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Procès Sankara: un témoin « surpris qu’on n’ait pas encore lu la déposition de Salifou Diallo »

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Salifou Diallo, fut attendu en vain dans l'avion (DR)

Le témoin Aziz Fall, membre de l’international Sankariste, témoin dans le Dossier de l’assassinat de l’ex-président burkinabè Thomas Sankara et de douze de ses collaborateurs, le 15 octobre 1987, s’est dit « surpris » que le Tribunal militaire n’ait pas « encore lu la déposition » de feu, l’ex-président de l’Assemblée nationale, Salifou Diallo. Résidant à Dakar, il a fait sa déposition par visioconférence le vendredi 10 janvier 2022 devant la Chambre de jugement du Tribunal militaire.

Le jugement du dossier emblématique portant sur le coup d’Etat du 15 octobre 1987 dans lequel le père de la Révolution burkinabè, le capitaine Noël Isidore Thomas Sankara, a été tué, ainsi que 13 autres personnes, a repris le lundi matin dans la salle des banquets de Ouaga 2000.

Le colonel-major de Gendarmerie, Moussa Diallo qui devait faire sa déposition patientera pour passer demain parce que l’accusé Diendéré Gilbert, concerné par ses déclarations, est absent parce qu’il bénéficie d’un repos médical qui finit aujourd’hui.

« Salifou Diallo était complice ou alors savait beaucoup de choses » sur le coup d’Etat du 15 octobre 1987

Aziz Fall est le coordonnateur des mouvements en soutien au Dossier Sankara au Sénégal. Il dit avoir mené des investigations dans les milieux qu’il fréquente, notamment Salifou Diallo qu’il connaissait depuis 1982, sur la fusillade du 15 octobre 1987 au Conseil de l’Entente. Il a estimé que le Tribunal militaire devait lire la déposition faite par Salifou Diallo devant le juge d’instruction François Yaméogo en 2016. Salifou Diallo était le chef de cabinet du capitaine Blaise Compaoré, ministre de la Justice au moment des faits.

Le témoin dans sa narration des faits a souligné que Salifou Diallo voulait coûte que coûte mettre la main sur un document classé top secret dans lequel il est évoqué le « complot » ayant abouti à l’assassinat de Thomas Sankara, notamment les noms de probables commanditaires ou exécutants et leurs complices.

Selon sa conviction, dans cette Affaire qui dure depuis trois décennies, « Salifou Diallo était complice ou alors savait beaucoup de choses. Salifou Diallo était complice et n’a rien fait contre ». Il pense que des proches ou des amis de Salifou Diallo doivent détenir des documents pouvant aider à la manifestation de la vérité dans ce dossier.

De l’avis aussi de Aziz Fall, les agissements de Thomas Sankara au plan international « dérangeaient beaucoup » les puissances occidentales. Par exemple, Thomas Sankara, a contrarié les États-Unis en s’opposant farouchement à la mise en œuvre du PAS (Programme d’Ajustement Structurel). Le président français François Mitterrand qui ne portait pas Thomas Sankara dans son coeur,  selon les déclarations de plusieurs témoins, s’est « appuyé » sur Jacques Chirac, Jacques Foccart, les présidents Omar Bongo et Houphouët Boigny, pour « combattre » la Révolution burkinabè dirigée par Sankara, a souligné avec force le témoin qui a ajouté que l’ancien président a même échappé à « deux complots » de coup d’Etat avant 1987.

Aziz Fall a confirmé aux avocats de la partie civile qu’un camerounais dont il n’a pas l’identité exacte a tenté de le corrompre avec de l’argent afin qu’il abandonne son combat en faveur de la vérité et de la justice dans cette Affaire. Il s’est dit convaincu qu' »il y avait quelque chose de plus grand comme complot qui a été ourdi pour tuer Thomas Sankara ».

« Le crime de Thomas Sankara a bien profité à Compaoré »

Après M. Fall, le deuxième témoin cité par la Partie civile qui a fait sa déposition via visioconférence, est le journaliste français, Thierry Sécréton. Ce photographe, réalisateur et auteur, a fait des reportages sous la Révolution burkinabè, d’autres à la demande du président Thomas Sankara. A la question du président du Tribunal qui a demandé au témoin de dire ce qu’il a comme informations relativement au coup d’Etat du 15 octobre 1987, il a précisé qu’il n’avait pas « d’informations de premières mains » parce qu’il n’était pas à Ouagadougou le jour des évènements. Ses informations, en grande partie, ont été récoltées auprès de l’ancien président ghanéen, John Jerry Rawlings qui était son ami et un fidèle ami aussi de Sankara.

Thierry Sécréton dit avoir connu l’ancien chef de l’Etat, le capitaine Thomas Sankara à Bobo-Dioulasso en 1984. Selon ce témoin, au cours d’une cérémonie dans la même année de 1984 à Bobo-Dioulasso, le président Thomas Sankara avait dit publiquement qu’il était « soutenu clandestinement » par le président ghanéen. Cette affirmation de l’analyse de John Jerry Rawlings était mauvaise car elle allait attirer certainement des ennemis contre Sankara et la Révolution du Burkina Faso.

En conséquence, Rawlings lui aurait demandé d’aller suggérer à Thomas Sankara de revenir sur ses propos et dire qu’il y avait des paroles qui lui ont échappé pour corriger ses dires en vue d’éviter les embrouilles avec les puissances occidentales notamment. Mais Thomas Sankara avait refusé de revenir sur sa déclaration. A partir de sa sortie de Bobo-Dioulasso, il est évident que Thomas Sankara était dans le viseur des puissances étrangères notamment la France et les États-Unis, pense-t-il.

Selon lui, « Rawlings disait que la France s’appuyait sur certains pays africains dont la Côte d’Ivoire » pour combattre la Révolution. A entendre ses propos, il y avait « une entente entre les pays occidentaux qui était presque déclarée ». Le président Ghanéen, Rawlings, « avait des problèmes avec les puissances occidentales à cause de l’aide qu’il apportait à Thomas Sankara, à la Révolution et au Burkina Faso ».

Dans les déclarations de M. Sécréton, il ressort clairement que Sankara se comportait comme Rawlings face aux puissances occidentales alors qu’il n’avait pas un Etat fort qui pouvait le protéger des soucis. L’Etat de John Jerry Rawlings son ami, arrivait à déranger la quiétude du Nigeria en plus d’avoir causé une dévaluation du Franc CFA avec sa monnaie, le Cedis en son temps. Alors, a-t-il résumé, l’assassinat de Sankara « était un complot organisé, déclenché par Blaise Compaoré », rejetant l’argument selon lequel, l’acte criminel posé était le fait d’éléments militaires « incontrôlés ». « Le crime de Thomas Sankara a bien profité à Compaoré », a-t-il conclu.

Par Bernard BOUGOUM