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Sanctions de la CEDEAO contre le Mali: «les raisons inavouées des sanctions illégales et illégitimes»

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Le président malien Assimi Goïta (béret vert) et son Premier ministre Choguel Maïga (bonnet blanc)

«Les sanctions tout aussi abusives que sévères prises contre le Mali laissent entrevoir à tous égards des desseins inavoués de la part des chefs d’Etat de la CEDEAO. En prenant ce type de sanctions, nul besoin d’être dans le secret des dieux pour savoir qu’il s’agit plus pour le syndicat des chefs d’Etat de dissuader tout projet de putsch afin de protéger certains des leurs qui en sont éminemment menacés», décryptent dans cette tribune quatre étudiants burkinabè en année de Licence en Communication et journalisme à l’Institut panafricain d’étude et de recherche sur les médias, l’information et la communication (IPERMIC). Ils jugent «illégales et illégitimes» les sanctions de la CEDEAO contre le Mali et appellent à un sursaut d’orgueil des peuples africains pour soutenir ce pays ouest africain dans cette situation.

Sanctions de la CEDEAO contre le Mali : « Le pire n’est pas la méchanceté des gens mauvais mais le silence des gens bien », Norbert Zongo

A l’issue du sommet extraordinaire de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) tenu à Accra, au Ghana le 9 janvier 2022 sur la situation politique au Mali, les chefs d’Etat de l’organisation ouest-africaine ont pris plusieurs sanctions à l’encontre de l’Etat malien. Le chronogramme des élections soumis à la CEDEAO par les autorités de la transition maliennes fixe l’organisation des élections fin décembre 2025, soit dans environ quatre ans. Cela n’a pas rencontré l’assentiment des dirigeants ouest-africains qui exigent l’organisation rapide d’une élection présidentielle. Parmi les sanctions prises donc à l’issue du sommet, on note le gel des avoirs du Mali à la BCEAO, la fermeture des frontières terrestres et aériennes des Etats membres de la CEDEAO avec le Mali (excepté le transport des produits médicaux et de première nécessité), le rappel des ambassadeurs des Etats membres de la CEDEAO du Mali et la menace d’un éventuel déploiement de la force de la CEDEAO contre Bamako. Ils entendent ainsi voir les autorités de la transition organiser rapidement des élections. Rappelons pourtant que les participants aux assises nationales initiées par le gouvernement malien ont proposé une prorogation de la transition de six mois à cinq ans.

Les signataires de la présente tribune que sont  Ibrahim BILLA, Judichaël KAMBIRE,  Moustapha SONDE et Rachid SOW, tous étudiants burkinabè en Communication et journalisme, entendent dénoncer et condamner fermement ces sanctions injustes et appeler à la mobilisation générale des peuples ouest-africains et africains afin de protester contre ces sanctions et soutenir l’Etat et le peuple maliens.

Relevons, dans la foulée, quelques paradoxes dans l’attitude de la CEDEAO. En effet, de sa création à nos jours, plusieurs fois, certains peuples de l’espace CEDEAO ont attendu la réaction de cette organisation sur des situations nécessitant son intervention, mais ils n’ont obtenu que l’omerta. A titre illustratif, faisons tout simplement un petit bond dans le passé très récent des pays de cette organisation. Ainsi réaliserons-nous à quel point la CEDEAO s’est, à plusieurs reprises montrée silencieuse, voire inexistante face à la souffrance de certains peuples qui en sont pourtant membres. Commençons d’ailleurs par ce même pays qu’est le Mali.

En  2012, le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) soutenu par Ansar Dine faisait ses lois au nord Mali. Cette situation, la CEDEAO ne s’en était pas tant préoccupée. Aujourd’hui, la CEDEAO menace  d’intervenir militairement au Mali afin d’obliger les autorités de la transition à organiser des élections. Mais où étaient ces militaires de la CEDEAO en 2012 ? Lorsqu’en janvier 2012 le Mali faisait face à ses premières attaques terroristes, cette institution semblait inexistante.

Malgré les attaques qui faisaient bien des victimes dans les rangs des forces armées ainsi qu’au niveau des populations civiles, dame CEDEAO était indifférente, ou du moins la situation ne lui semblait pas si préoccupante au point de mobiliser une armée. Non ! Mais subitement, la situation deviendra très grave quand un coup d’Etat renverse en mars 2012 le président Amadou Toumani Touré (ATT). C’est triste que la CEDEAO soit là à n’intervenir que lorsqu’il y a putsch contre un chef d’Etat. Au lieu de vouloir intervenir militairement aujourd’hui pour obliger les autorités de la transition à organiser des élections au plus vite, cette CEDEAO aurait dû faire preuve de mobilisation exceptionnelle pour aider le pays à lutter contre les terroristes.

