Accueil A la une Que retenir des transitions au Burkina?

Que retenir des transitions au Burkina?

0
Chériff Coulibaly, journaliste indépendant

Ceci est une réflexion du journaliste indépendant, Chériff Coulibaly, qui a revisité l’avis de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), sur les transitions qui se sont succédées au Burkina Faso depuis 1960 à nos jours. Dans cette opinion transmise à Wakat Séra, ce vendredi 21 juillet 2023, M. Coulibaly a conclu que «si les transitions avaient su dépasser certaines manigances, haines, ambitions impatientes et subordinations pour jouer leurs vrais rôles, le pays aurait fait l’économie de bien de drames».

Des transitions déclarées ou non au Burkina Faso: Vision prospective de la marche de l’UNDD depuis 1960

Depuis une décennie notre pays le Burkina Faso fait face à une crise sécuritaire sans précédent. Crise sécuritaire et instabilité politique, un cocktail qui ne laisse aucun burkinabé indifférent. Pour sortir le pays de ces difficultés de gouvernance, plusieurs solutions ont été appliquées. Toutes ces solutions ont eu leur part de succès et d’échec. Cependant nous pourrons bien nous poser des questions sur l’efficacité de ces solutions. Un constat d’échec somme toute. En observant la classe politique et sur l’ensemble des propositions faites par certaines formations politiques, au gré des transitions, je me fais le plaisir de revenir sur le parcours et les idées partagées par l’UNDD. Je trouve particulièrement édifiante la posture de ce parti depuis l’indépendance de notre pays. Et pour la mémoire collective, il est important de relater les faits comme ils se sont passés pour orienter et impulser la marche actuelle de note pays.

Introduction

Pour commencer disons que même si la transitologie existe, portée par des sommités intellectuelles, nous restons dans l’attente du modèle universel indiscutable et empiriquement éprouvé. L’attente risque d’être longue car aucune transition ne peut parfaitement répondre à une autre comme deux gouttes d’eau. C’est la loi des évolutions, des différenciations de situations, des causes et des objectifs brefs, la loi de la nature qui en décide ainsi.

Le plus important sans retour lorsqu’on engage cette transition, c’est de le faire de bonne foi avec une conscience rétrospective et prospective des réparations individuelles, collectives, historiques, communautaires et politiques à engager pour réarmer moralement la collectivité et lui redonner des perspectives de fer sans partage sur le destin collectif des citoyens. C’est aussi on y pense pas trop malheureusement, de se mettre en œuvre dans le seul intérêt de l’Etat et en particulier pour le rétablissement de son intégrité territorial, de ses valeurs et du vouloir vivre collectif des citoyens très mis à mal depuis quelques temps il faut le reconnaître par la gangrène sectarisme multiforme.

La transition comporte plusieurs dimensions dont les suivantes :

  • Elle peut se cantonner au simple passage d’un régime à un autre, sans même revêtir en tant que tel le nom de transition. La plupart des coups d’Etat se passaient d’ailleurs ainsi. C’était finalement du : « ôte-toi de là que je m’y mette » ;
  • Mais depuis les années de la glasnost et de la pérestroïka (dernière révolution démocratique mondiale en date), dans les années 80/90, elle peut plus profondément viser au-delà du changement politique ou personnel, un changement des modalités de la pratique démocratique. Avec une telle transition, il y’a non seulement le changement des règles du jeu politique, mais aussi, un relatif renouvellement du personnel politique à opérer.
  • Enfin la transition peut aussi, si elle est motivée par des conflits physiquement et moralement ravageurs pour les populations, politiquement, économiquement, territorialement et socialement déstructurant pour l’Etat, se reposer essentiellement sur son sauvetage de l’effondrement en vue, et pour sa reconstruction multi sectoriel.

Au Burkina Faso nous avons connu des transitions s’attachant à l’un ou l’autre aspect et l’un des partis qui en aura été témoin est l’UNDD. On peut donc croire selon ses responsables que celles des transitions que nous vivons depuis quelques années, précisément depuis la violente et désacralisant insurrection en 2014 et l’invasion terroriste effroyablement écumeuse des vies humaines en 2015, recouvrent in globo tous ces différents aspects .

I- LES TRANSITIONS SPÉCIFIQUES PROCLAMÉES OU NON.

