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4 août 1984: il y a 37 ans, la Haute-Volta devenait le Burkina Faso

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Le leader de la Révolution burkinabè, le capitaine Noël Isidore Thomas Sankara

La Haute-Volta, une colonie de l’Afrique-Occidentale française établie le 1ᵉʳ mars 1919, est devenue le Burkina Faso le 4 août 1984, une année après la prise du pouvoir par le capitaine Noël Isidore Thomas Sankara et ses camarades Blaise Compaoré, Henry Zongo et Boukary Lingani en renversant Jean-Baptiste Ouédraogo qu’ils accusaient de servir «les intérêts de la domination étrangère et du néo-colonialisme».

Accusé de vouloir fomenter un coup d’Etat avec la Libye pour renverser le pouvoir du médecin-commandant Jean-Baptiste Ouédraogo, le Premier ministre d’alors, Thomas Sankara, va être arrêté le 17 juin 1983 et emprisonné.

C’est ainsi que des sous-officiers militaires, notamment le capitaine Blaise Compaoré, fera une descente musclée dans la capitale avec un commando de Pô pour libérer leur camarade Thomas Sankara et renverser du coup le pouvoir militaire de Jean-Baptiste Ouédraogo, installé aussi par un coup de force en 1982. Le bilan du coup d’Etat fait état de 13 morts et 15 blessés.

L’ex-président burkinabè Blaise Compaoré

Dans la nuit du 4 au 5 août 1983, le capitaine Thomas Sankara fera une déclaration à la radio nationale pour assumer pleinement leur action, c’est-à-dire le coup d’Etat et rassurer que le médecin-commandant Jean-Baptiste Ouédraogo est gardé en lieu sûr sain et sauf.

La Haute-Volta entre dans une nouvelle aire à tout point de vue le 2 août 1984

Une année après qu’un Conseil national révolutionnaire (CNR) a été formé pour donner une nouvelle marche à suivre au pays et à ses populations, le sergent-chef Georges Namoano annoncera de grands changements à la télévision nationale.

Georges Namoano déclare, entre autres, le changement du nom du pays, sa devise et ses armoiries. Désormais la Haute-Volta devient Burkina Faso qui signifie «La patrie des Hommes intègres». C’est un Etat démocratique et populaire. Le Faso représente la forme républicaine de l’Etat. Selon toujours le sergent-chef Namoano, les Voltaïques devraient désormais être appelés des Burkinabè.

Le sous-officier militaire annonce également un changement au niveau du drapeau national qui était le noir blanc et rouge. Il est désormais formé de deux bandes horizontales, de taille égale une rouge au-dessus et une verte au-dessous avec une étoile jaune à cinq branches au milieu. L’hymne national, la «Fière volta» taxée de colonialiste est remplacé par le «Ditanyè». Le drapeau symbolise la fierté, la passion, le déchirement ou le rassemblement, en somme une représentation de valeurs fortes qui caractérisent le pays en ce qui concerne sa vraie histoire sur son vécu, ce qu’il a subi, quelle direction il voulait prendre dorénavant.

Le président Thomas Sankara et son homologue français, François Mitterrand

Au-delà de ces changements, le capitaine Noël Isidore Thomas Sankara et ses camarades impulsent une nouvelle dynamique aux Burkinabè afin qu’ils soient désormais décomplexés avec un esprit d’innovation, de gagnant, de partage et d’ouverture, pour « oser inventer son avenir » malgré toutes les difficultés naturelles auxquelles fait face le pays enclavé de 274 200 Km2 situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest dont la majorité des Etats.

Thomas Sankara fera surtout de la lutte pour une indépendance vraie du pays qui doit se couper de toute sorte d’influences étrangères, son cheval de bataille. En bon panafricanisme convaincu que le salut des Etats éphémères de l’Afrique de l’Ouest vient de leur union, le capitaine assumera pleinement et consciemment cette vision dans des hauts sommets devant ses pairs jusqu’à son assassinat le 15 octobre 1987.

La marque du président Thomas Sankara

La politique du CNR sous le leadership du capitaine Thomas Sankara prend en compte tous les segments de la vie de la nation à savoir les domaines de la culture, la santé, l’éducation, l’environnement, le social, l’économie, le sport, le genre, le logement, la diplomatie, l’eau, les mines, etc.

