Accueil Editorial Côte d’Ivoire : ça ne finira donc jamais ?!

Côte d’Ivoire : ça ne finira donc jamais ?!

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(Ph. rfi.net)

La Côte d’Ivoire subit la loi des séries. C’est le moins que l’on puisse affirmer suite à la sortie bruyante des démobilisés de l’ex-rébellion qui a amené Alassane Ouattara au pouvoir, après une guerre civile et une crise post-électorale d’une rare violence. Quatre morts et une vingtaine de blessés et des habitants de Bouaké lassées de se terrer à chaque mauvaise humeur d’anciens rebelles véreux. C’est le triste bilan du mouvement de mécontentement des démobilisés, ce mardi à Bouaké. Ils ont simplement voulu marcher dans les sillons creusés par leurs anciens camarades de maquis qui eux ont eu la chance de changer leur statut de hors-la-loi pour les rangs de l’armée républicaine. Après la victoire, les promesses faites par le nouvel homme fort d’Abidjan étant devenues comme obsolètes, les ex-rebelles ont repris les armes, juste pour exiger leur dû. Incorporés en masse dans les effectifs de l’armée régulière ivoirienne, plus de 8 400 de ces anciens rebelles se sont, en effet, bruyamment rappelé au bon souvenir du chef de l’Etat ivoirien, à coup de rafales de kalachnikovs et de roquettes. Ces mutineries qui avaient pour épicentre Bouaké, la deuxième ville du pays ont mis la Côte d’Ivoire sous coupe réglée, provoquant des morts et des blessés et une panique généralisée au sein de populations dans l’esprit desquelles sont encore vivaces les dégâts des périodes de conflits violents.

Pour calmer le jeu et surtout sauver la Côte d’Ivoire d’un autre épisode sanglant, Alassane Ouattara a cédé à la première, puis à la deuxième pression des mutins, en moins de cinq mois. Et alors qu’il croyait avoir fini avec les anciens démons de la rébellion, ce sont les démobilisés qui avaient perçu moins d’un million de francs CFA chacun et d’une formation à un métier, qui ont essayé de se faire entendre. Persuadés que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, et qu’ils pouvaient obtenir, sans coup férir, les 17 millions de francs CFA pour chacun et l’incorporation des plus jeunes dans l’armée qu’ils réclamaient, les manifestants ont également pris en otage le quotidien de leurs concitoyens. Mais mal leur en a pris. Ils n’ont pas la même puissance de feu que les mutins de janvier et mai 2017. Ils ont même affirmé n’être pas sortis avec des armes. Ils ont été assez rapidement et sans ménagements, contraints par les forces de l’ordre, d’abandonner leurs rêves en millions de francs CFA. Ces ex-combattants n’ont pas cru aux promesses de projets de réinsertion que le gouvernement aurait pour eux. Ils veulent du cash comme leurs anciens camarades de lutte, dont le seul mérite a été la chance de devenir des militaires de l’armée régulière. A n’en point douter, ils n’ont pas dit leur dernier mot et reviendront certainement à l’assaut.

La seule leçon à tirer de ces éruptions du volcan ex-rébellion en sommeil, c’est que la sérénité a abandonné le navire de Alassane Ouattara qui aurait, à un certain moment mis sa démission dans la balance. Si cette solution envisagée par le président ivoirien n’aurait été rien d’autre qu’une capitulation, elle aura eu le mérite de lui éviter une fin de mandat que lui-même a pourrie en ne respectant pas ses engagements. Pourtant, l’économiste et ancien gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest a remis l’éléphant d’Afrique sur ses quatre pattes. Il compte même en faire un pays émergent dans un futur proche. Mais il sera très vite rattrapé par le péché originel des armes qui lui ont ouvert les chemins du palais présidentiel. Alassane Ouattara, à ce rythme bouclera-t-il son deuxième mandat que certains analystes avaient déjà qualifié de trop à l’époque ? Une chose est certaine, les jours à venir ne seront pas pour lui une sinécure, car la mer sociale n’est pas des plus calmes, les fonctionnaires, qu’ils soient de la santé, de l’éducation, etc., exigeant toujours de meilleures conditions de vie et de travail. Sans oublier que la réconciliation nationale a pris du plomb dans l’aile. Ironie du sort, le slogan de campagne de Alassane Ouattara était des plus prometteurs. Mais « ADO la solution » est en train de devenir « Alassane Ouattara, le problème ».

Par Wakat Séra