  • 1) 3 janvier 1966 au 8 février 1974 la transition indiscernable du général Sangoulé Lamizana : en prenant le pouvoir en 1966 des mains du président Maurice Yameogo, le général Lamizana qui vivait la première expérience de déstabilisation fomentée par les politiques uniquement pour des intérêts politiques, inaugurant la première transition de fait, n’a nullement affiché l’intention de s’enraciner au pouvoir. Appelé pour ainsi dire par les politiques (et non conduit de son propre chef), à la tête de l’Etat, le deal (qui se répétera plusieurs fois depuis dans l’histoire), était de le porter au pouvoir certes, mais bien entendu contre un retour rapide à l’envoyeur.

Les pressions ne manqueront pas à cet effet quelques mois après la démission du premier président. Rien n’y fera. Le régime militaire sans refuser cette nouvelle éthique reconstructive prendra tout son temps et on ira jusqu’en 1970 pour des élections. Ces élections fondatrices de la II République ne permettront cependant pas un renouvellement de tous les organes de l’Etat. Elles autoriseront par la constitutionnalisation d’un bonus transitionnel une sorte de transition mixte ou en demi-teinte, reposant sur les seules élections législatives avec du reste un quota de militaires non élus à l’assemblée nationale.

Le président par contre lui était d’office, l’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé. Comme il se trouvait que le général Lamizana déjà en place répondait comme un gant aux critères, il restera aux commandes pour disait-on à l’opinion mieux préparer le retour à un pouvoir totalement civil issue des élections cette fois ci du président et de l’ensemble des députés de 1975. 

  • 2) 8 février 1974 en 1978 la transition constitutionnelle mixte écartée par le mouvement national pour le renouveau (MNR) En 1974 estimant que les civils n’étaient pas faits pour une bonne gouvernance le président Lamizana réalisera un coup de Palais en fin février 1974 pour instaurer à jamais un régime à la Mobutu. C’était la pleine période de l’authenticité.

Balayant les raisons invoquées par le général Sangoulé et ses soutiens comme le général Tiemoko Marc Garango une coalition de syndicalistes, d’hommes politiques et de chefs coutumiers (aspects de l’histoire ignorés par les historiens), travaillera dans le plus grand secret pour susciter sous le leadership des Syndicats les plus représentatifs, des mouvements de contestations populaires. Meetings, grèves et villes mortes s’enchaînèrent dans des conditions de symbiose populaire jamais vécues. Par des tracts, des contacts nocturnes et des soutiens financiers les politiques aidèrent aux succès des manifestations et des différents mots d’ordre. Même leur participation a pu se reconnaître dans l’acceptation des prostitués à garder portes et fenêtres closes pour respecter les mots d’ordre de villes mortes sur toute l’étendue du territoire. Finalement cela fera rendre gorge au MNR mettant fin au rêve projeté et contraignant par le fait le pouvoir, à entrer pour le coup formellement en transition afin de préparer des élections présidentielles et législatives démocratiquement convenables.

Lamizana contrairement aux recommandations de la hiérarchie militaire (ce que ne révèlent pas toujours non plus les historiens.), réussit à s’affilier des partis politiques de bords différents pour compatir et gagner au second tour les élections présidentielles contre le candidat de l’UNDD. Mais le sentiment de la continuation dans l’exception, le refus de donner suite à la réconciliation nationale et de conduire une transition loyale conformément à l’esprit et aux recommandations de la commission spéciale (conférence nationale en gestation), conduisit comme on le voyait venir dès la cérémonie d’installation de la nouvelle Assemblée nationale, à un coup d’Etat contre la III République.