Les Burkinabè seront exhortés à la bonne gouvernance et les formes de corruption sont combattues vigoureusement. Les populations sont aussi invitées à produire ce qu’elles veulent consommer et ne consommer que ce qui est local. La culture et le sport seront encouragés dans toutes ses formes pour vivifier les idées ou valeurs du CNR. En somme la Révolution sonnait l’heure de la gloire du peuple burkinabè qui devait s’affranchir de la domination de toutes sortes, surtout celle coloniale, pour s’affirmer dans le monde et être au rendez-vous dans le concert des nations.

Près de 34 ans après son assassinat, les idées du leader de la Révolution burkinabè, Thomas Sankara sont toujours vantées par une grosse majorité de la population qui pourtant n’arrivent pas à se les appliquer. L’une des politiques mise en valeur et qui est visible est le port du Faso Dan Fani, un pagne tissé sur place au Burkina Faso. Mais, cette politique est respectée par des privilégiés car le coût du Faso Dan Fani n’est pas accessible à la masse comme l’aurait souhaité Sankara. Une deuxième idée de la Révolution d’août 83 en vogue actuellement est la lutte pour la sauvegarde de la nature.

On assiste également ça et là à des reboisements des gouvernants ou de particuliers mais malheureusement, une fois les plants mis en terre, le problème crucial de son entretien par la suite fait défaut.

Selon les adeptes de Sankara, seules des réformes politiques au niveau de la gouvernance peuvent rééduquer les Burkinabè de sorte à ce qu’ils aient les idées du guide de la Révolution du 4 août 1983 comme comportement ou acte de tous les jours et non seulement les proférer dans leur bouche. Ce qui a amené le chercheur burkinabè, Ra-Sablga Seydou Ouédraogo à dire que «Sankara partout, Sankara nulle part ».

Un dossier judiciaire toujours en attente de jugement

Quatre ans après l’amorce de la Révolution qui avait commencé à laisser des marques indélébiles de gestion dans le pays et même faire échos à l’étranger, le président Thomas Sankara et douze de ses camarades seront criblés de balles au sortir d’un Conseil des ministres le 15 octobre 1987, au Conseil de l’entente, le QG de la Révolution du CNR.

La justice de cette affaire qui a connu de fortunes diverses, 38 ans après, est toujours attendue. Le capitaine Blaise Compaoré, considéré comme le numéro 2 de la Révolution d’août 1983 est cité comme le cerveau de l’affaire.

L’ambassadeur de la France au Burkina, Luc Hallade, remettant le lot de dossiers d’archives au Burkina

Après un non-lieu prononcé sur le dossier pendant le règne du régime de Blaise Compaoré, le dossier ressortira des tiroirs à la suite de l’Insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 qui a balayé le régime de 27 ans du pouvoir Compaoré. La Transition d’alors, fortement soutenue par les admirateurs de Thomas Sankara aux plans national et international vont maintenir la pression et le dossier connaîtra un autre feuilleton plus satisfaisant pour la majorité des Burkinabè qui reconnaissent jusqu’à nos jours, les prouesses de l’homme qui en quatre ans a eu un bilan sur le plan du développement largement positif et même cité en exemple dans plusieurs pays.

Les 13 avril 2021, la justice militaire burkinabè a prononcé la mise en accusation de Blaise Compaoré et de son ancien Chef d’état-major particulier de la présidence, le général Gilbert Diendére et 12 autres personnes dans le dossier de l’assassinat de Thomas Sankara. Ces principaux présumés accusés sont poursuivis, entre autres, pour « attentat, complicité d’atteinte à la sûreté de l’État, assassinat et recel de cadavre ». L’ancien président Blaise Compaoré qui vit en exil à Abidjan depuis sa déchéance du pouvoir, est accusé précisément des «faits de complicité d’assassinat, de recel de cadavre et d’atteinte à la sûreté de l’État».

Pointé du doigt dans cette affaire comme la principale instigatrice, la France, par l’entremise de son ambassadeur, Luc Hallade, a remis le samedi 17 avril 2021, le troisième et dernier lot de dossiers d’archives, au gouvernement burkinabè concernant le dossier de l’ex-président Thomas Sankara dans le cadre de la coopération judiciaire entre la France et le Burkina Faso. Ces enveloppes, visiblement scellées, devraient apporter des informations judiciaires pour contribuer à l’avancée de ce dossier qui dure depuis 38 ans après la tuerie de Sankara et ses camarades.

Par Bernard BOUGOUM