Accueil Communiqué de presse Ramadan2018: le sermon de l’imam Alidou Ilboudo

Ramadan2018: le sermon de l’imam Alidou Ilboudo

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Ceci est le sermon de l’imam Alidou Ilboudou, à l’occasion de la prière du ramadan 2018, ce vendredi 15 juin 2018.

Allahou akbar Allahou akbar Allahou akbar ……

Toutes les louanges sont à Allah, le clément et miséricordieux qui nous a révélé le coran durant le mois de ramadan, et nous y a prescrit le jeûne pour nous éduquer à la piété, à la crainte révérencielle de Dieu.
Paix et salut sur le prophète du repentir et de la miséricorde, Mohammad ibn Abdallah dont le comportement était le coran.
De par la grâce et la permission d’Allah, nous avons eu la chance de jeûner encore une fois cette année, de nous nourrir à la source du coran, de profiter des meilleurs jours, des meilleurs instants. Nous espérons grandement qu’Allah nous a agréé nos actes d’adoration et nous a pardonné nos fautes car il nous a assuré de son pardon et il ne déroge pas à sa promesse. Nous prions qu’il nous pardonne nos insuffisances car nous restons humains et la faute est inhérente à notre nature comme le pardon est d’essence divine. Allahou akbar
Au moment où nous célébrons cette fête, c’est avec nostalgie et le cœur serré que nous regrettons les bons moments : l’évocation de Dieu dans le secret et en public, les invocations et les supplications à la mosquée, le partage, la solidarité et la fraternité, la psalmodie et la lecture du coran, les rires, la joie de rencontrer les frères et sœurs, mais aussi les larmes à l’écoute de l’épreuve des devanciers et des contemporains. Allahou Akbar !
Au moment où nous célébrons cette fête, il est bon de retenir que ramadan nous a enseigné beaucoup de préceptes qui nous doivent nous servir, nous éclairer dans notre vie quotidienne. Revenons sur quelques-uns même si ils ne sont pas les plus essentiels.
« O croyants ! le jeûne vous a été prescrit comme il l’a été à ceux qui vous ont précédés ; ainsi vous atteindrez à la piété. » Coran II/183
Ramadan nous a enseigné, ou pour dire juste, nous a rappelé que nous avons pouvoir sur notre nature, notre instinct ; en nous retenant face aux besoins primaires, malgré la disponibilité, nous avons démontré que plus que chair, nous pouvons être esprit, donc volonté. C’est la différence essentielle entre nous et l’animal : la raison que nous pouvons continuer à élever après ramadan par le maintien de la lumière, ou que nous pouvons laisser retomber pour que la bête repousse en nous. « Le jeûne est un bouclier », dit le hadith
Ramadan nous a enseigné la solidarité et le partage. Il est bon de noter que cette année au-delà des repas à la mosquée, la communauté islamique s’est illustrée par de grandes actions à l’endroit des malades, des détenus, des indigents. En visitant ces lieux, ramadan nous a révélé la vie difficile des périphéries, qui exige de nous des actions structurelles à même d’influencer le problème de pauvreté, d’éducation, de l’emploi jeunes, de l’enfance démunie etc.
Le partage de la zakat el fitr aujourd’hui, à la fin du jeûne, nous interpelle pour que nous prenions conscience que les pauvres qui profitaient des ruptures communes durant ramadan vivent toujours avec nous. Partager la nourriture par la zakat el fitr c’est bien, mais ce sera encore mieux que par le biais de la zakat el maal nous créions des écoles et des emplois ! Et cela est un défi majeur de la communauté.
Ramadan nous a dotés d’une morale forte et d’une discipline à toute épreuve, toutes choses qui nous semblent indispensables dans un climat social délétère où l’autorité de l’état se perd chaque jour. Sans être l’opium du peuple qui appelle au suivisme et à l’obéissance aveugle, l’islam est porteur d’une éthique qui veut que la société se bâtisse sur la justice, la sagesse, la miséricorde et la recherche de l’intérêt général. Ainsi donc, chaque jeûneur et chaque musulman doit s’inscrire dans ceci dans la continuité de ramadan : améliorer l’existant ; à défaut, le conserver et ne surtout pas le détruire.
