Accueil Editorial Togo: on prend les mêmes et… retour à la rue

Togo: on prend les mêmes et… retour à la rue

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La rue reprend le pouvoir au Togo (Ph. Reuters)

Bien malin qui pourra prédire l’avenir du Togo empêtré dans une crise sans précédent qui prend surtout des allures d’une voie sans issue, depuis août 2017 avec des manifestations et contre-manifestations de partisans du pouvoir et de l’opposition. Le dialogue politique engagé le 19 février dernier sous la facilitation du voisin Nana Akufo-Addo s’est mué en dialogue de sourds, le retour ou non à la constitution de 1992 constituant un mur contre lequel viennent se bloquer toutes les initiatives de rapprochement des deux protagonistes. Cette muraille infranchissable a pris encore quelques mètres de hauteur avec les dernières évolutions d’une situation socio-politique qui de préoccupante devient inquiétante. Les «harcèlements,  intimidations,  menaces, enlèvements,  arrestations et détentions arbitraires», dont l’interpellation récente de Assiba   Johnson, président  du Regroupement des jeunes africains pour la démocratie et développement (REJADD-Togo), dénoncés par les 14 partis de la coalition sont comme l’étincelle qui pourrait raviver le brasier recouvert juste d’une fine couche de cendre. Pire, le musellement de la presse et les interdictions de marche, sports favoris du pouvoir qui ont refait surface ne sont pas de nature à calmer le jeu du chat et de la souris auquel se livraient pro-pouvoir et pro-opposition.

En tout cas, tout semble bloqué devant la mauvaise foi dont s’accusent mutuellement les deux parties en conflit. Persuadés que le seul objectif de ceux d’en face est de les faire partir des affaires avant la fin de leur mandat, Faure Gnassingbé et les siens imaginent tous les stratagèmes, même les plus radicaux, pour garder le gouvernail en main. Certes le pouvoir a la légalité avec lui, mais jouit-il encore de toute la légitimité qui peut lui permettre de vaincre les arguments jusqu’auboutistes de ses détracteurs? Rien n’est moins sûr,  d’autant plus que les dirigeants togolais n’ont pas toujours fait preuve de bonne foi, dans les mille et un dialogues politiques qui ont couronné de précédentes crises qui ont jalonnées la vie socio-politique de ce pays gouverné depuis 51 ans maintenant par la famille Gnassingbé. Ainsi, chat échaudé craignant l’eau froide, l’opposition, malgré la bonne volonté du médiateur ghanéen d’accorder les violons des frères ennemis, ne croit plus en rien, venant du pouvoir. Elle brandit d’ailleurs, à raison, les derniers durcissements de ton d’un pouvoir qui compte profiter du répit du dialogue pour reprendre du poil de la bête. Une chose est certaine, la coalition des 14 partis politiques, comme dans tout dialogue, fera monter davantage les enchères pour arriver à ses fins. Pour preuve, elle entend braver les interdictions et menaces du pouvoir, pour redescendre dans la rue, les 11, 12 et 14 avril.

Tout est visiblement à refaire, car le Togo est en train de retourner à la case départ, s’il n’y est pas déjà. Les démons de la division ont repris de l’ascendance sur les anges annonciateurs de paix. Il urge donc, pour libérer le peuple de la folie des politiciens, trouver les voies et moyens pour faire baisser à nouveau la tension et ramener tout ce beau monde sous l’arbre à palabres. Nana Akoufo-Addo a du pain sur la planche.

Par Wakat Séra