  • 3) 1980 à 1982. Avec l’arrivée aux commandes de l’Etat du colonel Seye Zerbo et de son Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN), on observe une claire Occultation de la transition. Comme pour le général Lamizana l’avènement au pouvoir du colonel Seye Zerbo est facilité par les civils. Déçus par la reconduction du général Lamizana au second tour et par la nature du gouvernement mis en place sur une base électorale historiquement étriquée (différence d’un siège entre majorité et opposition), les politiques ont pris des contacts avec des gradés en respectant le sens de la hiérarchie, mais les tractations feront porter le choix porté sur Seye Zerbo qui n’était pas l’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé. (le ton était donné pour le tour des capitaines). Le général Lamizana lui-même il faut le souligner soupçonnait les choses puisqu’il demanda en vain à son premier ministre d’œuvrer pour un gouvernement d’union afin de dompter la crise visiblement ouverte. Ce qui devait arriver arriva. Le nouveau président une fois installé brisera toute idée de transition œuvrant plutôt à militariser au maximum son pouvoir. Il a en effet pleinement assumé le coup d’Etat sans intention de retourner l’ascenseur et sans recours à des artifices juridiques. De même que le président Lamizana avait abolit la constitution de la I république, le président Seye Zerbo fera pareil avec la constitution de la III République. Les partis politiques subiront le même sort. Bref il s’agissait ici d’un coup d’Etat purement militaire sans place dans les faits et les intentions pour une quelconque transition.
  • 4) 1982 à 1983. Affirmation de la transition à l’avènement du CSP du médecin commandant Jean-Baptiste Ouédraogo. Mais cela intervient dans une atmosphère marquée par une très forte ambiguïté. Si dès le départ en effet le président JBO avait bel et bien annoncé une transition tirant même la sonnette sur l’échec de l’armée à travers ses immixtions politiques et annonçant la fin de récréation par le retour définitif des militaires en caserne, les jeunes militaires co-auteurs du coup d’Etat quant à eux, ne cachaient pas leur détermination à rompre tout au contraire avec les élections pour aller de l’avant et carrément vers la révolution. Ni la proclamation du CSP II avec l’éviction de Thomas Sankara de son poste de PM suivie de son arrestation comme de celles de certains de ses compagnons, ni les consultations engagées avec les politiques ni l’amnistie conditionnelle du premier président Yameogo et les différentes annonces de rupture avec les coups d’Etat, n’empêcheront l’inévitable, la proclamation de la révolution. Nous avons ici à faire à une transition promise de bonne foi mais interrompue.
  • 5) 1983 à 1987. La transition est impensable avec le CNR au pouvoir. Seye Zerbo étant peu loquace sur ses intentions de gouvernance on aurait pu penser qu’il puisse avec le temps donner un coup de frein à la militarisation de son pouvoir pour consentir une transition. Avec Le CNR de Thomas Sankara même pas possible d’y rêver. Ce mot ne sera pas mentionner ni dans les faits ni dans les intentions. Au contraire des actions seront engagées pour déboulonner les fondements de la démocratie classique réactionnaire et mettre en place un système aux antipodes de la démocratie électorale qui perpétue la domination des impérialistes.

L’idéal de révolution de type communiste dominant on le comprend ne pouvait qu’être de mise en œuvre difficile pour ne pas dire impossible. Il était imposé à un peuple habitué à la consultation, intervenait dans un contexte de fin de la bipolarisation, de mondialisation démocratique unidimensionnelle avec la chute de l’URSS et de nombre de ses pays satellites. Cela intervenait dans un contexte général sinon de fin de règne, certainement d’affaiblissement du communisme et même du socialisme authentique face à la domination mondiale de l’économie de marché.

Quelque soit la pureté des intentions et les quelques résultats positifs obtenus le pari était perdu d’avance car venant trop tard dans un monde déjà trop vieux.

  • 6) 1987 en 1991. Le front populaire et le virage à pas mesurés vers la transition. Au début les burkinabé cherchaient à comprendre un régime qui parlait de rectification et d’approfondissement de la révolution tout en critiquant son fonctionnement et en pratiquant l’ouverture politique et Idéologique. On le constate dans le passage suivant de la proclamation du front populaire.

(Le Front populaire, regroupant les forces patriotiques, décide de mettre fin en ce jour 15 octobre au pouvoir autocratique de Thomas Sankara, d’arrêter le processus de restauration néocoloniale entrepris par ce traître à la Révolution d’Août.)

Petit à petit cependant (fragilités internes obligent), les choses évolueront clairement vers une transition. Mais une transition que l’on voulait voir accoucher d’un régime hybride. Le dilemme qui se présentait alors aux pouvoir était immense. Une chose est de conquérir un pouvoir par la force des armes et un autre est de le gagner par la volonté des urnes.

