Accueil A la une Violence contre les Noirs en Tunisie: des Burkinabè rapatriés racontent leur calvaire

Violence contre les Noirs en Tunisie: des Burkinabè rapatriés racontent leur calvaire

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Agression physique, séquestration, maltraitance, travail mal payé, etc., c’est l’essentiel de ce que les Burkinabè rapatriés de la Tunisie, dans le cadre de la violence exercée contre les Noirs, ont raconté au micro de Wakat Séra ce mercredi 15 mars 2023, à l’aéroport international de Ouagadougou.  

Des Burkinabè rapatriés ayant foulé le sol de leur patrie ce mercredi 15 mars 2023 racontent le calvaire qu’ils ont subi en Tunisie, au micro de Wakat Séra. La voix toujours nouée de douleur, des rapatriés se sont prêtés à nos questions pour en savoir sur leur vécu en Tunisie avant les récents évènement qui occupe l’actualité internationale.

Comme un exutoire, nos interlocuteurs, sans langue de bois, se sont vidés. Des agressions en passant par les emprisonnements sans raison, selon eux, les Noirs notamment de l’Afrique de l’Ouest, ne sont pas du tous les bienvenue en Tunisie, après que son président les a accusés d’occuper illégalement la place des Tunisiens qui manquent d’emplois.

Abdoul Rachid Bancé, rapatrié burkinabè de Tunisie

« Les travaux délégués au Noirs sont ceux des champs et des aides-maçons, … »

Agé de 29 ans, Abdoul Rachid Bancé qui a fait six mois en Tunisie, rend grâce à Dieu d’être sain et sauf contrairement à certains qui ont trouvé la mort. Selon cet aide maçon de profession, « les travaux délégués au Noirs sont ceux des champs et des aides-maçons », entre autres. « Les Noirs ont vraiment été maltraités. Moi-même, le patron avec qui je travaillais ne m’a pas payé mes droits après trois semaines de travail. Par jour, j’avais droit à 30 dinars (1 dinar = près de 100 FCFA) », raconte-t-il sa mésaventure.

A en croire Abdoul Rachid Bancé, pour qui, la majorité des rapatriés sont rentrés sans un sous, « un Noir ne peut pas travailler avec un arabe et avoir exactement la somme » qui lui revient de droit. « Soit, il te donne la moitié, soit tu perds tout. Donc c’est comme un jeu de hasard dans les pays arabes quand on travaille », lance-t-il, notant qu’« avec le discours du président tunisien, cette situation s’est empirée avec le racisme qui était latent ».

Etudiante en Réseau et Sécurité informatique, Rasmata Bikienga

« Quand j’ai compris que ça allait être difficile, je me suis approvisionnée et je suis restée à la maison »

Etudiante en Réseau et Sécurité informatique, Rasmata Bikienga, fait partie du périple des rapatriés burkinabè. Mais, contrairement à ses compatriotes surtout illettrés, elle a eu plus de chance. « Depuis quelques temps on vit une situation qui n’est pas en notre faveur », fait-elle remarquer.

« C’est pour cette raison qu’on a décidé de rentrer. Il y avait certaines formations qu’on avait déjà programmées mais vu qu’on a fait deux semaines à la maison sans sortir, on n’avait pas à manger, d’autres aussi étaient emprisonnés, nous remercions les autorités mais demandons qu’elles voient ces cas en Tunisie », relate-t-elle, condamnant l’agression de certains de amis. « Quand j’ai compris que ça allait être difficile, je me suis approvisionnée et je suis restée à la maison », a dit Rasmata Bikienga qui est en Tunisie depuis trois ans.

Rapatrié Daouda Kabré

« Quand nous avons appris le discours du président tunisien, nous nous sommes enfermés »

« Toute la grâce et la gloire est à Allah », s’est exclamé le rapatrié Daouda Kabré, exhibant son certificat de rapatriement. « Quand nous avons appris le discours du président tunisien, nous nous sommes enfermés dans les maisons pendant au moins deux semaines. C’est quand le président de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est venu parler qu’après les deux et trois jours suivants, nous avions eu des autorisations pour pouvoir aller faire des courses », témoigne-t-il.

Selon l’avis de Daouda Kabré, la situation est toujours tendue jusqu’à l’heure actuelle. « On a un frère qui n’a été libéré que hier par chance sinon il n’allait pas embarquer avec nous. J’ai un de mes voisins Noirs qui est toujours en prison. La situation n’est toujours pas simple », dit-il l’air découragé.     

Kabré est formel sur la spoliation des Burkinabè et leurs frères Noirs en Tunisie. « 95% de ceux qui rentrent sont dépourvus de tout leur bien. Si on les fouille, on ne verra aucun kopeck puisque quand ils (Tunisiens) t’agressent, ils prennent ton argent. Vu le contexte de violences généralisées contre nous, des patrons véreux on bloqué l’argent. Quand tu veux demander ton dû, il te demande une carte de séjour tout en sachant que tu ne l’as pas », s’est-il plaint.

Madjid Sangné, tapissier

« On m’a accusé que je suis passé par la voie terrestre et on m’a jugé et enfermé »

Après un an et six mois de vie en Tunisie, Madjid Sangné, tapissier, a subi la furie de certains éléments des forces de l’ordre. Enlevé manu militari puis emprisonné sans autre forme de procès, ce jeune de 24 ans remercié les autorités burkinabè pour leur « écoute ». A Tunis où il était, un jour, des hommes habillés en tenue et en civil, sont venus l’embarquer sans motif valable chez lui à domicile. Ensuite, « ils ont coupé l’eau et l’électricité et nous (lui et des connaissances noirs), ont intimé l’ordre de sortir », fait-il savoir.

« On m’a accusé que je suis passé par la voie terrestre et on m’a jugé et enfermé. J’ai fait un mois et deux jours en prison. Quand je suis sorti de prison, j’ai constaté qu’ils ont coupé tout chez moi. On nous demande de sortir du pays. C’est tellement difficile. Je voulais continuer devant en Europe », rapporte-t-il.

Des propos de Sangné, la population tunisienne se charge de dire aux étrangers noirs que leur pays est un carrefour. Selon leur philosophie, « la Tunisie n’est pas un pays où tu vas venir pour vivre. Soit tu continues devant, soit tu retournes chez toi car là-bas tu n’as pas d’avenir. Au moment où on m’a libéré, j’ai mon argent avec un de mes patrons. Je l’ai appelé plusieurs fois, mais il ne m’a pas décroché », s’est offusqué le tapissier.  

Par Bernard BOUGOUM