Accueil A la une Frederik De Klerk, de démon de l’apartheid au Nobel de la paix

Frederik De Klerk, de démon de l’apartheid au Nobel de la paix

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Frederik de Klerk

Comme la fin de l’apartheid dont il a été un des acteurs clés, Frederik Willem De klerk vient, lui aussi de disparaître, laissant derrière lui, un système dont les plaies demeureront encore longtemps béantes, dans une nation arc-en-ciel au quotidien toujours de misère pour de nombreux noirs. Homme de poigne, à en croire son entourage, le dernier président blanc de l’Afrique du Sud aura été déroutant jusqu’à sa mort, ce 11 novembre. A l’instar du remuant footballeur Benedict «Benni» McCarthy, son compatriote de peau noire, qui a donné le tournis à bien des défenses et a écrit de belles pages de l’histoire des Bafana Bafana en tant que meilleur buteur de la sélection nationale, De Klerk a dribblé les gardiens les plus vigilants de cette politique de «développement séparé» qui a tué tant de Noirs en Afrique du Sud, les maintenant, pendant près de 45 ans, dans une pauvreté endémique.

Le Parti National qui a introduit, et officialisé en 1948, en Afrique du Sud, ce système inhumain et odieux, sur la base de la couleur de la peau, pensait tenir, en la personne du successeur de Pieter Botha, en février 1989, un défenseur acharné de ses valeurs négationnistes qui lui a permis d’asseoir une domination socio-politico-économique sur la majorité noire de populations qui végétaient dans l’indigence totale, parquées comme des animaux, dans des ghettos d’où  elles ne sortaient que pour manifester et se faire massacrer.

Mais, prenant presque magistralement le contre-pied, sous la pression de plus en plus forte de la communauté internationale, pression faite de sanctions et de boycotts, et les manifestations, de jour comme de nuit, dans les townships en ébullition permanente, le futur co-prix Nobel de la paix en 1993, avec le héros de la lutte anti ségrégation raciale, son ancien prisonnier Nelson Mandela, dont lui et les siens furent les geôliers pendant des décennies, mit fin à l’interdiction de l’African National Congress, le mythique ANC, le 2 février 1990. Frederik De Klerk ouvre ainsi, l’ère des négociations qui conduiront à la libération, finalement, le 11 février 1990, de l’illustre bagnard de Robben Island. Le dernier président blanc et le premier président noir de l’Afrique du Sud engagent ainsi, sur la voie de la démocratie multiraciale, un pays qui n’est pas passé loin de l’explosion. Passé de la prison à la présidence en 1994, Nelson Mandela a incarné, seul, le renouveau et l’espoir de l’Afrique du Sud, jusqu’à sa mort le 5 décembre 2013.

Dans le même temps, marqué au fer du péché originel de l’apartheid pour lequel il ne présentera ses excuses que dans une vidéo posthume, Frederik de Klerk est resté jusqu’à sa disparition, ce jeudi, et sans doute pour l’éternité, l’incarnation du monstre hideux de l’apartheid. Deux destins si proches et si distincts de deux grands hommes. Si la mort de Nelson Mandela a été pleurée non seulement en Afrique du Sud, mais aussi dans le monde entier où sa stature de héros reste entière, avec son décès Frederik de Klerk, ne sera évoqué que dans les lignes sombres de l’histoire. Les autorités, des leaders politiques et de nombreux Sud-Africains ont, du reste, exprimé peu ou prou de regret. Le truculent député sud-africain, ancien président de la jeunesse de l’ANC, Julius Sello Malema, a même «remercié Dieu d’avoir repris cette âme».

Frederik de Klerk, malgré ses efforts pour ouvrir la voie de démocratie multiraciale à l’Afrique du Sud, n’a jamais reconnu ce système ségrégationniste comme un crime contre l’humanité. Ainsi, son absolution dans la mémoire collective de la majorité noire du pays, et même au-delà, n’est, visiblement pas pour demain. Même si en Afrique, les morts ne sont pas morts, le dernier président blanc de l’Afrique du Sud, lui, est bien mort pour ses compatriotes…noirs.

Par Wakat Séra