Les étudiants signataires de cette tribune (de la gauche vers la droite, Judichaël Kambiré, Ibrahim Billa, Rachid Sow, Moustapha Sondé)

Dans la situation actuelle du Mali, il est illogique de croire que la démocratie et les intérêts du peuple malien seraient plus affectés par la prolongation de la transition que par les multiples attaques qui endeuillent le pays. D’ailleurs, pourquoi jusqu’à l’heure, la CEDEAO n’a pas menacé les terroristes de déployer une armée à leur encontre afin de faire cesser leurs activités criminelles au Mali ? Pourquoi l’armée de la CEDEAO reste-t-elle muette face à la souffrance des peuples ? Cette armée n’existe peut-être que pour imposer des calendriers électoraux et non défendre les populations ?

En plus du Mali, les populations des parties Nord et Nord-Est du Nigeria qui est également membre de la CEDEAO, sont victimes depuis 2009 jusqu’à ce jour, de massacres du groupe terroriste Boko Haram occasionnant des milliers de morts et de déplacés. « Plus de 36.000 personnes ont été tuées dans des violences depuis le début de l’insurrection de Boko Haram en 2009 dans le nord-est du Nigeria, où plus de deux millions de personnes ne peuvent toujours pas regagner leur foyer », Le Figaro/AFP, 1er novembre 2020.  Cette triste réalité est aussi vécue malheureusement au Niger et au Burkina Faso, également tous membres de la CEDEAO.

Le peuple burkinabè subit en effet depuis 2016, la folie meurtrière des attaques terroristes. Et depuis, les victimes s’enchaînent et plusieurs zones du  pays sont sous le contrôle des terroristes. En six ans, ces attaques terroristes ont fait plus de 1000 morts et près d’un million et demi d’habitants de ce pays ont dû abandonner leurs villages, régulièrement attaqués par les groupes armés. Des déplacés internes dont le nombre menace désormais la stabilité du pays. Et comme d’habitude, l’on ne voit pas la CEDEAO manifester une véritable solidarité à l’endroit des Burkinabè à travers des actions concrètes dont le déploiement de la fameuse force. Mais comment comprendre que la CEDEAO ne soit pas plutôt plus préoccupée par ces situations ? Alors que c’est bien dans ces circonstances que le déploiement de cette force convient mieux.

Au-delà de ces questions de terrorisme, s’ajoutent les questions de mal gouvernance et de corruption dans bien des pays membres de la CEDEAO. Sur ces sujets, l’on n’aperçoit pas non plus la CEDEAO se mobiliser pour interpeller les gouvernants comme le prévoit son protocole d’accord sur la Démocratie et la bonne gouvernance adopté par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO le 21 décembre 2001 à Dakar au Sénégal. En effet, ce protocole a pour objectif « de renforcer les mécanismes effectifs pour prévenir, supprimer et éradiquer la corruption dans chacun des Etats parties grâce à la coopération entre eux. Il appelle à l’harmonisation de la part des Etats parties de leurs lois nationales sur la lutte contre la corruption pour permettre l’adoption de mesures préventives efficaces contre la corruption et des sanctions proportionnelles et dissuasives ». Cependant force est de constater que la corruption et la mal gouvernance vont de plus belle dans plusieurs Etats membres sous le regard impuissant de l’organisation.

Aussi, si tant il est vrai que la CEDEAO veille au respect et à l’application des lois, où était-elle lorsqu’en Guinée en 2020, Alpha Condé, au vu et au su de tous et malgré le refus des Guinéens s’engageait à une modification de la Constitution de son pays pour briguer un troisième mandat ? Cette CEDEAO était restée muette une fois de plus. Pourtant ce tripatouillage de la Constitution n’était qu’une autre forme de coup d’Etat. Des répressions violentes étaient opposées aux manifestants et cela avait occasionné plusieurs morts. Mais la CEDEAO n’a pas fait mouche pour préserver la démocratie guinéenne qui était menacée.

