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Côte d’Ivoire: l’éléphant les pieds dans l’eau!

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Après le passage des eaux en furie, c'est la désolation

L’éléphant les pieds dans l’eau! Loin d’être une fiction, l’image est celle qui illustre le mieux aujourd’hui la situation de la Côte d’Ivoire dont les populations se démènent, non pas comme des diables dans un bénitier, mais comme les prisonniers de fortes pluies qui ont provoqué des inondations dans plusieurs endroits d’Abidjan, pour ne citer que la capitale économique ivoirienne. Si l’eau n’a pas atteint les proportions gigantesques des vagues qui ont englouti le célèbre Titanic, elle n’a pas fait non moins de dégâts, engloutissant, avec un appétit vorace, surtout des voitures et autres objets. Sur son passage, presque rien ne lui a résisté!

Et c’est impuissants que des hommes et des femmes ont regardé leurs biens emportés par les eaux en furie des fortes précipitations descendues d’un ciel qui a ouvert un peut trop ses vannes. Si le bilan connu du drame d’Anyama, commune contiguë à Abobo, au nord d’Abidjan où des pluies diluviennes tombées dans la nuit du mercredi 17 au jeudi 18 juin 2020 ont provoqué des éboulements ayant fait au moins 20 morts, des blessés et des personnes portées-disparues, celui des inondations d’aujourd’hui n’est pas encore connu. La seule certitude est que c’est le remake de toutes les saisons pluvieuses en Côte d’Ivoire, notamment à Abidjan, qui est en train de se jouer.

En effet, le scénario est le même chaque année, et comme nous l’écrivions dans un article récent, justement sur les éboulements d’Anyama, en citant les bruits de maquis, à Abidjan, «le seul moment où les riches et les pauvres sont égaux, c’est en saison des pluies». Dans sa colère destructrice, l’eau, qu’un adage dit, à raison, être «la vie», mais qui peut devenir aussi la mort, n’épargne aucune stratification sociale. Riches comme pauvres subissent la foudre, au même niveau, de cet élément naturel. Le mal est connu et le temps de sa survenue bien maîtrisé. Les Ivoiriens ne peuvent donc en aucun cas être surpris par le déchaînement de la nature.

Sauf que, en plus des politiques en matière de construction des cités en Afrique qui ne sont pas toujours les bonnes et la surpopulation des villes, les conditions difficiles de vie en milieu urbain contraignent une bonne partie de la population à s’installer dans des zones hautement à risques où se côtoient insalubrité et insécurité de toutes sortes, dans une promiscuité à rendre jalouses des sardines dans une boîte. Mais, à Abidjan, ces quartiers pauvres ne sont pas les seuls exposés au risque d’inondation. Même des quartiers résidentiels, du fait de leur situation géographique, sont constamment dans l’œil du cyclone.

Pire, à l’instar des autres pays africains, comme le Burkina Faso, pour ne pas le citer, c’est souvent au vu et au su d’autorités qui manquent simplement…d’autorité! Si parfois ils arrivent à déguerpir des habitants installés dans des zones à risques, maires et ministres ferment souvent les yeux, pour ne pas irriter leurs potentiels électeurs. C’est connu, les politiciens savent bien profiter de la précarité, de l’obscurantisme et de la misère de populations dont ils peuvent facilement acheter les voix moyennant un sac de riz, une bidon d’huile et un kilo de sucre. Et quand le drame survient, larmes de crocodile aux yeux et «au nom du président de la république» ou «sur instruction et insistance du Premier ministre ou du président de l’Assemblée nationale», des «fils et fille» de la région ou du quartier sinistrés, viennent au secours des victimes, «les bras chargés de couvertures et de vivres». Et après on attend les inondations de l’année suivante.

Doublement frappée par les inondations et le Covid-19 dont la courbe des cas positifs ne cesse de grimper, la Côte d’Ivoire, doit pouvoir tirer les leçons de l’incurie de ses dirigeants et de l’incivisme de ses populations pour trouver les ressources nécessaires pour faire face à ces deux maux qui en rajoutent aux obstacles inhérents à sa marche vers l’émergence.

Par Wakat Séra