Sans expérience ni bases électorales, il était irréaliste pour le pouvoir en place d’espérer gagner loyalement les élections après une transition honnête et rigoureusement conduite. A défaut de pouvoir bénéficier de l’incorporation dans ses rangs de tous les politiques et partis traditionnels, il fallait s’assurer des garanties à travers la constitution et les principes de gouvernance à venir. C’est ainsi qu’avec certains partis dont l’UNDD (alors MDP) des négociations furent entreprises pour imposer le système du suffrage censitaire limité aux seuls lettrés. L’idée fera choux blanc. Mais des termes comme Assemblée des députés du peuple (ADP) et autres témoignent de cette lutte de survie. Seule la perspective du contrôle du suffrage, des corruptions électorales et autres et la pratique engagée de la DESTABILISATION des partis politiques adversaires, conduira jusqu’à son terme la transition marquées par des élections les plus invraisemblables.

Même si c’est avec son idée derrière le dos, cette transition effectivement se poursuivra jusqu’à sa fin avec la prise de mesures multiples: mise en place de commissions de réflexion sur les nouvelles orientations, ouverture politique, rédaction et adoption d’une constitution , réconciliation , révision de procès . La candidature du capitaine Blaise Compaoré fera penser à celle du général Sangoulé Lamizana. Mais encore une fois attention aux généralisations automatiques et trop faciles, dans l’ignorance des spécificités de chaque expérience humaine.

II-  LES TRANSITIONS GLOBALES MOTIVÉES PAR DES CONFLITS MEURTRIERS ET DÉCOHÉSIFS

  • 7) 2014 à 2015. La transition sera adoptée avec l’avènement à la tête de l’Etat du duo civilo-militaire Kafando/Zida après des mouvements de contestations populaires finalisés par une insurrection. Une insurrection d’une grande violence physique, institutionnelle et morale.

L’enregistrement jamais vu d’autant de déchaînements physiques (avec morts d’hommes), à l’occasion d’un coup d’État, de biens publics et privés incendies, pillés et saccagés plonge le pays dans un climat de haine et de revanche sicilienne en gestation. Pour la première fois le nom de transition est officiellement employé avec même validation du conseil constitutionnel. Ce fut là un grand choc pour les démocrates et républicains et pour les vrais défenseurs des libertés publiques et démocratiques. Comment une transition qui se construit ainsi sur du faux pourrait-elle gagner en crédibilité? Une appréhension qui se confirmera avec les révélations faites par le président Jean-Baptiste Ouédraogo sur le faux en écriture publique en l’occurrence la fameuse charte complémentaire sortie de nulle part, qui a permis la désignation du militaire Zida comme premier ministre alors que la charte de la transition interdisait la participation des militaires au gouvernement.

On fait mine à travers des proclamations sur des changements profonds visant le régime, le nettoyage des mauvaises pratiques politiques, et la réanimation de l’Etat de travailler pour une transition exemplaire mais, on observe en réalité un enserrement de la constitution. Jamais aussi depuis l’indépendance on aura autant assisté à une telle immixtion des ambassades Françaises et Américaine dans notre gouvernance évoquant même chez beaucoup, un État sous mandat ou sous tutelle coloniale internationale. Si une période a fortement contribué concrètement à la volonté de reconquête de la souveraineté nationale et au sentiment anti français au Burkina Faso c’est bien celle-là.

On pourrait lier l’officialisation de la transition aux évolutions constatées au niveau de l’UA et de la CEDEAO en matière d’immixtion dans les affaires intérieures des États membres. La première à répudié le sacro-saint principe de la non-ingérence désormais justifiée en cas d’atteintes graves à la sécurité (crimes contre l’humanité, crimes de guerre.  Génocides.) Et à la démocratie (changements anticonstitutionnels dont les coups d’Etat); la deuxième a fait de même en aménageant des mécanismes pour la prévention la gestion et le règlement des conflits et en adoptant le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance. Autant d’éléments bouleversants la culture de la sécurité et élargissant les possibilités d’interventions diplomatiques et militaires dans les États membres.

Au fond en dépit de toutes ces dispositions, (nous référant à une qualification souvent clamée haut et fort), nous avions affaire à une transition -transmission. Les méthodes utilisées à cet effet reposaient sur la seule urgence de céder dans des conditions avantageuses et au plus vite le pouvoir à une équipe désignée et non de régler les problèmes du pays pour éviter de gager le futur. Ce qui sera fait grâce notamment à l’interdiction (en dépit de la décision contraire de l’organe judiciaire de la CEDEAO), de candidature à tous ceux qui ont préconisé la modification de l’article 37.