Et face à la même situation qu’a connue la Côte d’Ivoire et durant la même année, l’attitude de cette organisation est restée la même. Ou le simple fait que ce coup de force de Ouattara ait été fait sous le couvert d’élection rendait toute intervention impossible ? En tout cas, malgré le fait que ces mandats de Alassane Ouattara et de son acolyte Alpha Condé aient occasionné de nombreux morts, l’on n’a pas vu la CEDEAO intervenir militairement en Côte d’Ivoire ni en Guinée. Ah oui, nous l’oublions ! La CEDEAO s’était certainement abstenue de s’ingérer dans les affaires intérieures de ces pays.

Les raisons inavouées des sanctions

Les sanctions tout aussi abusives que sévères prises contre le Mali laissent entrevoir à tous égards des desseins inavoués de la part des chefs d’Etat de la CEDEAO. En prenant ce type de sanctions, nul besoin d’être dans le secret des dieux pour savoir qu’il s’agit plus pour le syndicat des chefs d’Etat de dissuader tout projet de putsch afin de protéger certains des leurs qui en sont éminemment menacés. Mais ces sanctions sont-elles la solution ? Certainement pas ! Signalons au passage qu’au moment où nous écrivions ces lignes, nous apprenions que des arrestations de militaires accusés de tentative de coup d’Etat étaient en cours au Burkina.

Aussi, au regard des tensions de ces derniers temps entre Paris et Bamako sur cette même question du respect du calendrier électoral initial et de l’ingérence de la France dans cette organisation, tout porte à croire que ces sanctions sont quelque part alimentées par la puissance colonisatrice. Mais la France peut-elle donner une leçon de démocratie au Mali lorsqu’on sait qu’à la suite de la mort du président tchadien Idriss Déby par exemple, cette même France avait approuvé et validé le coup d’Etat constitutionnel de son fils qui n’avait pas manqué de fouler au pied les lois de la République pour être aujourd’hui à la tête du Tchad.

Par ailleurs, l’on sait tous que l’autre sujet qui agace surtout la CEDEAO est la présence des soldats russes au Mali. Ainsi, derrière ces sanctions, il faut en réalité voir une menace contre la volonté des autorités maliennes de se tourner vers la Russie en faisant appel à la société Wagner dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Et pour la France, accepter cette présence russe dans son ‘’pré carré’’ qu’est le Mali, lui ferait perdre son influence dans la région. C’est aussi donc une guerre d’influence de grandes puissances qui se mène sur le sol malien. Malheureusement, la CEDEAO, censée défendre les intérêts des peuples de ses Etats membres s’est plutôt engagée aveuglement  dans la barque des occidentaux au détriment des maliennes et maliens déjà très éprouvés par la crise sécuritaire qui n’a que trop duré.

En tenant coûte que coûte à l’organisation d’élections au Mali dans des conditions sécuritaires aussi complexes, la CEDEAO et ces puissances internationales veulent-elles d’un Mali avec un gouvernement à Bamako et des groupes armés au centre et au nord du pays ? Que valent la CEDEAO et l’UEMOA si elles sacrifient les peuples qui les constituent en faveur des intérêts d’autres puissances ? La CEDEAO n’a aucune raison de mettre les populations du Mali en marge de notre communauté. Ce qui est surtout regrettable est que ce soit le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré dont le pays connait les mêmes difficultés, voire pire que le Mali qui ait accepté apposer sa signature pour confirmer ces sanctions.  Quelle absurdité !

Au regard de tout ce qui précède, l’on conviendra avec l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo lorsqu’il affirme que « la seule bonne chose de la CEDEAO, c’est sa création ».

Sanctions illégitimes et illégales

«Ensemble, bâtissons la communauté des peuples», peut-on lire sur le logotype de la CEDEAO. Face aux sanctions contre le Mali, plusieurs interrogations nous viennent à l’esprit quant au sens donné à cette devise. Que recherche véritablement cette institution ? La communauté des peuples ou poursuit-elle un agenda caché ? De quel droit et sur la base de quoi se permet-elle de sévir contre un État membre jusqu’à ce point ? Une chose est claire : les sanctions contre le Mali sont à la fois illégitimes et illégales.

De toutes les institutions/communautés, la CEDEAO est visiblement la plus inefficace, la plus incompréhensible et incohérente. Ses pères que sont les chefs d’État membres sont les moins irréprochables, les moins vertueux de tous les gouvernants actuels. En exemple, Alassane Ouattara, porté au pouvoir par une guerre sanglante, a modifié la constitution ivoirienne pour se maintenir au pouvoir. Mohamed Bazoum a sacrifié des Nigériens au passage du convoi militaire français, avec un discours arrogant, incongru et élogieux à l’intention de la France.