Frères et sœurs, qu’est ce qui nous empêche de vivre ramadan après ramadan en nous investissant dans la préservation des acquis ? Pourquoi chaque fois choisir le chemin de Sisyphe, l’éternel et absurde éternel recommencement et espérer grandir en foi ? Ramadan est certes passé mais Allah est là éternellement pour nous. Il est le Dieu de ramadan et des autres mois de l’année. Heureux ceux pour qui ramadan a été une école et dont aujourd’hui est leur jour de consécration. Perdant aussi celui pour qui ramadan a été juste une fenêtre qu’il a aussitôt refermée. Dans la perspective de garder allumée en nous la flamme, commençons par les six jours de jeûne du mois suivant : « celui qui jeûne ramadan et le fait suivre de six jours de Chawal, c’est comme s’il avait jeûné toute l’année », a dit le messager de Dieu. Il en est de même pour trois jours dans chaque mois lunaire. Et ce qu’on dit du jeûne, on peut le dire aussi de la prière, du coran et de la solidarité.
Ramadan a formé en nous l’homme pieux, l’homme qui est censé craindre Dieu. Mais que renferme la notion de taqwa, crainte révérencielle de Dieu, sinon la bonne conduite dans la société ? Se bien conduire, c’est en quelque sorte être utile aux autres et ne pas les nuire. Notre prophète est une miséricorde pour le monde et nous sommes censés marcher sur ses pas. C’est pourquoi il est impératif que le musulman rayonne dans sa société par son apport, par la plus-value qu’il crée.
Au Burkina Faso, notre nombre est-il une force ou une faiblesse ? Comme à l’échelle des états, tirons nous un dividende de cela ou subissons-nous le contrepoids, parce que les bouches à nourrir doublent, sinon triplent les mains qui produisent ? Parce que les avis qui détruisent surplombent les voix qui construisent ? Parce que les disciples ignorants par leur nombre rendent le peu de savants incapables ? Telles sont des questions essentielles qui se posent à la communauté des musulmans et que la faitière, la FAIB se propose de résoudre. C’est pourquoi, nous lui renouvelons notre attachement et celles de nos structures décentralisées car nous croyons au succès de l’action unitaire des musulmans. Nous saluons au passage la confiance de plus en plus manifestée de l’état quant aux actions de la FAIB et invitons chaque responsable à plus d’abnégation dans les tâches à lui assignées.
Dans cet ordre d’idées, le ramadan laisse la place à l’organisation du hajj, qui, chaque année suscite beaucoup de débats : du coût du pèlerinage au séjour des pèlerins, en passant par le transport et les inscriptions.
Il est bon de rappeler que le hajj est un pilier de l’islam et une rencontre mondiale des musulmans. Ce qui fonde son importance sur les plans spirituel et social. Il est prescrit à celui qui en a les moyens matériels et la capacité physique pour supporter le voyage, les parcours et le séjour. Il serait bon que les personnes âgées soient accompagnées et assistées par des proches pour faciliter le travail aux encadreurs. C’est le lieu ici pour nous de féliciter tous les acteurs du hajj pour les améliorations notables depuis quelques temps, mais aussi de leur rappeler la sincérité et le dévouement qu’ils doivent encore renforcer.
Frères et sœurs nous célébrons cette fête de ramadan au moment où la saison des pluies s’installe mais avec cette particularité : la soudure qu’on vit généralement en milieu de saison est déjà là du fait du déficit de l’année passée. C’est le moment de resserrer les liens familiaux, amicaux et citoyens, d’activer les ressorts traditionnels et modernes de la solidarité pour passer cette période difficile. Notre prophète a dit en substance : « celui qui dort rassasié alors que son voisin a le ventre vide, n’est pas un bon croyant ». On pourrait le paraphraser pour dire qu’il n’est pas un bon citoyen ou pire qu’il n’est pas simplement humain.
