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Putsch manqué: «Je ne peux pas (…) vous dire qui était pour ou qui était contre» (colonel-major Ilboudo)

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Le colonel-major Poko Ilboudo, ex-Conseiller du Chef d’état-major général des Armées (CEMGA), a déclaré ce mercredi 13 février 2019, que «des éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) sont entrés dans (sa) cour au camp Guillaume Ouédraogo pour tirer en l’air», au point que «cela a agacé (ses) enfants», à la barre du tribunal militaire, en tant que témoin dans l’affaire du putsch manqué de 16 septembre 2015.

Le colonel-major, Poko Ilboudo, intendant militaire à la retraite, a affirmé que «ce n’est que dans l’après-midi du 16 septembre 2015 qu’(il) a été mis au courant que des membres du gouvernement ont été interpellés». Après cela, il a dit avoir pris part à une réunion le 17 septembre avec le commandement militaire, rencontre que le général Gilbert Diendéré aurait présidée. A la question de savoir ce qui a été dit au cours de cette rencontre, le témoin a dit ne pas, pour des raisons de «troubles de mémoire», se souvenir dans les détails ce qui a été dit, afin de le relater «exactement». Mais, il soutient qu’en gros, c’était une rencontre d’information au cours de laquelle le général Diendéré a fait le point de la situation qui prévalait après l’arrestation des autorités de la Transition et demandé à l’Armée de «continuer d’assurer» ses missions de défense et de sécurisation de l’intégrité territoriale.

Ce témoin a laissé entendre qu’il a pris, à la fin de la rencontre, le général Gilbert Diendéré, présumé cerveau du putsch, en aparté, pour lui demander de confirmer ou infirmer les rumeurs selon lesquelles, les travaux de la Commission de la réconciliation nationale et des réformes (CRNR) seraient à la base du mouvement des éléments du RSP dont elle recommandait la dissolution. Il a dit avoir été rassuré par le général Diendéré qui lui a dit que lui et les autres membres de la CRNR «n’avaient pas à s’inquiéter (car) des dispositions allaient être prises» dans ce sens.

Le témoin a alors raconté que le 18 septembre, sa fille l’a alerté au téléphone pendant qu’il était à l’état-major, qu’il y avait des tirs chez lui à domicile. Chose que son chauffeur à qui, il a demandé d’aller chercher à comprendre, a confirmé en précisant que ce sont des éléments du RSP qui ont commis ces actes. Toujours selon son chauffeur qui est un militaire, les éléments du RSP ont signifié avoir pourchassé des manifestants qui ont escaladé le mur de la zone résidentielle, au côté Ouest du camp et sont rentrés chez le colonel-major. Il s’est dit «ferme», que l’action ne visait nullement sa personne même s’il a déploré cette intrusion «osée».

Sur une question du parquet et de la partie civile qui voulaient savoir si oui ou non, la hiérarchie a adopté une position franche de soutien ou de rejet du putsch à la réunion, le témoin a dit être dans «l’incapacité» de pouvoir les situer. «A la rencontre il n’y a pas eu de débats. La hiérarchie a seulement pris acte. Je ne peux pas non plus savoir ce que chacun en pensait dans son cœur pour vous dire qui était pour ou qui était contre. Mais je sais par la suite qu’il y a eu des tractations, des négociations», a déclaré le colonel-major Ilboudo. Il a ajouté que ce qui lui revenait à l’esprit, «c’est que des voix» dont il n’a pas pu identifier non plus les auteurs, «ont demandé au général Diendéré de faire tout pour éviter de faire couler le sang».

Avant ce témoin, c’est le colonel-major Aimé Gouba, ex-premier responsable par intérim de l’Armée de l’Air au moment des faits qui est passé à la barre. Le chef de la division logistique de l’Armée de l’Air a reconnu avoir donné l’ordre à l’équipe du capitaine Cuthbert Somda de décoller avec l’aéronef pour aller chercher des grenades lacrymogènes vers la frontière ivoirienne à l’extrême Ouest du Burkina. Le colonel-major Gouba a dit aussi avoir pris part à la rencontre du 17 septembre au cours de laquelle il aurait remarqué une forte présence des militaires de l’ex-RSP qui sécurisaient le ministère de la Défense où a eu lieu la rencontre, quand le général Gilbert Diendéré est arrivé.

Si les accusés, le général Gilbert Diendéré et le colonel-major Boureima Kiéré ont dit ne pas avoir «grand-chose à ajouter» à ce que le témoin a fait comme déposition, Me Ahouba Zalyatou a signifié que le parquet et la partie civile «tentent de  faire dire (au témoin) ce qu’il ne souhaite pas dire».

Le colonel-major Gouba a également confirmé que la réunion du 17 septembre visait seulement à livrer des informations sur la situation qui prévalait dans le pays après l’arrestation des autorités de la Transition. Répondant à l’attitude de la hiérarchie militaire qui n’était pas bien perceptible en termes de soutien ou de rejet du putsch, le témoin dit qu’il a eu l’impression que le commandement «avait une idée de sa manœuvre».

Par Bernard BOUGOUM