Accueil A la une Elections au Burundi: sans Nkurunziza, mais à huis clos!

Elections au Burundi: sans Nkurunziza, mais à huis clos!

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Les Burundais ont massivement voté pour les élections générales (Ph. dw.com)

Communales, législatives et premier tour de la présidentielle. La tâche n’a pas été des plus aisées pour les électeurs burundais, appelés aux urnes ce mercredi 20 mai. Ils devront choisir en même temps leurs conseillers municipaux, leurs députés et surtout un président autre que celui qui les dirige d’une main de fer depuis 2005, et le tout sous la menace du Covid-19. Mais plus que la pandémie dont nul ne peut se targuer de connaître l’ampleur de la propagation dans un pays où la gestion de la maladie est sous contrôle «divin», c’est le vote en lui-même qui posait problème. Non pas parce que le Tout Puissant Pierre Nkurunziza, qui  a droit de vie et de mort sur ses «sujets», leur imposait une fois de plus ses dribbles de footeux à ses temps perdus,  comme c’est le cas depuis 2005, mais parce que le régime en place veut continuer à faire main basse sur les affaires. Dans une élégance qu’il aurait dû étrenner depuis 2015 et éviter ainsi de succomber aux sirènes d’un troisième mandat qui a contribué à enfoncer son pays dans la gadoue de la mal gouvernance, de la confiscation des libertés, de la chasse aux opposants, du musellement de la presse, de la violation des instruments et lois internationaux, etc., Pierre Nkurunziza ne s’est pas aligné dans la course à sa propre succession pour 2020. Mais son protégé, et candidat du parti au pouvoir, Evariste Ndayishimiye, sauf tsunami, devrait cueillir, presque sans effort, le fauteuil présidentiel.

Tout a été verrouillé pour que le changement à la tête du Burundi soit juste celui d’une personne qui vient du même sérail politique que celui qui veut partir sans…partir. Ce jour de vote au Burundi fut, en tout cas, celui du parfait contre-exemple du charmant jeu de l’alternance démocratique. C’est dans un pays où, au quotidien, se vit la découverte de cadavres de personnes accusées de fricoter avec l’opposition ou proches de rébellions, que les urnes ont été prises d’assaut par plus de cinq millions de votants, qui devront choisir entre les sept candidats en lice. Mais le match qui devait se jouer entre Evariste Ndayishimie et son principal rival, ancien chef de rébellion hutu, Agathon Rwasa, est comme plié, avant même d’avoir commencé. C’est loin de tout œil de quelconque observateur international et de tout regard critique de presse indépendante que la puissante police burundaise a verrouillé le scrutin, avec la bénédiction d’une Commission électorale nationale qui n’est indépendante que de nom car accomplissant plutôt la volonté du prince. Des réseaux sociaux coupés, des fraudes massives selon l’opposition dont les représentants ont été soit arrêtés, soit molestés et chassés des bureaux de vote, ce sont autant d’incidents graves qui ont émaillé ces élections. Ce n’est pas tout, toujours selon l’opposition qui dénonce également, des bourrages d’urnes, des votes multiples et une utilisation abusive des procurations. Comme quoi, rien ne pourra arrêter le pouvoir de Bujumbura qui vient de faire la preuve que, n’en déplaise à certains, «la démocratie est un luxe pour l’Afrique». Fort heureusement, l’alternance pacifique et le processus démocratique dans son ensemble, connaissent un sort meilleur ailleurs sous les tropiques.

Le Burundi de Pierre Nkurunziza…sans Pierre Nkurunziza s’ouvrira-t-il à une ère nouvelle pour des populations qui désirent humer les agréables senteurs de la liberté et du respect des droits de l’homme que connaissent d’autres peuples dans d’autres pays africains? Ou alors, comme l’augurent malheureusement les travers de ce jour de vote, le Burundi fera-t-il dans la continuité, dans les exactions au quotidien contre un peuple qui pourtant, voudrait bien tourner définitivement la page Nkurunziza, et penser maintenant à prendre le train du développement qui a laissé le pays à quai? Aux nouveaux dirigeants de s’affirmer aux côtés du peuple et non contre lui. En tout cas, les Burundais, qui, certes, ne veulent plus vivre les affres de la guerre civile, devront, un jour ou l’autre, prendre leur destin en main.

Par Wakat Séra