Accueil A la une Sahel/Développement: le rêve de l’AFD pour la région à l’horizon 2040

Sahel/Développement: le rêve de l’AFD pour la région à l’horizon 2040

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Les conférenciers dont l'ambassadeur français, Luc Hallade, en noir au centre

L’Agence Française de Développement (AFD) a réuni 23 personnes de profils différents pour réfléchir sur «un futur souhaitable» à l’horizon de 2040 pour la région du Sahel. Dénommé «Programme prospective Sahélien.ne.s», ce projet, selon les responsables de l’AFD, sonne comme une révolution à mettre en œuvre pour trouver des solutions aux préoccupations des populations du Sahel confrontées durement actuellement à une situation socio-économique peu reluisante doublée d’une situation sécuritaire difficile. Face à la presse le jeudi 24 juin 2021, à la résidence de l’Ambassade de France au Burkina Faso, les porteurs et participants de ce projet, ont donné des éléments d’informations sur l’idée qui attend d’être traduite sur le terrain pour transformer de façon positive la vie des sahéliens d’ici 2040.

Le projet prospective sahélien 2040 a été pensé pour s’adapter au Sahel. Avec ce projet, l’AFD veut changer d’approche pour répondre aux attentes des populations sahéliennes. Au nombre de 23, les participants séjournent à Ouagadougou pour travailler pendant une semaine sur le projet. La situation sécuritaire ayant provoqué au moins 1 200 000 déplacés internes, par exemple, l’aide actuelle qui leur est apportée répond certes à un besoin immédiat mais ça ne les sort pas de la pauvreté ou de vivre de leurs activités économiques fussent-elles modestes. C’est, entre autres, pour toutes ces réalités que l’AFD soutenue par l’ambassade de France vise une réponse des problèmes des populations sur le long terme.

Selon les propos des participants ils ont réfléchi et formalisé le programme, non sans avoir recueilli les avis des premiers concernés sur le terrain. Avant les résultats de la restitution qui viendra donner plus de précisions, on peut retenir qu’il y a cinq grands projets. Mais, naturellement les questions de développement économique et social portant sur l’éducation, la santé, la pluralité, l’identité et l’écologie ont été abordées.

Le directeur régional de l’AFD

Sur la question sécuritaire fragile, peu d’informations du programme ont filtré lors de cette conférence de presse car les participants veulent réserver la primeur aux participants à l’atelier de restitution du projet prévu même le vendredi 25 juin 2021 à Ouagadougou.

L’ambassadeur de France au Burkina Faso, Luc Hallade trouve que ce programme «est une excellente initiative». «Au Burkina Faso, actuellement l’actualité n’arrête pas de nous envoyer des signaux négatifs. Et c’est peut-être justement à ces moments-là qu’il faut arriver à prendre un peu de recul, sortir du cadre, imaginer des futurs possibles, des futurs souhaitables, mais en même temps les imaginer de façon concrète, c’est-à-dire voilà ce à quoi on voudrait arriver», a enchaîné M. Hallade.

La représentante des participants, Ndeye Gueye

Pour lui, la France ou les partenaires internationaux peuvent apporter des financements mais ils n’apportent pas de solutions car elles doivent venir des pays eux-mêmes ou des populations. « On a trop tendance, tous les partenaires que nous sommes, à travailler uniquement avec les Etats. Mais il faut qu’on travaille beaucoup plus, et c’est ce que nous sommes en train de faire, avec les sociétés civiles au sens large », a-t-il soutenu.

«On s’est longtemps plantés. Ca fait 60 ans de l’indépendance qu’on fait l’aide publique au développement, et donc globalement si on avait réussi ça se saurait et ça se verrait. Alors cela veut dire que quelque part on s’est trompés. Il faut avoir l’humilité de le reconnaître et se dire que votre réflexion collective (le projet), c’est justement quelque chose qui nous secoue un peu et qui nous remet en question», a déclaré le diplomate français.