Face au bras de fer entre le valeureux peuple burkinabè et ce même convoi, Roch Marc Christian Kaboré que l’on pourrait appeler aujourd’hui « le président de Ouagadougou », la grande partie du Burkina Faso étant sous contrôle terroriste, était resté dans un silence assourdissant. Cette liste des incohérences est loin d’être exhaustive. Et ce sont ces mêmes présidents qui s’érigent en donneurs de leçons aux autorités maliennes. Il est évident que cette institution est plutôt un comité de défense des chefs d’État et plus loin, des intérêts de la France au lieu d’une communauté des peuples.

Le respect de la Constitution, l’un des principes élémentaires de la démocratie qu’elle dit défendre est quasiment loin d’être une réalité dans nos Etats. Tout cela se passe sous ses yeux sans la moindre réaction. Elle est de ce fait illégitime à brandir aujourd’hui des sanctions contre un État membre. Il ne revient pas à la CEDEAO de décider de ce qui est bien pour un peuple et un État souverains. Et la souveraineté d’un Etat ne se négocie pas comme l’avait compris James Monroe, 5e président des Etats-Unis d’Amérique qui par exemple, dans son discours annuel devant le congrès américain, le 2 décembre 1823 avait profité s’adresser aux Européens en déclarant : « l’Amérique aux Américains ! ».

Nous le paraphrasons, comme d’ailleurs Thomas Sankara l’avait déjà fait au sujet du Burkina Faso, en disant, « le Mali aux maliens !». Par ailleurs, Norbert Zongo indiquait «on ne libère pas un homme, un homme se libère». Et tout cela, le peuple et les autorités actuelles du Mali semblent l’avoir bien compris aujourd’hui. En conséquence, ils ont décidé de se libérer au lieu d’attendre encore une quelconque libération de qui que ce soit. Si nous convenons tous que ce qui compte pour un État, c’est la volonté de son peuple, l’actuel Gouvernement malien est irréprochable étant donné qu’il a le soutien de son peuple. Ne définit-on pas d’ailleurs la démocratie comme le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ?

Il faut souligner que ces sanctions contre le Mali ne sont pas que illégitimes. Elles sont aussi illégales. Car, du point de vue de la légalité, « la CEDEAO n’est pas habilitée à prendre des sanctions de cette ampleur à l’encontre d’un État, qu’il en soit membre ou pas », Abdoulaye Barry, journaliste et analyste politique. Et même si le Mali est un Etat membre de la CEDEAO, soulignons tout de même qu’il est aussi un État indépendant depuis 1960 comme le consacre l’article 25 de sa Constitution du 12 janvier 1992 en ces termes : «Le Mali est une République indépendante, souveraine et démocratique… ». Pourquoi alors la CEDEAO qui n’ignore pas cela s’entête-t-elle à lui imposer ce qu’il doit faire ?

Les sanctions infligées au Mali sortent des dispositions prévues dans son Traité Révisé. En effet, les sanctions les plus sévères sont notamment relatives à « la suspension de l’octroi de tout nouveau prêt ou de toute nouvelle assistance par la Communauté et la suspension de décaissement pour tous les prêts, pour tous les projets ou les programmes d’assistance communautaires en cours». Le gel des avoirs du Mali à la BCEAO et la menace d’intervention militaire contre les autorités sont tout simplement des sanctions abusives.

Au final, l’on est en droit de se dire que tout cet acharnement n’a pas pour objectif de servir l’intérêt du peuple malien, mais plutôt protéger les intérêts du père colonisateur, la France. L’aboutissement de cette lutte des Maliens pousserait les peuples des autres pays à aussi s’organiser pour lutter afin de conquérir eux aussi une véritable indépendance. Ce qui pourra coûter à ces chefs d’Etat de la CEDEAO leurs fauteuils auxquels ils s’accrochent et veulent se maintenir à vie. Vivement donc que les peuples d’Afrique occidentale et de toute l’Afrique soutiennent le Mali dans cette lutte pour la liberté et l’indépendance vraies et véritables.

Ce qui est d’autant plus dommage, c’est que contrairement au désolant constat actuel, la CEDEAO à la base a des buts et objectifs clairs d’intégration sur le plan économique. A ce titre, le point 1 de l’article 3 de son Traité Révisé dispose que : « La Communauté vise à promouvoir la coopération et l’intégration dans la perspective d’une Union économique de l’Afrique de l’Ouest en vue d’élever le niveau de vie des peuples, de maintenir et d’accroître la stabilité économique, de renforcer les relations entre les États membres et de contribuer au progrès et au développement du continent africain». Et plus loin, au point « a » de l’article 4, sont promues « l’égalité et l’interdépendance des États membres ».

