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Procès putsch manqué: l’expert qui a écouté les téléphones

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Younoussa Sanfo

Le tribunal en charge du dossier du putsch manqué du 16 septembre 2015, a entendu, ce lundi 18 mars 2019, l’expert en sécurité informatique et directeur d’Intrapole, Younoussa Sanfo, sur son travail d’expertise des téléphones portables et autres appareils des personnes concernées dans cette affaire.

Environ 72 téléphones portables et autres appareils ont été mis à la disposition de l’expert Younoussa Sanfo pour expertise en vue d’aider, selon les organisateurs du procès, à la manifestation de la vérité dans le dossier qui implique 84 personnes dont l’ex-chef d’état-major particulier de la présidence du Faso, le général de brigade Gilbert Diendéré.

L’expert a dit avoir reçu différents types de téléphones portables dont au moins 86% des messages auraient été supprimés et des numéros identifiés sous d’autres noms que les utilisateurs.

Commis le 22 décembre 2015, l’expert a affirmé avoir rendu son rapport d’expertise le 30 mars 2016. Des difficultés, il en a rencontrées dans ce dossier, selon ses explications. Il aurait été appuyé par un expert en récupération légale de données. Cet expert vient, selon Younoussa Sanfo, d’un laboratoire agréé auprès des tribunaux. Il a eu recours à ce laboratoire, car ce travail demande, selon son témoignage, un certain nombre de matériels homologués.

Le travail de décodage des appareils et de récupération des données écrasées «n’a pas été simple», a déclaré l’expert Sanfo.

«Mon rôle était de fournir au juge ce qu’il a demandé», a-t-il dit, indiquant que sa mission était de récupérer toute information en rapport avec les événements du 16 septembre 2015 et jours suivants. «L’expertise de ce genre ressemble à une fouille archéologique», a-t-il poursuivi.

M. Sanfo a confié au tribunal qu’il a rencontré des messages qui demandent aux récepteurs «d’écraser» les messages qu’ils ont reçus. Pour lui, ce jargon (écraser) prouve que ce sont «des initiés» en matière de sécurité informatique. S’ils étaient des profanes ils allaient simplement utiliser le mot «supprimer». Un message écrasé est difficile à récupérer entièrement, et est souvent inutilisable, a affirmé l’expert.

En ce qui concerne les accusations de tripatouillage, l’expert a soutenu qu’ «il est impossible de tripoter des données». «Tout ce que j’ai fait comme travail est vérifiable», a-t-il dit, précisant qu’aucun message ne peut se retrouver dans un rapport d’expertise sans qu’il n’ai été au préalable sur le téléphone. «La qualité de mon travail réside dans le fait qu’il n’y a pas eu de contre-expertise», a-t-il poursuivi.

«J’ai souffert dans ce dossier»

Le lieutenant Jacques Limon à la barre. (Image de Daouda ZONGO de Wakat Séra)

Dans le cadre de ce dossier l’expert aurait «souffert» car ses «relations étaient devenues exécrables avec tout le monde à la justice militaire». «Un jour, j’ai rencontré deux personnes concernées par cette affaire à la justice militaire. L’une m’a dit (en ces termes): «Youn c’est toi qui nous a créé ce problème» et l’autre a dit «non il n’a fait que son travail», a relaté l’expert. Il a également dit que le lieutenant Jacques Limon lui aurait rendu visite à son domicile et que lors de leur entretien, l’accusé lui aurait affirmé que «la hiérarchie et la justice militaire étaient favorables à un non-lieu» en ce qui le concerne mais, «le problème c’est l’expert», raison pour laquelle il était là pour le voir. Des faits que l’accusé a réfuté.

«Je suis complètement déboussolé après la narration de l’expert», a réagi le lieutenant Limon qui accuse l’expert d’être à la base de ce qui lui arrive. Dans sa déposition devant le tribunal, il avait déclaré qu’il s’était opposé à une passation de marché douteux qui concernait l’expert. «C’est ça la base de mon malheur».

Selon Younoussa Sanfo, il ne connaissait pas le lieutenant Jacques Limon, quand il faisait son travail d’expertise dans ce dossier du putsch manqué. Il aurait été, appelé un jour, par le juge qui lui a notifié que depuis qu’il (l’expert) travaille sur le dossier, le lieutenant se rend chaque fois à la justice militaire et laissait entendre que «la hiérarchie militaire voit d’un mauvais œil Sanfo dans ce dossier parce que des gens disent qu’il est un gars du général Gilbert Diendéré».

L’audience a été suspendue vers 17h et reprendra demain mardi 19 mars 2019 avec la poursuite de l’audition de l’expert Younoussa Sanfo.

Par Daouda ZONGO