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Afrique de l’ouest: des enfants travaillent toujours dans les champs de cacao

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L’industrie et les gouvernements affaiblissent-ils le nouveau rapport cacao pour minimiser le travail des enfants et la pauvreté des agriculteurs ? Les documents de stratégie de la Fondation mondiale du cacao (WCF) qui ont fuité montrent que l’industrie est plus préoccupée de soigner sa communication que par l’élimination de la pauvreté des agriculteurs. Le projet initial de rapport attendu sous peu révèle que des enfants travaillent toujours dans les champs de cacao d’Afrique de l’Ouest, souvent dans des conditions dangereuses. C’est ce qui ressort de ce communiqué de presse.

Des ONG des États-Unis, d’Europe, du Royaume-Uni et d’Australie œuvrant pour une industrie du chocolat plus durable réclament un avenir meilleur pour lutter contre deux problèmes majeurs liés à l’approvisionnement en cacao d’Afrique de l’Ouest: le travail des enfants et la dévastation environnementale. Les ONG (Mighty Earth, Be Slavery Free, Green America, Freedom United et Fair World Project) remettent en question un prochain rapport potentiellement édulcoré basé sur des données pré-COVID obsolètes. Les organisations exigent des solutions urgentes pour le très grand nombre d’enfants pris dans des conditions de travail abusives et illégales dans le secteur du cacao, ainsi que contre la destruction des forêts.

Depuis près de 20 ans, la question du travail des enfants et de l’esclavage est sur le radar de l’industrie qui s’approvisionne en Afrique de l’Ouest, région qui produit environ 66% du cacao mondial. Au cours de cette période, le développement de l’industrie du cacao et la demande mondiale de chocolat ont entraîné la dévastation des forêts et l’utilisation généralisée de produits chimiques dangereux. L’industrie n’a pas fait suffisamment d’efforts pour changer efficacement la situation. Il est maintenant évident que la situation s’est aggravée à cause de la pandémie.

L’appel à l’action des ONG intervient avant la publication d’un nouveau rapport de NORC, institut de recherche à l’Université de Chicago, examinant la prévalence du travail des enfants dans le cacao au Ghana et en Côte d’Ivoire. L’ébauche de ce rapport qui a été involontairement diffusé en avril, révèle que malgré des décennies de battage médiatique et d’efforts volontaires des entreprises, le travail des enfants a grimpé et touche désormais 2 millions d’entre eux. Ce rapport NORC divulgué révèle également que le nombre d’enfants travailleurs exposés à des pesticides nocifs a augmenté.

Suite à cette divulgation involontaire, la publication du rapport final a été retardée afin que NORC retravaille la méthodologie. Cela pourrait avoir pour conséquence une sous-estimation du nombre d’enfants travailleurs dans la version finale. «Aucune modification ni aucun remaniement de la méthodologie ne peut occulter le fait que des découvertes significatives d’enfants dans des conditions dangereuses, d’exploitation ou d’esclavage dans le cacao démontrent l’échec de vingt ans de l’industrie et du gouvernement à agir efficacement contre le problème», a déclaré Todd Larsen, Co-directeur exécutif de Green America.

Quelles que soient les conclusions du rapport final, les données obtenues par NORC sont obsolètes. En effet, la collecte de données est antérieure à l’épidémie de COVID-19 qui se traduit par une augmentation estimée de 15 à 20% du travail des enfants en Côte d’Ivoire et au Ghana, sur la base de recherches provenant de sources multiples. La situation économique générale des pays producteurs de cacao s’est considérablement détériorée à mesure que l’économie mondiale s’arrêtait pendant la pandémie.

