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Tchad: la France sauve encore le soldat Déby!

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Une fois de plus, le soldat Déby a été sauvé par la France (Ph. Ludovic Marin/AFP)

«Il faut sauver le soldat Ryan». C’est le remake de ce film qui se joue pour la deuxième fois au Tchad, avec comme réalisateur en chef, non pas le célèbre Steven Spielberg, mais le président français Emmanuel Macron. Et le soldat «à sauver» n’est autre que le chef de l’Etat tchadien, Idriss Deby Itno. Alors que son pouvoir monarchique que la France l’a, du reste, aidé en 1990, à conquérir par la force militaire est de plus en plus dénoncé par les mouvements des droits de l’homme et ses opposants qu’il a pris l’habitude de museler ou de tenir éloigner de Ndjaména, Déby peut une fois de plus compter sur les «Macrons Boys» pour le sortir du pétrin. C’est une série de frappes aériennes qui ont permis de mettre hors d’état de nuire «une colonne lourdement armée» en progression vers la capitale.

Si les autorités tchadiennes qualifient les assaillants de terroristes, l’Union des forces de la résistance (UFR), le mouvement rebelle tchadien de Timam Erdim, un neveu du chef de l’Etat, affirme que les positions bombardées sont les siennes, dénonçant une ingérence notoire de la France, qui s’immisce dans des affaires «tchado-tchadiennes». Paris ne nie pas son implication dans ces pilonnages successifs des pickups des rebelles tchadiens mais affirme que sa réaction répond à une demande des autorités tchadiennes. Certes des accords de défense entre la France et le Tchad peuvent exister et permettre ces genres d’interventions, mais ce ne sont ni plus ni moins que des réminiscences d’une France-Afrique enterrée à travers des discours pompeux dits de rupture.

Les frappes françaises de ces derniers jours ramènent simplement le continent à l’époque postcoloniale où les roitelets africains sont installés et défendus par l’ancien colon qui se sert de cabinets obscurs à la Jacques Foccart et de barbouzes et mercenaires comme le colonel Bob Denard alias Gilbert Bourgeaud. L’anachronisme est d’autant plus criard que le colonialisme a pris fin depuis bien longtemps et que les pays africains ont accédé à la souveraineté nationale, même si les indépendances sont qualifiées, pour la plupart, de factices. Mieux, c’est la même France qui a apporté la camisole de force de la démocratie, le «Discours de la Baule» étant passé par là en 1990. Mais compte tenu de ses intérêts et des contrats léonins qu’elle signe avec les dirigeants africains au détriment des peuples, c’est encore la même France qui, en toute mauvaise foi, assure une protection totale aux chefs de l’Etat qui font leur affaire.

Les droits humains et l’alternance au sommet de l’Etat qui sont les piliers de la démocratie deviennent à géométries variables, imposés ici et ignorés ailleurs. Idriss Déby Itno, maître chanteur par excellence qui sait comment faire «peur» à la France en s’ouvrant à d’autres puissances peut se targuer d’être le «président chouchou» de la France, alors qu’il est vomi par un peuple qu’il dirige de main de fer, alignant quinquennats sur quinquennats, depuis 1996, dans des élections qu’il organise selon ses propres règles, après avoir chassé Hissène Habré par la force le 2 décembre 1990 avec l’appui de la France. Qui plus est, floqué désormais d’allié sûr de la France dans la lutte contre le terrorisme, Idriss Déby Itno est devenu très «ami-ami» avec Emmanuel Macron, et ses prédécesseurs d’ailleurs.

Et il fallait bien renvoyer l’ascenseur à Déby dont les soldats paient un lourd tribut dans les troupes engagées contre le djihadisme ou de maintien de paix, le dernier exemple étant la mort, le 20 janvier 2019 de 10 casques bleus tchadiens, tués au Mali dans une attaque contre la Minusma (Mission des Nations unies au Mali). En tout cas, sa casquette de «guerrier du désert» contre les djihadistes et Boko Haram ne sauraient justifier les sauvetages réguliers par la France, du soldat Déby, après celui de mai 2005, si ce dernier doit parallèlement créer l’enfer pour ses compatriotes. Pour moins que ça, d’autres présidents africains ont «dégagé». Et ça s’appelle du «deux poids, deux mesures», politique contraire au discours de la rupture et à la devise «liberté, égalité, fraternité».

Par Wakat Séra