, sentant la tempête venir, l’ont déjà déserté.  Pire, les tentatives de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) pour sauver le soldat IBK sont pour le moment restées vaines.

L’homme fort de Bamako, affaibli par cette détermination de ses concitoyens qui affirment en avoir marre des affaires qui accablent la république, de la menace djihadiste, des secteurs de l’éducation et de la santé à genou, de la cohésion sociale qui part en lambeaux, de la hausse constante du coût de la vie, du chômage des jeunes, pour ne citer que ces griefs, cherche toujours une porte de sortie. En tout cas, le ciel commence à s’assombrir au-dessus de sa tête. Et ce n’est pas le rapt du chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, toujours détenu par ses ravisseurs depuis le 25 mars dernier, et face auquel il reste comme impuissant, qui sauvera Ibrahim Boubacar Keïta dont l’autorité reste fortement contestée. Cet enlèvement dont tous les dessous ne sont pas connus encore, est, figure d’ailleurs dans le mémorandum du M5 qui réclame, la libération de l’opposant.

Par Wakat Séra