Enfin, au titre des affaires politiques, le point 1 explique qu’ « en vue de la réalisation des objectifs d’intégration de la Communauté, les Etats Membres s’engagent à coopérer dans le domaine des affaires politiques notamment en prenant les mesures appropriées aux fins de l’application effective des dispositions du présent Traité.» En tout cas, le Mali n’a jusque-là pas saisi la communauté pour un quelconque conflit. Il gère la vie de son peuple dans le sens de le conduire à l’émergence, la liberté et la vraie indépendance.

Face à ces sanctions contre le Mali, ce qui est attendu des citoyens africains, individuellement et collectivement

L’erreur monumentale que feraient les Africains concernant cette situation que traverse le Mali, c’est de se taire et laisser le Mali à son seul sort. Ce pays est aujourd’hui à un tournant décisif de son histoire. Et il mérite le soutien de toute l’Afrique. « Le salut de tous les pays africains passe par la fédération ou l’union. Sinon tant qu’on reste des Etats micronisés comme c’est le cas actuellement, aucun Etat ne peut lever la tête. Nous voyons que quand un chef d’Etat essaie de lever la tête, s’il n’est pas victime d’une rébellion, il est assassiné dans un coup d’Etat. Nous avons l’exemple de notre président Thomas Sankara ». Ces propos que nous empruntons d’un auditeur de radio Burkina mettent parfaitement en exergue l’enjeu du moment : l’urgence que tous les Etats africains fassent bloc derrière l’Etat malien qui n’est qu’en réalité victime du sadisme de l’ancienne puissance colonisatrice par l’intermédiaire de nos dirigeants.

Mais il faut le noter pour de bon. Si le Mali échoue aujourd’hui dans sa volonté affichée de s’émanciper, c’est toute l’Afrique noire qui aura échoué pour l’éternité.  Malheureusement, les chefs d’Etats africains ne semblent pas avoir compris cela. Ou disons plutôt qu’ils manquent de courage face à l’Elysée et à la fameuse Union Européenne. Toutefois, à défaut du soutien des chefs d’Etat, le Mali doit bénéficier d’un soutien franc de tous les citoyens africains.

A cet effet, des manifestations gigantesques pacifiques doivent être organisées dans tous les pays africains. Ces manifestations doivent se tenir soit devant les ambassades du Mali dans les différents pays en guise de soutien au Mali, soit devant les représentations de la CEDEAO afin de protester contre les sanctions prises à l’encontre du Mali. La posture de neutralité, l’indifférence, le silence et l’inaction face à la situation que traverse le Mali ne seront qu’une manifestation de lâcheté. Rappelons que Norbert Zongo proclamait que « le pire n’est pas la méchanceté des gens mauvais mais le silence des gens bien ». Et justement, le journaliste n’avait pas tort de qualifier les indifférents qu’il avait encore appelés les « pourvu que », d’être de « la pure race des égoïstes myopes. », éditorial N00 du 03 janvier 1993 in L’Indépendant. Cela étant, tous les Africains, de l’intérieur comme de la diaspora, doivent tous individuellement et collectivement se sentir concernés par la situation du Mali.

Ainsi, sur le plan individuel, les journalistes, les artistes musiciens, les pasteurs, les prêtres, les imams, les responsables coutumiers, les panafricains, les intellectuels, les opérateurs économiques, bref ; les leaders d’opinion ont chacun un rôle déterminant à jouer. Au niveau collectif, des actions fortes de la part des organisations de la société civile, des partis politiques, des organisations syndicales, des médias, des fédérations religieuses, des associations scolaires et estudiantines sont plus que nécessaires. Oui il sied que les religieux se mettent également dans la danse et ouvertement. En effet, si tant est que la religion condamne l’injustice et défend la vérité, les leaders religieux et les organisations religieuses de tous les pays de la CEDEAO doivent aussi se prononcer et agir pour soutenir le Mali, condamner les sanctions prises par les chefs d’Etats et dénoncer l’attitude des puissances occidentales.

