Accueil A la une Santé et bien-être : tout savoir sur les hépatites (interview)

Santé et bien-être : tout savoir sur les hépatites (interview)

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Les hépatites sont des tueurs silencieux. Cette maladie fait de nombreuses victimes, surtout parce qu’elle est n’est pas suffisamment connue. Aussi, pour en savoir plus, nous avons échangé avec le docteur Moumini Niaoné, Docteur en médecine spécialisé en santé sociale, comportementale et communautaire, éducateur certifié en santé, consultant en santé publique.

Wakat Séra : Comment définir les hépatites ?

Dr Moumini Niaoné : Il faut déjà signaler que dans le domaine médical, les mots terminés par « ite » sont des inflammations. Méningite, c’est l’inflammation des méninges… Donc hépatite veut dire inflammation du foie. Et il faut ajouter que hépatite, c’est un grand groupe de maladies. Il existe plusieurs sortes d’hépatite différenciées selon le type de virus. Tous ces virus attaquent le foie, mais ils n’ont pas la même morphologie biologique et moléculaire d’où une différence dans le traitement.  Ainsi, il y a les hépatites A, B, C, D, E.

Quelles sont les causes de cette maladie ?

Le foie peut être inflammé par le fait de médicaments, que ce soit ceux de la rue ou même ceux vendus en pharmacie tel que le paracétamol dont l’excès (plus de 3g par jour) peut provoquer une inflammation du foie. La consommation de l’alcool comme certaines liqueurs, les frelatés et autres, peut provoquer une inflammation du foie. Les infections, notamment virales, peuvent aussi provoquer les hépatites. On se contamine par les mains sales, les aliments mal désinfectés (crudités, par exemple). La plupart de nous tous avons rencontré au moins une fois le virus de l’hépatite A. Heureusement qu’il n’y a pas de forme chronique pour lui et en général on en guérit.

Pour l’hépatite B, une grande partie de malades en guérissent, mais une autre partie peut évoluer vers la chronicité. Après six mois d’infection, l’organisme n’arrive pas à se débarrasser du virus qui s’installe dans le foie. C’est suite à cela qu’interviennent la cirrhose ou en cancer. Pour la forme B et C, il y a la voie sanguine, les rapports sexuels non protégés et la transmission mère-enfant. Il faut ajouter l’ignorance, parce que si les gens connaissaient leur statut, ils adopteraient des comportements pour éviter la propagation de la maladie.

Que dire de la transmission par la salive ?

L’hépatite A se transmet par la salive. Mais je suis formel, l’hépatite D et C ne se transmettent pas par la salive. C’est par le sang. Les liquides biologiques comme les larmes peuvent contenir le virus, mais à très faible quantité, si fait que ça ne se transmet pas. A travers les rapports sexuels, oui, par le sperme et les sécrétions vaginales. Les rapports sexuels créent de micro-lésions chez la femme qui font qu’elle peut prendre facilement le virus. Chez l’homme il faut qu’il y ait des plaies sur la verge, sinon ça ne se transmet pas par la peau. Le virus de l’hépatite B peut rester sept jours en vie. Ceux qui font pédicure et manucure dans la rue sont des vecteurs importants du virus.

Un nettoyage avec du savon n’est pas suffisant ?

C’est déjà bien, mais il faut faire très attention. Chez les coiffeurs, c’est pareil. Si tu utilises la même tondeuse que tous les Ouagalais, vas faire ton test de dépistage. Le coût du traitement peut acheter au moins 20 tondeuses (pour trois de traitement, il faut débourser autour de 270 000 F CFA pour l’hépatite C. le traitement de la forme B, le traitement est beaucoup moins cher, mais c’est à vie).

Comment se manifestent les hépatites ?

Les hépatites sont un problème majeur de santé publique dans le monde aujourd’hui. En 2015, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) évaluait à 257 millions le nombre de personnes vivant avec l’hépatite B dans le monde, 71 millions avec l’hépatite C et chaque année plus de1,46 millions de personnes meurent des hépatites virales. Au Burkina Faso, des études réalisées au Centre Muraz font état de  9/100 personnes ont l’hépatite B et à peu près 4 personnes sur 100 ont l’hépatite C et il y a une particularité dans la région du Sud-Ouest où le taux de l’hépatite C est élevé. Il est de 14/100 personnes qui ont l’hépatite C. Au Burkina, environ deux millions de personnes sont porteurs chroniques du virus de l’hépatite B.

Le docteur Moumini Niaoné, est docteur en médecine spécialisé en santé sociale, comportementale et communautaire, éducateur certifié en santé, consultant en santé publique

Environ 720 000 Burkinabè sont porteurs du virus de l’hépatite C. Les manifestations sont assez communes. Au début, la fièvre, la fatigue et il y a des gens dont le nez coule. C’est comme n’importe quelle infection ! La particularité est que le plus souvent, après 3 ou 4 jours d’infection, ces signes disparaissent. Après six mois, certains guérissent, mais d’autres rentrent dans la chronicité. C’est là que le virus commence à détruire lentement, mais surement le foie. La manifestation peut se faire aussi par une coloration jaune des yeux, les mains, les plants des pieds, au-dessous de la langue… Ce qui fait que certains appellent ça jaunisse. Mais la maladie peut se manifester sans jaunisse. Et souvent les gens traitent la jaunisse et estiment être guéris de l’hépatite. Ce n’est pas totalement vrai que lorsque la jaunisse disparait que le malade est guéri.

