Accueil Editorial Zimbabwe: papy fait de la résistance!

Zimbabwe: papy fait de la résistance!

0

Papy fait de la résistance est un film français Jean-Marie Poiré, sorti en 1983. Le réalisateur est loin de savoir que son œuvre est passée de la fiction à la réalité, à une dizaine de milliers de kilomètres de la France. C’est à Harare que ça se passe avec pour acteur principal, Robert Mugabe. Le scénario, des plus rocambolesques, porte la griffe de l’armée zimbabwéenne qui a décidé de mettre fin au règne presque quarantenaire d’un président presque centenaire dont l’épouse nourrit l’ambition de lui succéder après avoir mis hors-jeu tous ses anciens camarades de lutte, potentiels candidats au poste. La dernière tentative de Grace Mugabe, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, de faire place nette autour de son époux pour récupérer son pouvoir est en train d’être fatale au couple qui est aujourd’hui poussé en douceur mais avec fermeté vers la sortie. C’est le moment qu’a choisi le héros malheureux du film, le vieux Bob, pour se braquer contre l’initiative de l’armée de le mettre à la retraite, dans une révolution de palais que ses auteurs interdisent en tout cas de nommer coup d’Etat. Pensant avoir eu la peau de Emmerson Mnangagwa et certaine de son poids au sein d’une Zanu-PF, le parti au pouvoir qu’elle et sa tendre moitié avaient transformé en patrimoine familial, Grace Mugabe, celle par qui arrive la chute, ne s’attendait sans doute pas à ce retournement de situation qui remettra en selle le vice-président limogé sans autre forme de procès.

En tout cas, bien que cerné de toutes parts par l’armée et malgré la pression de ses anciens camarades de lutte qui redoutent que «leur» pouvoir tombent dans les mains de dame Mugabe, Robert Mugabe refuse catégoriquement de lâcher prise. Puisant dans sa jeunesse de combattant et d’artisan de la libération de son pays du joug britannique, et comptant sans doute sur la médiation de son voisin et ami sud-africain, Jacob Zuma et sur les condamnations de la Communauté de développement d’Afrique australe et de l’Union africaine, résolument hostile aux coups d’Etat, le vieux Bob fait de la résistance. Quelles sont encore ses chances de sortir de ce guêpier dans lequel l’a enfoncé son épouse? Etouffée jusque-là par les méthodes peu orthodoxes de musèlement, l’opposition donne en tout cas de la voix pour exiger le départ définitif de Robert Mugabe et une transition politique avec pour point d’orgue, des élections libres et ouvertes. Revenu au pays à la faveur de ce clin d’œil inespéré du destin, le rival historique du président zimbabwéen, Morgan Tsvangirai,  en fait d’ailleurs son dernier combat, lui qui était en traitement médical, souffrant officiellement d’un cancer du colon. Les prochains jours seront déterminants dans ce face-à-face décisif entre deux clans du même système, tous aux aguets pour récupérer le chapeau du chef qui flotte en l’air.

Une chose est certaine, s’il faut condamner par principe ce coup d’Etat qui est contraire aux principes démocratiques de la transmission du pouvoir selon les canaux règlementaires de la constitution, il n’en demeure pas moins que le peuple zimbabwéen a le droit de s’en saisir pour enfin mettre le pays sur les rails de la vraie démocratie dont l’un des piliers principaux est l’alternance au sommet. Pour ce faire, après avoir arbitré la fin de règne du dinosaure zimbabwéen, l’armée a le devoir de remettre le pouvoir à un régime civil, après une transition politique qui doit déboucher sur un scrutin libre et démocratique. Le prochain président doit sortir des urnes et pas des bottes de l’armée qui, à en croire le schéma actuel est sur le point de favoriser la perpétuation l’ancien système. Et ça, ce sera faire du Mugabe sans Mugabe!

Par Wakat Séra