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Procès putsch manqué: il fallait agir avec «sagesse» et «éviter un affrontement fratricide» (Gal Zagré)

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Pingrenoma Zagré ex-chef d'état major général des armées du Burkina

Le général Pingrenoma Zagré, actuel ambassadeur du Burkina au Ghana et ex-chef d’état-major général des armées (CEMGA), longuement cité dans le procès du putsch manqué du 16 septembre 2015, notamment par le général Gilbert Diendéré, a été invité à la barre ce vendredi 22 février 2019 pour son témoignage. A ce titre, l’ex-CEMGA a laissé entendre que vu la situation il a fallu agir avec «sagesse et expérience» pour obtenir «la libération des autorités» prises en otage, «protéger la population et éviter un affrontement fratricide». Il a noté que dans pareille situation, il n’y a que deux options: l’usage de la force et la négociation. Et c’est la dernière option qu’il a privilégiée.

Le général Pingrenoma Zagré qui a tenu à rendre grâce à Dieu d’être présent pour témoigner, l’a remercié pour avoir sauvé le Burkina Faso, a également témoigné sa gratitude à l’ex-président Jean-Baptiste Ouédraogo et à Monseigneur Paul Ouédraogo qui se sont impliqués, à sa demande, dans la recherche de solution à la crise.

Dans son témoignage, l’ex-CEMGA dit avoir vu un appel manqué du général Gilbert Diendéré, le 16 septembre 2015 lorsqu’il était à une réunion du Conseil d’administration de l’Union sportive des forces armées nationales (Usfa). Il a rappelé aussitôt le général Diendéré qui l’a informé de l’arrestation des autorités de la transition, en l’occurrence, le président Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Zida et a souhaité que les membres de la Commission de réflexion et d’aide à la décision (CRAD) se réunissent.

La réunion qui était prévue pour 16h aurait débuté finalement vers 17h et aurait pris fin le lendemain 17 septembre 2015 vers 3h. Selon le général Zagré, à cette rencontre le général Diendéré a informé les membres de la CRAD et l’ex-président Jean-Baptiste Ouédraogo et Monseigneur Paul Ouédraogo qui ont été invités par l’ex-CEMGA, de ce qui se passait et a indiqué que les raisons de cette action étaient l’exclusion de certaines personnes des futures élections, le projet de dissolution du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et le statut des Forces armées nationales. Le présumé cerveau du putsch manqué aurait dit que, pour le RSP, il fallait mettre fin au pouvoir de la transition et le remettre à l’armée. Selon le général Pingrenoma Zagré «c’était un ébahissement» qui a été observé par l’ensemble des participants à la rencontre, et ceux-ci auraient expliqué au général Diendéré que ce n’était pas de la vocation de l’armée de changer un ordre politique.

«Après qu’il a donné les mobiles (de l’arrestation des autorités) nous avons tenté de le dissuader en vain et il y a eu même des propositions de considérer cela comme une énième crise», a révélé l’ex-patron de l’armée burkinabè, qui a fait savoir que le général Diendéré a alors souhaité de consulter la base (les éléments du RSP). C’est ainsi qu’une décision aurait été prise d’envoyer une délégation composée du général Pingrenoma Zagré, l’ex-président Jean-Baptiste Ouédraogo et Monseigneur Paul Ouédraogo, pour rencontrer les éléments du RSP. Le général Diendéré aurait alors demandé à devancer cette mission au camp Naba Koom II.   

A la rencontre avec les éléments de l’ex-RSP, «il y a eu des propos discourtois et des menaces», a témoigné le général Zagré qui note qu’il y a eu un refus de la part des éléments de faire machine arrière. C’est de retour au ministère de la Défense que le général Diendéré a parlé d’une déclaration qu’il a fait venir. A la lecture du document, les participants, a mentionné le général Zagré, se sont rendus compte qu’il s’agissait d’une proclamation.

A ce putsch, «aucun membre de la CRAD n’a apporté un quelconque soutien au général Diendéré», a indiqué le général Zagré qui a fait savoir que pour ce qui est des missions à la frontière du Togo et de la Côte d’Ivoire, pour aller chercher du matériel de maintien d’ordre (MO), il ne les a «jamais ordonnées». Il a dit avoir appris cela après leur exécution. Le témoin a déclaré que ces matériels n’ont pas été demandés par la gendarmerie, précisant qu’à la réunion, il a été dit seulement qu’il y a un manque de MO.

Dans la stratégie de la hiérarchie militaire pour la résolution de la crise, «face à l’obstination du général Gilbert Diendéré, il a été entrepris une campagne de démobilisation des éléments du RSP en vue de minimiser les dégâts si on en arrivait à un affrontement». C’est là que le chef de corps adjoint de l’ex-RSP, Abdoul Aziz Korogo, a été «d’un grand apport», a affirmé le général Zagré qui a tenu à louer son patriotisme et à le féliciter pour le travail qu’il a abattu.

Pour ce qui est de l’arrivée à Ouagadougou des troupes des garnisons de l’intérieur du pays, l’ex-CEMGA a apprécié «la fougue» de ces militaires, laissant entendre qu’il était ainsi quand il était également jeune. Il a alors cité en exemple ses actions lors de la guerre de 1985. «Les jeunes avaient la fougue mais nous avions la sagesse et l’expérience», a-t-il dit, ajoutant que le but du commandement n’était pas d’affronter le RSP mais de faire changer de position à ses éléments. Pour lui, la hiérarchie a eu beaucoup de pression durant cette période du putsch. Le témoin a soutenu que «ça aurait été la catastrophe si (le commandement) s’était laissé guider par le jeu des émotions et des pressions extérieures».

Lors des événements du 16 septembre 2015 et jours suivants, le général Diendéré aurait approché le général Pingrenoma Zagré, pour lui demander des noms pour le CND. Mais le général Zagré, dit ne pas avoir accordé de l’importance à cette démarche car il aurait «compris que c’était du délire».

Appelé à la barre, le général Gilbert Diendéré a soutenu qu’à la réunion du 16 septembre 2015, les choses ne se sont pas passées comme le témoin en a parlé. Pour se défendre, il a fait savoir qu’à cette rencontre, il a cité plusieurs griefs, se demandant pourquoi ce sont les trois points seulement que le témoin donne dans son témoignage. L’accusé est revenu une fois de plus sur la réunion du 17 septembre, notant que c’est bien lui qui a présidé la rencontre et non l’ex-CEMGA.

L’audience a été suspendue à 16h50 et reprendra le lundi 25 février 2019 avec la poursuite de l’audition du général Pingrenoma Zagré.

Par Daouda ZONGO