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Musée de l’eau au Burkina : un espace défiant le vide culturel et anthropologique de la problématique de l’eau

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L’eau c’est la vie et autour de cette vie se construit une histoire où se greffe une culture. Le vide historique, culturel et anthropologique en lien avec la problématique de l’eau, qui existait au Burkina, est vite comblé par la création en 2008 du musée de l’eau à Loumbila, un espace de valorisation du patrimoine matériel et immatériel en relation avec la « denrée rare », un espace d’éducation et de sensibilisation. A l’occasion des grands événements tels le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) et les festivités du 11-Décembre (fête de l’indépendance du pays), le musée de l’eau se déplace vers la population en vue de faire passer le message sur, entre autres, le droit d’accès à l’eau. Intéressée par la question, une équipe du site Wakat Séra présente à Manga (Centre-Sud) s’est rendue, ce lundi 10 décembre 2018, au stand dudit musée pour plus de connaissance de l’espace.

Il était 11h (GMT) ce lundi 10 décembre 2018 quand nous sommes arrivés sur le site de la foire, entrant dans le cadre des festivités du 11-Décembre à Manga, où divers articles sont exposés. Des stands érigés un peu partout, celui du musée de l’eau (qui collectionne, notamment, des ustensiles de collecte et de conservation de l’eau) est le plus frappant de par son originalité. Il s’agit d’un stand qui met en lien l’art social et l’éducation populaire. Ce stand a été construit à l’aide de bidons de 20 litres, des objets utilisés de nos jours pour collecter et transporter l’eau. C’est un édifice bâti à partir d’une charpente de 200 bidons de 20 litres chacun, « montés pendant dix jours les uns sur les autres » pour véhiculer les messages en rapport avec l’eau.

« Ce kiosque à eau se veut porteur de messages, d’idées nouvelles, pensée populaire peu connue, un patrimoine universel qui viennent des entrailles de nos traditions et de nos cultures, dont la vérité a traversé le temps et l’espace », a soutenu Alassane Samoura ingénieur de l’eau, l’un des initiateurs du musée de l’eau. Pour lui, « de là, c’est la dure réalité de la corvée de l’eau » qui y est exposé. « Ce Kiosque se veut une citadelle amovible parce qu’on la déplace d’un lieu à l’autre », a-t-il indiqué.

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Ce stand de fortune qui attire le regard curieux des visiteurs, se présente comme « un port étendard, un bastion de résistance contre l’oubli et la banalisation des droits humains liés à l’eau et à l’assainissement ». C’est une œuvre originale travaillée par des artistes, dont les principaux sont André Tapsoba, Martin Bangali, Mamadou Aziz Traoré et Paulin Zongo.

« Ces bidons traduisent d’abord la notion de perte de culture, tout ce qui est patrimoine de récipients que la femme a laissé au profit des bidons, qui sont en train d’occuper tout l’espace des forages, des marres, des rivières », a affirmé notre guide du jour au stand du musée de l’eau, M. Samoura, qui regrette le fait qu’ « inconsciemment ou consciemment nous sommes en train de perdre deux grandes choses, le patrimoine culturel et l’hypothèque de notre environnement », car les bidons qui sont utilisés aujourd’hui comme outils de collecte et de conservation de l’eau, ne sont pas des matériaux biodégradables.

Musée de l’eau et la promotion du droit d’accès à l’eau potable

Luttant contre le vide historique, culturel et anthropologique en lien avec la problématique de l’eau, les promoteurs du musée de l’eau, militent du même coup pour la promotion des droits humains liés à l’eau, ce droit qui est inscrit dans la Constitution burkinabè en son article 18. « C’est important que les gens connaissent ce droit, parce que c’est la société civile qui s’est battue pour que ça soit inscrit dans la loi fondamentale », a poursuivi Alassane Samoura qui s’est engagé à véhiculer des messages forts comme ce que dit Daniel Mitterrand : « L’eau n’est pas une marchandise, c’est un bien commun de l’humanité et du vivant ».

L’eau potable qui est un droit pour chaque humain est devenu un business, un fonds de commerce où les gens « s’enrichissent sérieusement ». Un phénomène qui n’épargne pas le pays des Hommes intègres. « Quand on parle d’équité, d’égalité, ce n’est pas vrai. Tout le combat qu’on doit mener c’est d’amener les gens à la notion d’équité et à la notion de partage. Entre nous-mêmes hommes on n’est pas prêts à partager et on n’est pas prêts aussi à partager avec les animaux », a soutenu M. Samoura.

Selon M. Samoura, la contribution de son musée dans la sensibilisation et la défense de l’application du droit à l’eau potable, « c’est d’abord déporter le musée et de le faire voir par un grand public ».

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Pour lui, si des gens en voyant le musée et se posent des questions, « c’est quoi ça ? », c’est dans « une notion de curiosité » qu’on entre et cela « amène à donner des informations et à faire des sensibilisations ». « C’est de faire comprendre que chacun a droit à l’eau potable en tant qu’individu burkinabè, un droit qu’il doit revendiquer à tout moment », a-t-il laissé entendre, notant que parmi leurs visiteurs, « il y en a qui disent qu’ils ne le savaient pas ». « Je pense qu’ainsi, on atteint une cible importante car en milieu rural la notion de droit n’est pas très développée. Quand le gouvernement vient faire des forages, on pense que c’est un don. On ne sait pas que c’est une obligation de l’Etat de le faire », a-t-il insisté.

Si l’accès à l’eau potable est un droit pour les populations, pour Alassane Samoura, cela est aussi un devoir pour eux de ne pas la gaspiller et de payer les factures d’eau. « L’eau est devenue une denrée extrêmement importante et il faut éviter tout gaspillage », a dit M. Samoura qui plaide également pour le partage de cette denrée et avec les autres et le végétal et les animaux.

Le musée de l’eau érigé à la foire, à la cité de l’Epervier, a contribué d’informer, sensibiliser, éduquer et amener les gens à prendre des engagements vis-à-vis de l’eau. « On a amené des élèves et des étudiants à prendre des engagements ici pour dire qu’à partir d’aujourd’hui ils vont veiller à regarder leurs factures d’eau parce qu’ils ne savaient pas que leurs parents payaient des factures assez chères. C’est déjà important qu’un élève comprenne ça et c’est une prise de conscience », a confié le promoteur du musée de l’eau, pour qui, il faut comprendre que « tout ne s’apprend pas dans une salle de classe. Il y a d’autres aspects qu’on peut apprendre en dehors de (l’école) qui peuvent être importants ».

L’importance de la collecte et la valorisation des ustensiles et les récipients

« C’est extrêmement important que les gens comprennent que les ustensiles et les récipients doivent être collectés et valorisés. C’est pourquoi nous au niveau du musée on a un peu toute une collection des puisettes traditionnelles, l’évolution historique de toutes les puisettes qu’on a ici, pour montrer aux gens toute la question de pénibilité pour arriver au robinet. Chaque puisette est une étape de la vie des femmes », selon Alassane Samoura.

Par Daouda ZONGO