Elles se basaient également sur l’exclusion, la manipulation de la justice, les violations de principes cardinaux du droit (tels que la prescription par le recours au fait du prince), qui n’auront fait que vider de tout son sens les objectifs du mot transition. Cette dernière débouchera sur un régime qui jusqu’à sa chute donnera le sentiment d’avoir succédé à une transition mal assumée, ayant répercuté ses urgences non satisfaites sur son régime civil élu. Mais on se rappellera que les mises en garde contre une transition biaisée par le recours aux élections sans satisfaction des préalables liés notamment aux questions sécuritaires, aux mesures conditionnant les retrouvailles nationales constituerait une grave hypothétique prise sur la paix nationale.

La transition n’a pas été seulement biaisée par la faute des intrigants politiques. Le silence coupable de la communauté internationale ajouté à l’ingérence de certaines puissances comme relevé y aura aussi contribué.

  • 8) 24 janvier 2022 au 30 septembre 2022, Transition MPSR I. Avec l’avènement du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, la transition comme sous Kafando-Zida est consacrée en national. Le Conseil Constitutionnel y va même encore de son adoubement en recevant le serment de celui qui a réalisé un putsch. En international on peut dire qu’il y’a une reconnaissance sous condition. La feuille de route de la transition est validée par la CEDAO qui veille sous menaces de sanctions à sa bonne exécution pour consacrer le retour aux renouvellements des organes de l’Etat. Les choses semblent emprunter les voies d’une transition multi fonctionnelle avec les engagements portants sur la réconciliation, les réparations, la refondation et la restauration de l’Etat dans ses territoires, ses valeurs et sa croissance. L’extension de la réconciliation aux groupes armés comportant des compatriotes est sagement lancée. L’interruption du processus dans ces conditions apparaît beaucoup plus comme une façon de barrer la route à la réconciliation abhorrée par certains milieux politiques et militaires. Ici les origines, et causes de l’avènement de cette transition sont aussi à l’origine de sa fin. Ceux qui dans les faits ont été les maîtres d’œuvre financiers, militaires de cette transition ont été les acteurs de son interruption car les voies empruntées par conviction ou réalisme pour réaliser une transition conforme et efficiente n’étaient pas les leurs.
  • 9) 30 septembre2022 à juillet 2024, Transition MPSR II. Selon un schéma maintenant consacré la transition menée par le capitaine Ibrahim Traoré reçoit l’onction du Conseil Constitutionnel et voit son agenda soumis au contrôle tutélaire de la CEDEAO.

L’opinion reste divisée sur les intentions réelles du pouvoir en place. La transition est plus marquée par l’embrouillamini qui l’enveloppe, par cette sorte d’obscurité angoissante qu’elle irradie sur le futur que par des certitudes rassurantes. Tout comme la première (MPSR I), la seconde transition (MPSR II), est l’œuvre de l’intervention collective de financiers, de militaires et de politiques. Ici encre il y’a plus de calculs, d’ambitions personnelles, de soifs de gains personnels de nature diverses que de scellement détaché d’une transition fidèle et diligente.

Tout cela se complique par des orientations totalement asymétriques, indépendantistes de la gouvernance par rapport d’une part aux attentes de nombres d’acteurs de l’avènement du MPSR II et d’une importante partie de la population attachée au rétablissement de la démocratie.

On relève certes toujours la mention des élections au terme de la transition prévue pour juillet 2024, mais il y’a aussi la peur d’une récupération de celles-ci. On parle de réconciliation et de réparations mais la crainte d’un attrape-nigaud existe chez certains surtout que la question de la libération des prisonniers politiques militaires et civils est toujours évitée de même que celle du retour des exilés politiques en particulier des anciens chefs d’Etat. Les réformes (et même la refondation), sont évoquées mais dans un contexte qui en laisse beaucoup dubitatifs en raison de l’exclusion qui reste toujours présente et dominante en tant que philosophie privilégiée au sommet de l’Etat. Si l’on met en jeu la question sécuritaire dans ses dimensions territoriales, humaines et électorales la transition et l’Etat revêtent des contours nébuleux.