Le parrain du Programme sahélien 2040 , Felwine Sarr dans une projection du projet devant un public

Maintenant, «il faut justement davantage écouter les bénéficiaires finaux de nos actions et de nos financements qui ont d’ailleurs des choses à dire et à proposer» pour des programmes devant répondre à leurs préoccupations, a-t-il martelé.

«L’AFD nous a réunis pour travailler sur un programme au futur souhaitable dans le Sahel avec l’idée de demander aux sahéliens et sahéliennes, de secteurs d’activités différents, préoccupés par le changement social, de travailler à construire une vision d’un futur souhaitable à l’horizon 2040 », a affirmé, Felwine Sarr, parrain du programme sahélien 2040.

«A titre individuel, je suis heureux de faire partie de cette aventure parce que ce sont des questions qui m’intéressent depuis plusieurs années », a affirmé l’enseignant-chercheur sénégalais qui souligne qu’avec ce projet, le Sahel veut sortir du court terme. « Si en 2000 nous avions pensé 2020, probablement on aurait des réponses, des pistes de solutions pour des défis qui se posent à nous», a expliqué M. Sarr, pour qui, «l’idée avec sahéliens 2040, c’est de dire que la prospective est à cet horizon-là mais les projets vont démarrer d’ici là et y mettront ce temps à transformer les sociétés».

Le public assistant à la projection d’un film sur le programme

Sur la problématique de la sécurité, M. Sarr dira que «les problèmes résultent de plusieurs types de variables et que la question sécuritaire est une question qui est imbriquée. La solution de l’état du Sahel n’est pas que sécuritaire», a-t-il rétorqué, voulant donc qu’on apporte la réponse aux doléances des populations dans plusieurs domaines.

Le directeur régional de l’ADF, Philippe Chedanne, a signifié que «nous sommes aujourd’hui sur un programme et une stratégie régionale au Sahel qui évidemment embarquent nos métiers habituels dans le financement du développement et des infrastructures». «Sauf qu’au Sahel faire ce métier de façon classique, ça ne sert pas à grand-chose compte tenu de la situation que nous connaissons tous au Sahel», a reconnu M. Chedanne.

Ce programme force l’AFD «à sortir de (ses) cadres habituels, d’un certain dirigisme», a dit Philippe Chedanne qui a déclaré que cette idée est «très originale» car elle innove dans la façon de procéder pour trouver des solutions aux problèmes des populations.

«Nous sommes une diversité d’acteurs qui viennent de plusieurs milieux et qui travaillent dans différents secteurs», a laissé entendre la représentante des participants, Ndeye Gueye qui a ajouté que «nous avons apprécié le fait qu’on nous a laissés nous exprimer sans filtre».

Elle a indiqué que « tout le travail qui a été fait ces derniers mois, ce sont des sahéliens qui ont dit leurs attentes sans filtre ». « Se retrouver pour penser un avenir positif est quelque chose que les sahéliens en soit sont demandeurs. Plus on leur donne l’opportunité de s’exprimer, plus vous verrez qu’il y a au sein de nous des gens capables d’apporter des solutions concrètes et de se projeter sur un avenir positif pour le Sahel durable de demain », a-t-elle appuyé.

Le participant Zakaria Tiemtoré, a rassuré que lui et ses 22 autres camarades, n’ont pas fait que rencontrer les déplacés internes. Ils ont « discuté, échangé, réfléchi avec eux, à déjà répondre à l’urgence du moment mais penser plus loin pour regarder comment éviter les problèmes à l’avenir ».

Après la restitution, le groupe de réflexion compte travailler à vulgariser les résultats de son travail pour une mise en œuvre réussie du programme. Le groupe compte prendre un mois pour travailler sur la problématique de la vulgarisation.

Les participants sont originaires essentiellement du Burkina Faso, Mali, Tchad, Niger, Mauritanie et Sénégal, de milieux ruraux comme urbains et issus de secteurs divers en responsabilité au sein d’administrations de collectivités locales, d’entreprises ou d’associations, artistes, etc.

Pendant huit mois, de novembre 2020 à juin 2021, les 23 participants sélectionnés ont vécu une aventure collective et prospective en présentiel et via des outils digitaux.

Par Bernard BOUGOUM