Un document de stratégie de la Fondation Mondiale pour le Cacao(Le WCFest une organisation commerciale comptant 100 entreprises membres) qui décrit les planifications de l’industrie et les points de discussion pour répondre aux conclusions du rapport a aussi fuité. Ces points de discussion divulgués révèlent comment l’industrie a été informée à l’avance des conclusions du rapport. Le document exhorte les entreprises à faire de la publicité au sujet de leurs efforts pour lutter contre le travail des enfants, mais ne pousse pas les entreprises à lutter contre la pauvreté des agriculteurs –ce qui est pourtant un facteur clé derrière le travail des enfants et la déforestation dans les pays touchés. Selon Etelle Higonnet de Mighty Earth «il semble que l’industrie du cacao s’intéresse plus aux relations publiques qu’aux vraies solutions pour les enfants, les planteurs, ou les forêts. »

Le chocolat est une industrie générant plus de 100 milliards de dollars par an. Pourtant, la plupart des producteurs de cacao vivent avec moins de 1 dollar par jour. À l’heure actuelle, il n’y a aucun engagement à l’échelle de l’industrie à payer un revenu vital aux agriculteurs. La Fondation Mondiale pour le Cacao (WCF) déclare que l’industrie a dépensé 215 millions de dollars pour lutter contre le travail des enfants sur une période de 20 ans. Carolyn Kitto de Be Slavery Free explique que : «Ce montant arrive trop peu, et trop tard pour de nombreux enfants. Il est dérisoire par rapport aux milliards de dollars de revenus du cacao pour les gouvernements, les commerçants, les transformateurs, les fabricants et les détaillants. Tant que les entreprises ne se mobiliseront pas et ne paieront pas un revenu vital pour tous les producteurs de cacao, les millions consacrés à la lutte contre le travail des enfants ne sont qu’une goutte d’eau dans la mer. »

Herrana Addisu, chargée de plaidoyer pour Freedom United, souligne que «les dures réalités actuelles du cacao, qui dépassent de loin les conclusions du rapport NORC, doivent être un appel à l’action pour que les gouvernements adoptent une norme obligatoire sur le devoir de diligence en matière de droits humains et d’examen de la valeur des engagements volontaires. Ces derniers, une fois de plus, n’ont pas réussi à réduire de manière significative le travail des enfants ni les autres abus dans les chaînes d’approvisionnement du chocolat. »

Les ONG appellent les détaillants, les entreprises de chocolat et les commerçants à :

  • Faire pression pour l’adoption de lois sur la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme dans le monde entier;
  • Augmenter les paiements aux producteurs de cacao pour atteindre un revenu vital;
  • Accroître la surveillance du travail des enfants et les programmes de remédiation pour atteindre l’objectif de 100% des communautés productrices de cacao respectueuses des droits des enfants; et
  • Réduire l’utilisation de pesticides toxiques et autres dommages environnementaux dans le cadre d’un engagement à mettre fin à la déforestation et à instaurer des pratiques agroforestières respectueuses de l’environnement.

Des solutions holistiques gagnant-gagnant pour les agriculteurs et les forêts doivent être déployées de toute urgence. «Comme la crise du COVID-19 l’a clairement montré, la santé des personnes et la santé de notre planète sont interconnectées», a déclaré Anna Canning, responsable de campagne chez Fair World Project. «Nous devons mettre fin à l’utilisation des pesticides et autres produits chimiques, avec des objectifs d’agriculture biologique et régénératrice pour l’ensemble de l’industrie, car les preuves sont désormais claires: l’industrie empoisonne les gens, en particulier les enfants, afin d’augmenter ses profits.»

Le rapport NORC est réalisé dans le cadre du protocole Harkin-Engel, un accord non contraignant entre certaines des plus grandes entreprises de chocolat et le gouvernement américain, dans lequel l’industrie s’est engagée à mettre fin au travail des enfants dans le cacao, il y a vingt ans. Ce protocole expirera dans la seconde moitié de 2021. Au cours des vingt années qui se sont écoulées depuis la mise en place du protocole Harkin-Engel, les enfants dont le travail documenté a motivé la création du protocole ont grandi et leurs enfants sont peut-être, eux-mêmes, désormais des ouvriers dans les champs de cacao. «Combien de générations d’enfants doivent manquer l’école et les opportunités de progresser, avant que l’industrie du cacao ne prenne enfin les mesures nécessaires pour mettre fin au problème?» s’interroge Charlotte Tate, directrice des campagnes syndicales pour Green America.

Par: Mighty Earth, Be Slavery Free, Green America, Freedom United et Fair World Project