Ce n’est qu’à travers une conjugaison de forces et une synergie d’actions qu’on pourra faire entendre raison à nos chefs d’Etat qui visiblement ne défendent que leurs propres intérêts et non ceux de leurs peuples. D’ailleurs, l’histoire nous apprend que les hommes religieux ne sont pas toujours restés en marge des grands défis qui se sont posés au continent ou à leurs pays respectifs de par le passé. A titre illustratif, on pourra citer El hadj Omar Tall, cet érudit musulman de l’empire toucouleur qui a combattu contre l’invasion coloniale et le célèbre archevêque sud-africain Desmond Tutu (qui vient  de décéder), qui n’était pas resté indifférent face à l’apartheid. Les exemples sont indénombrables. Bref ! En cette circonstance, aucun soutien en faveur du Mali ne serait de trop. Il faut donc l’engagement de tous !

Si des victoires telles l’abolition de l’esclavage, la décolonisation, l’acquisition des indépendances ont été remportées, nul besoin de rappeler que ce fut grâce à des femmes et hommes qui ont accepté s’engager même au prix de leur vie. On citera à titre d’exemples, Samory Touré, Kwamé Nkrumah, Patrice Lumumba, Sylavanus Olympio, Aimé Césaire et sans oublier les braves femmes Aline Sitoé Diatta du Sénégal, Kimpa Vita du Congo, Balia Camara de la Guinée etc. Aujourd’hui encore, l’engagement des Africains pour leur salut total devrait être plus déterminant que jamais. Et les sanctions illégales, injustes, inhumaines et impopulaires prises par le syndicat des chefs d’Etat contre le peuple souverain du Mali nous en donnent l’occasion.

Face à ces sanctions sadiques contre le Mali, c’est surtout l’occasion pour ces artistes dits engagés, ces mouvements dits panafricains et ces opposants qui se disent sincères de montrer qu’ils méritent leur titre. La situation que traverse le Mali est un défi lancé à tous les dignes filles et fils de l’Afrique et de sa diaspora. D’éventuelles manifestations dans nos pays respectifs en guise de soutien au peuple malien doivent drainer du monde jamais vu dans nos capitales en termes de mobilisation.

Malgré tout, le Mali doit savoir transformer cette situation difficile qu’elle traverse en opportunité

« La dignité est un navire dont le trajet est fait de peines », chante, dans son titre R.A.P, de l’Odyssée le célèbre rappeur burkinabè Smarty. Le Mali est aujourd’hui dans le navire de la dignité, le trajet sera sans doute long et fait de peines mais il doit y arriver. Pour ce faire, le peuple malien doit rester soudé avec son Gouvernement et résolument engagé dans la dynamique entamée. Il n’est pas question de faire volte-face. Le cas échéant, l’espoir sera assassiné définitivement. Les autorités doivent surtout être prudentes et vigilantes car l’ennemi ou le traître pourrait venir de l’intérieur. Cette épreuve, les Maliens doivent savoir la transformer en opportunité. Déjà, la prompte réaction du Gouvernement à travers la voix de son porte-parole et l’adresse à la Nation du président de la Transition, le tout à l’issue du sommet d’Accra nous en donnent l’espoir.

Transformer cette situation en opportunité, c’est par exemple envisager déjà la création d’une monnaie malienne. En effet, comme le soulignent nombre d’analystes, la souveraineté nationale et l’indépendance politique ne peuvent s’obtenir si l’indépendance économique et la souveraineté monétaire ne sont pas gagnées. Conquérir donc cette souveraineté monétaire permettrait, toujours en termes de perspectives, au Mali de quitter cette communauté de chefs d’Etats appelée la CEDEAO. Aussi, le développement de partenariats et de coopération franche par l’Etat malien avec d’autres puissances extra régionales et internationales comme déjà entamée doit se poursuivre et s’intensifier.

Enfin, le soutien de tous les peuples africains au peuple frère du Mali doit être sans faille. Nous espérons cette dynamique malienne contagieuse pour tous les autres Etats africains encore sous domination impérialiste et néocolonialiste. Valeureux descendant de Soundjata Keïta et digne héritier de Modibo Keïta et de Thomas Sankara, le Colonel Assimi Goïta incarne aujourd’hui l’espoir de la véritable renaissance et indépendance africaines. Et tant qu’il continuera dans cette dynamique, nous devons savoir le soutenir et le défendre face aux puissances impérialistes avant qu’il ne soit trop tard comme ce fut le cas avec Mouammar Kadhafi en Libye en 2011.

A bas la CEDEAO des chefs d’Etats! Vive le Mali !