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Procès Thomas Sankara: « Il n’y a pas eu de déviation de la Révolution » (feu Salifou Diallo)

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Salifou Diallo, fut attendu en vain dans l'avion (DR)

L’ex-président de l’Assemblée burkinabè, feu Salifou Diallo, a déclaré qu' »il n’y a pas eu de déviation de la Révolution » comme l’ont fait savoir les tombeurs de Thomas Sankara, assassiné avec douze de ses compagnons le 15 octobre 1987. La déposition du témoin Salifou Diallo, ex-chef de cabinet de Blaise Compaoré, cité comme le présumé cerveau du coup d’Etat sanglant, a été lue le lundi 10 janvier 2022 au procès.

Cité par bon nombre de personnes, comme une personne qui en sait beaucoup sur la tuerie du 15 octobre 1987, la déposition de Salifou Diallo, conseiller politique de Thomas Sankara et chef de cabinet de Blaise Compaoré, au moment des faits, a même été réclamée un peu plutôt par le témoin Aziz Fall qui ne comprenait pas pourquoi jusqu’à ce niveau du jugement, elle n’a pas été lue lors des audiences.

Salifou Diallo, homme de confiance de Blaise Compaoré en son temps, a signifié dans sa déposition qu’il était dans la matinée du drame avec le président Thomas Sankara qui lui avait demandé d’élaborer un document portant trois axes principaux. Premièrement, il devait arriver à tracer la création d’un grand parti unique devant rassembler les groupuscules de partis politiques. Au deuxième point, il devait faire en sorte que les Comités de défense de la révolution (CDR) soient un comité de base non armée. Dans le troisième axe, Sankara voulait que ce soit lui Salifou Diallo qui occupe le rôle de SG (secrétaire général) de la nouvelle organisation politique qui allait naître.

Salifou Diallo a laissé entendre que les tirs l’ont trouvé chez Blaise Compaoré alors qu’il était envoyé par Sankara pour récupérer les amendements de ce dernier sur le document en question car il a signalé qu’il souffrait d’un paludisme et n’allait pas pouvoir prendre part à la rencontre qui s’est terminée dans un bain de sang. « On était à la troisième page du document quand on a entendu les coups de feu. Blaise Compaoré a dit que les éléments de Sankara tiraient sur ses hommes et a demandé qu’on sorte », a indiqué Salifou Diallo.

Selon toujours la narration de celui qui dit avoir échappé bel à la tuerie du 15 octobre 1987 car il devait prendre part à la réunion, c’est par la suite que Maïga, le chauffeur de Blaise Compaoré, est venu voir l’ex-ministre de Justice et les deux se sont pris à côté pour s’entretenir longuement. Mais, a-t-il continué, c’est lors d’une réunion avec des officiers militaires qu’il a appris ce qui s’était passé au Conseil de l’Entente.

Il a affirmé avoir cru aussi en la thèse disant que ce sont des éléments incontrôlés qui sont passés à l’action jusqu’à ce qu’un jour, son mentor, Blaise Compaoré, l’envoie remettre une lettre à un chef d’Etat africain dont le nom n’a pas été mentionné. Ce président qui a pris la lettre, après avoir fini de la lire devant lui, aurait dit: « C’est comme ça quand on s’attaque aux vieillards. Il reste le bâtard d’Accra », parlant de Rawlings. Il note qu’à son retour, il a fait cas de cela à Blaise Compaoré qui lui a dit que « s’il répétait ça quelque part, même avec toute l’Armée du Burkina Faso, il ne pourra pas le protéger ». C’est depuis ce jour que le témoin aussi doutait de la thèse d’arrestation qui a mal tourné ou autres.

Pour Salifou Diallo, « il n’y a pas eu de déviation de la Révolution » comme l’ont servi certains ennemis de Thomas Sankara. « Ce qui se passait était une propagande pour justifier le coup d’Etat qui a été perpétré ». « Malgré les rumeurs (entre Sankara et Compaoré), j’étais loin de croire en ce qui est arrivé. Thomas s’arrêtait souvent chez Blaise et les deux causaient », a déclaré le témoin, pour qui, « les contradictions étaient plus dans les discours des groupes politiques ». Il dit ne pas savoir qui a écrit le discours du front populaire.

Le procès reprendra demain mardi avec le témoignage par visioconférence du colonel-major Moussa Diallo, suivi de celui de Stephens Smith, résidant aux Etats-Unis. Après cette phase, le Tribunal militaire procèdera à la présentation des pièces à conviction et l’audition des experts. Le mercredi 12 janvier 2022, les victimes passeront à la barre pour faire leur déposition.

Me Prosper Farama de la partie civile a informé que Mariam, l’épouse de Thomas Sankara est « indisposée » pour des « raisons de santé ». Alors, elle ne pourra pas faire son retour de la France où elle réside dans les délais. En conséquence, il a demandé au Tribunal militaire de « passer outre » la déposition de cette victime. Me Prosper Farama a également informé que les membres de la famille du président Sankara, notamment ses frères, ne souhaitaient plus déposer.

Par Bernard BOUGOUM