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Liberté de la presse : Libérez tous les Ahmed Abba du monde !

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Ahmed Abba, le correspondant de Rfi en Haoussa, injustement condamné à 10 ans de prison ferme 'Ph. conciseenews.global)

Alors qu’il n’a fait que son job avec professionnalisme et rigueur, le correspondant en Haoussa de Rfi à Maroua au Cameroun, Ahmed Abba paie le prix fort de l’entêtement des prédateurs de la liberté de la presse. Condamné à 10 ans de prison après près de deux ans d’incarcération arbitraire, de détention secrète et de tortures, le journaliste camerounais, énième souffre-douleur des bourreaux de la démocratie, croupit dans les geôles de ses tortionnaires, suite à un procès, véritable parodie de justice. Le dossier d’accusation pourtant vide de preuve, comme l’ont dénoncé les avocats du prisonnier et les organisations de défense des droits de l’homme. Malheureusement, ils sont encore nombreux, les Ahmed Abba, dans ce monde encore infesté de ces individus d’un autre âge, allergiques à toute liberté de parole. Que ce soit de la Corée du nord, bonnet d’âne du classement 2017 de Reporters sans frontières (RSF) au Cameroun, 130è sur 180, en passant par la Tunisie, 97è, le chapelet des pays où le fossé est abyssal entre le respect des droits de la personne humaine et la cruauté des dirigeants s’égrène à satiété. En dehors de ces pays scandinaves à cheval sur l’application des droits de l’homme, des résistances à laisser épanouir la liberté de la presse, véritable baromètre de la démocratie, sont toujours observées çà et là.

Au Burkina Faso, d’importants progrès ont été accomplis, notamment depuis le sacrifice suprême du célèbre journaliste d’investigation, Norbert Zongo, assassiné le 13 décembre 1998. Toutes choses qui ont hissé, cette année, le Pays des hommes intègres à la 42è place mondiale du classement de RSF. Le Burkina peut s’enorgueillir de sa première place en Afrique francophone. Après le printemps de la presse des années 90, et nonobstant l’essoufflement de quelques titres qui ont dû tourner la page pour de bon, la floraison des organes de presse est restée constante, avec désormais une ascendance des journaux numériques. Toutefois, le marché de la publicité qui se rétrécit de jour en jour comme peau de chagrin et les dettes surtout, accumulées par l’Etat auprès des organes de presse sont, de nos jours, un véritable cancer pour la presse burkinabè. Et des titres se meurent dans l’attente de la réalisation des mille et une promesses de règlement de ces dettes et malgré une subvention de l’Etat qui devient de plus en plus insignifiante, du fait du nombre toujours croissant des journaux. Sans oublier, à l’énumération des maux qui portent l’estocade à la presse, le manque de formation des journalistes et la corruption qui gangrène toute la société dont la presse est un produit.

Plus qu’un simple rituel annuel, cette commémoration de la Journée mondiale de la liberté de la presse doit servir d’opportunité d’interpellation aux différents acteurs de la profession afin que les mauvaises pratiques soient rangées au placard, pour une réelle éclosion et enracinement des organes de presse. De même il est temps d’assainir l’environnement de la presse et de ne plus jamais baisser la garde, laissant ainsi le champ libre à ses apprentis sorciers de la politique, qui font du musellement de la presse leur sport favori.

Par Wakat Séra