Accueil A la une Procès putsch manqué: «La Transition a été à la base de toutes...

Procès putsch manqué: «La Transition a été à la base de toutes les crises ayant abouti au coup d’Etat»

0
photo d'illustration

Les plaidoiries entrant dans le cadre du procès du putsch manqué de 2015 ont pris fin ce vendredi 23 août 2019, après 18 mois de jugement impliquant 84 accusés civils et militaires dont deux généraux à savoir Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé. Le Bâtonnier sénégalais, Me Yérim Thiam, plaidant pour l’acquittement des accusés Léonce Koné, ex-deuxième vice-président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, ex-parti au pouvoir) et Me Hermann Yaméogo, président de l’Union nationale pour le développement et la démocratie (UNDD), a indiqué qu’ «à aucun moment», dans le livre de l’ex-Premier ministre sous la Transition, le général Yacouba Isaac Zida, il n’est ressorti que ses deux clients sont mêlés au coup de force avorté qui a fait 15 morts.

Après la suspension, le mardi et le mercredi dernier, à cause des malaises d’abord d’un membre du parquet et ensuite d’une avocate, le procès du putsch manqué de septembre 2015 a repris son cours ce vendredi, permettant ainsi au tribunal d’en finir avec les plaidoiries. A son passage Me Antoinette Ouédraogo qui avait eu un malaise le mercredi, a d’abord adressé ses remerciements au président et à ses confrères qui lui ont apporté leur soutien indéfectible afin qu’elle recouvre la santé. C’est en posture assise qu’elle a plaidé pour que le tribunal acquitte ses clients, Me Hermann Yaméogo et Léonce Koné.

Pour Me Antoinette Ouédraogo, les arguments du procureur ne résistent à aucune critique sérieuse puisque l’instruction a été faite avec «légèreté». Les arguments ne peuvent être vérifiés ni par la «preuve littérale», ni par la «preuve par indice» ou par la «preuve par témoignage».

Que ce soit les infractions d’attentat à la sûreté de l’Etat ou du complot commis reprochés à M. Koné et Me Yaméogo, le parquet, n’ayant pas de preuve tangible contre les deux accusés, s’est rabattu sur les «accointances», selon l’ex-Bâtonnier. «L’accointance sur laquelle on veut se baser pour condamner mes clients n’est pas un crime», a-t-elle alors déclaré, trouvant anormal que le procureur veuille se baser aussi sur les conversations téléphoniques pour condamner ses clients. «60% des messages attribués à Léonce Koné et Hermann Yaméogo s’apparentent à des messages particuliers», a dénoncé le Bâtonnier.

En clair pour Me Antoinette Ouédraogo, «il n’y a pas de fondement juridique et factuel» constitué dans le dossier de ses clients. C’est pourquoi elle espère que «malgré les pressions et les intimidations, le tribunal puisse délibérer en toute impartialité et en toute indépendance».

Pour Maître Yérim Thiam, Bâtonnier sénégalais qui a rendu un hommage particulier au tribunal, dont le président Saïdou Ouédraogo pour «sa particulière courtoisie empreinte d’une gentillesse extraordinaire», ses clients Léonce Koné et Hermann Yaméogo n’ont apporté un quelconque concours pour la réussite du coup d’Etat perpétré par l’ex-Régiment de sécurité présidentielle. «Dans le livre (Je sais qui je suis) de Zida (Premier ministre de la transition au Burkina, NDLR), à aucun moment, il (l’ex-Premier ministre) n’a cité comme commanditaires possibles, M. Koné et M. Yaméogo. Jamais», a soutenu le Bâtonnier sénégalais qui a révélé cumuler 44 ans de fonction. «Le parquet doit apporter la preuve parce que la preuve», a-t-il ajouté.

Sur l’accointance entre les deux accusés et le général Gilbert Diendéré, présumé cerveau du coup de force manqué, soulevée par le parquet, selon Me Thiam, «il n’y a pas une relation ou un lien particulier entre Léonce Koné et Me Hermann Yaméogo».

Après le passage de ces deux avocats, Léonce Koné a été appelé à la barre. Assis face au tribunal, l’accusé a indiqué qu’il réfute les accusations du parquet, avant de souligner avec force que ce «procès est politique par excellence».

Quant à Me Hermann Yaméogo, il est revenu sur «l’illégalité et l’illégitimité» du gouvernement de la Transition qui les aurait conduits à ce procès. «La Transition a été à la base de toutes les crises ayant abouti au coup d’Etat». Hermann Yaméogo, fils de Maurice Yaméogo, le premier président du Burkina, ex-Haute Volta, revisitant l’histoire politique du pays des «Hommes intègres», a tiré la conclusion que c’est le Conseil national pour la révolution (CNR) dirigé par le panafricaniste, le capitaine Noël Isidore Thomas Sankara, qui «a inauguré les  crimes politiques au Burkina Faso».

Sollicitant une clémence du tribunal pour les accusés, Me Hermann Yaméogo a déclaré: «La place du général Gilbert Diendéré (ex-homme de confiance du président Blaise Compaoré, NDLR) n’est pas à la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca). La place du général de gendarmerie Djibrill Bassolé (ex-patron de la diplomatie burkinabè) n’est pas dans une pseudo prison». Il a demandé la relaxe de ces deux hauts gradés et des officiers, sous-officiers et soldats de rang de l’ex-RSP, ex-unité d’élite dissoute fin septembre 2015, après le coup de force raté, afin qu’ils puissent participer aux opérations de maintien et de sécurisation du pays en proie à de multiples attaques terroristes.

Le parquet qui a repris la parole dit avoir constaté que les Conseils des accusés n’ont pas varié sur leur position puisque «la grande majorité de la défense a plaidé non coupable». C’est pourquoi il a maintenu ses réquisitions.

La défense par la voie de Me Haouba Zaliyatou s’est étonnée que le parquet veuille que les avocats aillent dans leur sens alors qu’ils ne sont pas venus pour faire de la figuration. «Nous n’avons pas de problème avec le parquet. Nous avons un problème avec la procédure car elle a été mal montée», a renchéri Me Zaliyatou, avançant que «le parquet a joué le rôle d’une partie en défendant le régime de la Transition».

En rappel, le parquet a requis une peine de cinq ans de prison avec sursis pour Me Yaméogo et M. Koné.

Le procès reprendra le lundi à partir de 9H avec les questions que le président adressera à tous les membres du tribunal lors du délibéré.

Par Bernard BOUGOUM