Accueil Editorial Migrants vendus en Libye: allez les chercher, ils retourneront aussitôt!

Migrants vendus en Libye: allez les chercher, ils retourneront aussitôt!

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L'enfer vécu par les migrants est insoutenable (Ph. lopinion.fr)

Ils se sont encore réunis du 29 au 30 novembre pour faire semblant de se pencher sur les maux de la planète, notamment sur le sort des populations traquées par la misère. Ils ont repris en chœur la ritournelle du monde qui va mal et pour lequel il urge de trouver un remède. Cette fois-ci, à Abidjan où ceux qui nous gouvernent se sont réunis autour de cette triennale qui porte le nom pompeux de sommet UA-UE, c’est le drame des migrants vendus aux enchères en Libye qui a tenu la vedette. Dans la capitale économique ivoirienne, ils étaient 83 chefs d’Etat et de gouvernement débarqués de l’Europe et de l’Afrique pour une fois de plus chercher à se donner bonne conscience sur ce trafic hideux de l’homme noir. Le premier acte de cette représentation théâtrale qui a mis en scène des gouvernants qui, en réalité ne se soucient point de la vie de ces migrants a été joué par des dirigeants de neuf pays européens et africains, y compris la Libye, avec à leurs côtés l’Onu, l’Union européenne et l’Union africaine. Ils ont pris la décision de mener, selon le président Emmanuel Macron, des «opérations d’évacuation d’urgence» dans les jours ou semaines à venir, «des migrants victimes des trafiquants d’êtres humains en Libye». Intention louable, est-on tenté de dire. Sauf que, et tous ces acteurs en tourisme sur les bords de la Lagune Ebrié, le savent, tous ces candidats à l’exil, sortis des griffes des immondes commerçants d’êtres humains, reprendront le chemin inverse aussitôt ramenés chez eux.

Au bercail, ils en sont persuadés, les attend un enfer aussi brûlant que celui de la Libye d’où les bons samaritains d’Abidjan les auraient extraits. Confrontés à un quotidien de précarité et des lendemains sans espoir, les Africains, désespérés et certains que la vie est meilleure de l’autre côté de l’Atlantique marquent une nette préférence pour ce voyage souvent sans retour, mais qui a au moins le mérite de leur vendre du rêve de lendemains meilleurs. La route de l’hypothétique eldorado européen qui finit souvent dans le désert libyen ou au fonds de la Méditerranée, est devenue la seule voie de salut. Et pourtant, le pactole rassemblé souvent par une famille ou tout un village pour financer un voyage sans retour aurait bien pu servir à ouvrir un petit commerce dont les fruits serviront, à défaut de vivre convenablement, tout au moins à la survie. Mais l’envie de faire comme le voisin dont le fils ou la fille expédient, au prix de mille et un sacrifices, quelques euros pour construire une «maison en dur» ou acheter la «motocyclette à vitesses» est plus que jamais trop forte.  Et quand s’ajoute l’incurie de roitelets incapables de fournir le bien-être à leurs peuples, car trop préoccupés à vider les caisses de l’Etat dans leurs propres poches et à marcher sur les cadavres de leurs «sujets», le choix des futurs esclaves en Libye est vite fait.

Plus que jamais, cette jeunesse africaine en voie de perdition pour le continent doit être sauvée. Emmanuel Macron qui vient de redonner espoir aux jeunes dans un discours à l’université Professeur Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, sait qu’il faut explorer d’autres voies. Les homologues africains du président français dont la plupart ont fait du fauteuil présidentiel et des richesses nationales un patrimoine familial le savent aussi, il faut créer des perspectives nouvelles pour la jeunesse. De même tous ces jeunes qui partent, le savent également, leur avenir n’est pas forcément en Europe. L’Afrique, si elle prend son destin en main, deviendra, à coup sûr, une vaste prairie où l’herbe verte poussera pour tous ses fils. Mais malheureusement, l’union pour former de grands ensembles économiques véritables, reste jusqu’à présent vœu pieux, chaque dirigeant voulant régner sur de petits espaces insignifiants. Impossible alors pour le continent noir de résister aux vents dévastateurs de la corruption, de la gabegie, de la mal gouvernance, et donc de la pauvreté des masses contraintes à se retrouver…en Libye.

Par Wakat Séra