En ces moments où les populations rencontrent des difficultés à se nourrir, l’état est appelé à jouer son rôle régalien de garant du bien-être par l’approvisionnement des denrées à des prix sociaux surtout dans les zones les plus touchées. Pour la réussite de ce genre d’opération, la mauvaise gestion et la spéculation doivent être sanctionnées sévèrement pour ne pas être source d’autres troubles sociaux ni ressembler à des actions pré-campagne.
Nous célébrons cette fête du repentir au moment où notre pays est soumis à la rude épreuve du terrorisme qui endeuille nos familles, détruise nos biens et plombe nos efforts de paix et de développement. C’est le lieu pour nous ici de dénoncer de vive voix l’utilisation malsaine que font ces individus sans foi ni loi, de nos références scripturaires pour parfois maquiller leurs crimes horribles. Nous réitérons nos condoléances à la nation entière et particulièrement aux familles biologiques des personnes arrachées à notre affection, et nous redoublons nos prières à l’endroit de nos forces de défense et de sécurité qui, chaque jour payent le prix fort. Il est temps pour la population sur toute l’étendue du territoire de participer à un maillage serré du pays par le relais de l’information à temps réel, qui pourrait renforcer nos renseignements. Le schéma des CDR dans les années 83, les exactions en moins bien sûr, peut servir de précédent. Il est utile que chaque imam rappelle en ce jour grandiose ces enseignements authentiques de l’islam : la vie humaine est sacrée parce que le souffle qui l’anime est de source divine. Celui qui tue une âme innocente c’est comme s’il avait tué toute la race humaine.
Il est bon de rappeler aux grands de ce monde que le terrorisme ne s’inspire pas des seuls référents culturels ou religieux, mieux il s’inspire plutôt des injustices savamment entretenues par les puissances dites grandes. Les récents développements en Palestine Occupée ne sont des gestes de paix mais plutôt des actes de provocation. Et les exemples du genre sont nombreux où la loi du plus fort reste toujours la meilleure. Nos prières en ce jour vont à tous les peuples, à tous les hommes qui souffrent de l’injustice, de la cupidité, de la méchanceté d’autres hommes. Nous prions pour le retour de la paix en Centrafrique, en Syrie, en Irak, en Palestine, en Israël, au Yémen etc.
Nous nourrissons le secret espoir que notre classe politique saura toujours dépasser ses intérêts partisans et préserver notre nation de telles dérives. Nous croyons et nous rêvons d’un Burkina toujours plus intègre et plus grand où le vivre ensemble serait la chose la mieux partagée, où nos différences loin de constituer des entraves seraient des richesses et des opportunités. Et chacun, dans la sphère d’influence qui est la sienne doit s’y investir de façon sincère.
Frères et sœurs, les défis que nous avons à affronter sont nombreux et commandent que nous parlions tous d’une même voix, ou à défaut qu’on s’écoute. Depuis l’insurrection de 2014 jusqu’à maintenant le front social est bouillant et le travail a pris un coup énorme. Il n’est pas exagéré de dire que les Burkinabé, jadis connus pour leur sagesse et leur tolérance sont devenus méconnaissables. En ce jour de prières, je voudrais demander à tous et à chacun, au nom de tout ce qui nous relie, au nom de ce que chacun considère comme grand et sacré, que nous allions aux assises de dialogue citoyen avec l’esprit ouvert, avec le respect et la courtoisie ; Et surtout avec l’intention de se comprendre et la volonté de bien faire et ainsi Dieu nous aidera.
Je voudrais terminer en rappelant la retenue qui doit être la nôtre aujourd’hui. Ramadan est une fête, c’est vrai mais la solennité de ce jour ne doit pas venir à bout des efforts de piété d’un mois. La fin de ramadan ne sonne pas la fin de la récréation, mais plutôt le temps de l’investissement des fruits de la prière, avec les familles, avec les voisins, avec les pauvres avec la nation. S’il y a des motifs pour rire en ce jour, il y en a suffisamment, par le fait du terrorisme, de la famille, pour pleurer le reste des jours. Restons donc dans l’action productive et la prière afin qu’Allah nous assiste davantage.
Allah bénisse le Burkina Faso !
Allah protège notre patrie !
Bonne fête à tous !