Pourtant le MPSR II a une charge de périls plus dommageables pour la survie nationale à supporter, car étant malgré elle héritière des déficits cumulatifs de bonne gouvernance et de transitions conduites avec responsabilité, désintéressement et patriotisme. Voilà qui lui impose en plus de ses propres égarements dans l’observation des conventions internationales sur le droit humanitaire, plus d’application pour une transition à conduire avec rigueur et sagesse dans un esprit d’inclusion incontournable.

Conclusion

En conclusion si les transitions avaient su dépasser certaines manigances, haines, ambitions impatientes et subordinations pour jouer leurs vrais rôles, si les dirigeants c’étaient forcés à avoir une lecture de l’histoire dépouillée des manipulations, rayures et travestissements le pays aurait fait l’économie de bien de drames.  Il aurait sublimé les blessures faites au respect de sa mémoire, et au devoir de sa gouvernance solidaire et intègre.

Aucune de ces transitions n’aura véritablement travaillé à prévenir, à gérer et à régler les crises. Le souci d’écumer la vie politique nationale de questions fondamentalement entravantes comme la corruption, la fraude électorale, l’inféodation de la justice, le populisme la subornation populaire, la patrimonialisation des biens de l’Etat a toujours été contrarié par les soumissions et inféodations aux milieux financiers, militaires et politiques. Des solutions proposées dans le cadre d’une approche curative mais non foncièrement répressive comme avec la justice transitionnelle restent écartées encourageant par le fait même l’encrage de l’impunité et de la délinquance d’Etat.

Cela depuis des décennies a favorisé l’acculturation de la jeunesse à des valeurs négatives qui expliquent aujourd’hui l’attrait de beaucoup de jeunes à la désobéissance civile, à l’irrespect et à la diabolisation des anciens et des traditions, à la perception de l’Etat comme d’un bien commercialisable et donc passible d’appropriation privative.

Mais en dépit de la profondeur du mal, de ce que jusqu’à présent on ne puisse donner de billet sans réserve à aucune des transitions notamment à celle en cours, on peut penser que tout n’est peut-être pas encore définitivement perdu. Après les pics de gouvernance contraires aux normes nationales et internationales en matière de droits de l’homme, de droit humanitaire, de respect de principes démocratiques le tout dans un climat de défaillances sécuritaires incontestables, on observe certains signes qui semblent indiquer une possible inversion des tendances.

 Au-devant de cette évolution il y’a la ministre des affaires étrangères, de la coopération régionale et des burkinabé de l’extérieur madame Olivia Ragnaghnewendé Rouamba, le ministre  d’Etat, ministre de la Fonction Publique, du Travail et de la Protection Sociale Bassolma Bazié, qui déploient un activisme non dissimulé pour la reconnection du pays avec le monde des relations internationales pour échapper aux effets de la crise multidimensionnelle mal appréhendée et en particulier à la flambée des prix qui accélère l’asphyxie nationale ; la ministre de la solidarité, de l’action humanitaire, de la réconciliation nationale, du genre et de la famille madame Nandy Some/Diallo dont l’action de réanimation des filières et moteurs de cohésions sociales est remarquable; la récente décision du CEMGA relative  à l’enrôlement des jeunes de la place de la nation en VDP et surtout à la sécurisation de la dite place contre toute occupation anarchique, est un autre signal fort de restitution à la république de ses privilèges usurpés ou mal protégés. Si cette tendance se confirme la transition ne pourra que gagner en recapitalisation de ses estimes et partant des espérances de bon aboutissement. Le grand t’Oit c’est de savoir si elle saura la tête froide prendre l’exacte mesure des contestations qui montent en force dans un contexte de d’épointement tout aussi grandissant pour comprendre la nature de la course contre la montre qui est engagée.

Une simple prise en compte du fait que Roch Kaboré tout comme le colonel Damiba en ont été victimes, devrait suffire à faire comprendre qu’il ne faudrait pas se perdre dans les cérémonies et démonstrations sur la réconciliation et la cohésion, au détriment des mesures concrètes qu’elles exigent.

Le temps l’autre nom de dieu nous situera.

Cheriff COULIBALY

Journaliste indépendant