Accueil A la une Covid-19 au Burkina: un ramadan mal sucré!

Covid-19 au Burkina: un ramadan mal sucré!

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La grande mosquée de Ouagadougou, va-t-elle retrouver son monde d'antan? (Ph. cath.ch)

Depuis ce vendredi 24 avril, les fidèles musulmans ont débuté leur marche d’une trentaine de jours vers le Ramadan. Le jeûne, ce pilier important de l’Islam intervient au Burkina dans un contexte difficile d’insécurité et surtout de Covid-19. Raison pour laquelle, les autorités religieuses attendent de cette période pieuse et de partage qu’elle soit également la riposte spirituelle contre la pandémie. Mais ce ramadan sera bien inédit, à l’image du jeûne et de la fête de Pâques pour les chrétiens. Non seulement les mosquées sont fermées tout comme les églises le sont, mais couvre-feu et respect des mesures barrières obligent, les prières en communauté ne pourraient dépasser les limites de la maison. Chaque père de famille deviendra imam chez lui et si le muezzin continue d’appeler, ce n’est pas pour aller à la mosquée, mais bien pour rester chez soi et prier. Plus que jamais, l’assertion selon laquelle Dieu est partout et pas que dans les lieux de culte, est de mise. La singularité de ce mois de jeûne s’observe également, en tout cas pour l’instant, dans le don du sucre aux parents, aux collaborateurs, aux voisins, aux militants et potentiels électeurs, etc. Ce geste de partage du sucre qui n’est point une obligation du Saint Coran, avait tout de même fini par se muer dans une sorte de coutume à laquelle il était devenu difficile d’échapper.

Le confinement de fait, la mise en quarantaine de certaines villes, notamment toutes celles touchées par au moins un cas confirmé sont passés par là et se greffent sur la situation économique difficile causée par la menace terroriste et la maladie à coronavirus. Certes, le grand marché de Ouagadougou, tout comme d’autres tel celui de Fada N’Gourma à l’Est du Burkina, ont rouvert leurs portes à des commerçants qui commençaient à suffoquer du fait de leur fermeture. Mais, les mêmes commerçants, sont loin de se frotter les mains pour le moment. Avant même le Covid-19 les affaires ne marchaient du fait de la baisse du pouvoir d’achat des Burkinabè. Et comble de malheur, arriva le coronavirus et ses corollaires de restriction qui ont accentué l’état anémique de l’économie burkinabè. C’est ainsi que le sucre qui tenait la vedette dans les ventes des produits les plus prisées durant le ramadan s’écoule avec beaucoup de peine, à en croire les commerçants qui pourtant s’étaient approvisionnés justement en conséquence, en prévision du mois de jeûne. En attendant peut-être une évolution de la situation, ce ramadan aura un goût bien particulier pour les commerçants qui en tiraient un large profit, les plus véreux n’hésitant jamais à faire flamber les prix des produits de première nécessité, comme l’huile et le…sucre. C’est un ramadan qui aura tout de même le mérite de rapprocher davantage les fidèles de Allah, les ruptures pantagruéliques de jeûne devant se raréfier pour faire place à plus de sobriété et surtout de piété.

En tout cas, le Covid-19 aura fait certes des malheureux au niveau des commerçants, mais il pourra se targuer d’avoir rendu moins dispendieuses les ruptures de jeûne et sans doute de rapprocher davantage les fidèles musulmans de Dieu dans une humilité forcée mais nécessaire. On pourra toujours se rattraper après, mais c’est clair, que ce soit chez les chrétiens où chez les musulmans, le Covid-19 aura fait bouger les lignes, là où les prêtres, pasteurs et imams ont échoué dans leurs homélies et prêches, lorsqu’ils appelaient leurs ouailles à la modération. Comme quoi, «à quelque chose, malheur est bon».

Par Wakat Séra