Revenons sur ce qui peuvent être les complications 

Le virus agresse les cellules du foie qui essaient de s’adapter, de se cicatriser. Si les cellules se cicatrisent, ça donne ce que l’on appelle la fibrose. ça continue et après ça donne la cirrhose. Ce sont des étapes et la finale c’est le cancer et enfin la mort. Mais un malade peut passer de la fibrose directement au cancer. C’est le foie qui purifie le sang et est le siège de beaucoup de réactions chimiques. En cas d’empoisonnement, le foie est le premier lieu où il faut aller chercher le poison. Le foie détoxifie le sang. Quand le virus attaque le foie, cela va se manifester par l’absence de détoxification du sang Et quand le foie n’arrive plus à bien travailler, c’est la mort. Voilà pourquoi on fait des examens de sang pour voir si le virus est là. Si le foie est attaqué, il y a des marqueurs qui le montrent.

On peut faire aussi une échographie. Souvent on fait les examens et on voit les traces du virus, mais qui ne disent pas si le virus est là ou pas. On doit alors approfondir les examens pour déterminer la quantité de virus et quels dégâts ont pu être causés déjà au niveau du foie. C’est l’ensemble de ces informations qui permettent au praticien de décider de prendre en charge ou de laisser. Si le foie n’est pas attaqué, on ne donne pas automatiquement des médicaments, on observe chaque six mois, par exemple. Pour ce qui est de l’hépatite B, le médicament va stabiliser le virus, l’amener à être, à la limite indétectable dans le sang, sans pour autant l’éliminer complètement.

Le foie est l’organe attaqué, en cas d’hépatite

Pour l’hépatite C, les médicaments éliment complètement le virus et le malade guérit complètement. Le traitement dure trois mois et est disponible au Burkina Faso. Les gastro-entérologues sont les spécialistes du foie, mais en plus d’eux il y a les infectiologues et les spécialistes de médecine interne qui peuvent prendre le mieux en charge pour cette maladie.

Le traitement dans la médecine traditionnelle n’est pas à négliger. Il a été créé au sein du ministère de la Santé, un département pour la médecine traditionnelle où il y a un médicament contre l’hépatite B qui a eu l’autorisation de mise sur le marché.

Mais attention, la définition de la maladie n’est pas la même dans nos cultures que dans la médecine moderne, c’est pour cela il y a souvent un conflit. Quand tu entends j’ai guéri de l’hépatite chez le tradition-praticien, cela veut dire qu’il a fait disparaitre les signes. Mais dans la médecine moderne, cela ne veut pas dire que le malade est guéri, puisqu’en faisant des examens, on trouvera qu’il a toujours le virus. Voilà pourquoi nous, nous disons qu’on ne guérit pas de l’hépatite B. On peut rendre le virus quasi inoffensif, mais cela ne veut pas dire qu’on a fini de soigner le malade.

Voilà pourquoi certains qui ont été traités chez le tradi-praticien qui n’a fait que faire disparaitre les signes, reviennent quelque temps après avec une cirrhose ou un cancer. C’est pour cela que nous conseillons, et j’insiste là-dessus, dès que tu fais le test et c’est positif pour l’hépatite B ou C, il faut avoir le réflexe de faire les examens après le traitement chez le tradi-praticien, pour confirmer que tu es guéri ou pas. Il y a au moins deux millions de Burkinabè qui ont le virus sans le savoir, parce qu’ils n’ont aucun signe. Mais ce qui est de la forme C, le traitement existe, mais le marqueur (qui est une trace que le virus est passé par ton organisme) va rester. C’est comme une plaie, même si elle guérit, la cicatrice reste.

Comment éviter de contracter les hépatites ?

 Pour cela, il faut juste savoir les voies de transmission et les éviter. Pour l’hépatite A et E, il faut bien se laver les mains, régulièrement, bien désinfecter les légumes et fruits avant de les consommer, bien laver les ustensiles. Par exemple quelqu’un qui a la maladie, en toussant il se couvre la bouche avec ses mains ou se mouche avec la main, sans les laver, s’il salue quelqu’un d’autre après, il peut transmettre la maladie pour les formes A et E. Voilà pourquoi il faut se laver régulièrement les mains, ou s’acheter les désinfectants à la pharmacie. Pour l’hépatite B et C, il faut éviter d’utiliser les mêmes objets tranchants, éviter les rapports sexuels non protégés, sans avoir fait le test auparavant. Tout le monde doit faire le test de dépistage de l’hépatite B et C pour adopter le comportement qui sied. Pour l’hépatite C, on guérit après trois mois de traitement.

Où peut-on faire le test de dépistage ?

En temps normal dans tous les centres de santé, il est possible de se faire délivrer un bulletin d’examen et on fera le test dans un laboratoire. Pour l’hépatite B, il y a un vaccin et c’est à trois doses qui protègent à vie. En pharmacie, il vaut 7 500 FCFA, je pense, mais ce n’est pas très cher. Une femme enceinte doit faire le test pour qu’il y ait des dispositions afin d’éviter qu’elle transmette à son enfant. Il n’y a aucun danger pour une femme enceinte de faire le vaccin.

En décembre (19-20 et 21), nous allons faire une grande campagne de dépistage à Ouagadougou, dans le cadre du congrès national de santé publique. On fera au moins 2000 dépistages.

Entretien réalisé par Boureima DEMBELE