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Tanwalbougou: le MBDHP «dénonce et condamne les tueries»

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Dans une déclaration, le Mouvement burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP), section du Gourma, « dénonce et condamne les tueries survenues à Tanwalbougou « .

Le 27 mai 2020, le Procureur du Faso près du Tribunal de grande Instance (TGI) de Fada-N’Gourma, monsieur Judicaël KADEBA, a animé une conférence de presse en vue de faire le point de l’enquête menée suite aux évènements survenus à Tanwalbougou les 11 et 12 mai 2020.

Cette conférence de presse fait suite à un communiqué en date du 13 mai 2020 par lequel le parquet du TGI de Fada N’Gourma informait l’opinion publique « de ce que vingt-cinq (25) personnes ont été interpellées dans la nuit du 11 au 12 mai par les FDS de Tanwalbougou, village relevant de la commune de Fada N’Gourma pour suspicions de fait de terrorisme. Malheureusement douze (12) d’entre elles ont trouvé la mort au cours de la même nuit dans les cellules où elles étaient détenues ».

Les doutes entourant les circonstances exactes de ces décès ont conduit le parquet du TGI de Fada-N’Gourma à ouvrir une enquête en vue d’établir les faits et situer les responsabilités.

Au cours de cette conférence de presse, monsieur KADEBA a affirmé que l’enquête menée sous sa direction a permis d’établir que les dépouilles des douze (12) personnes décédées à Tanwalbougou ne portaient, ni traces visibles de blessures, ni saignements. Il a poursuivi en affirmant que les trois (03) co-détenus des personnes décédées ont affirmé aux enquêteurs que ces dernières n’ont pas été tuées par balles et qu’au cours de la nuit, elles « ont commencé à tomber ».

C’est avec surprise et indignation que la section MBDHP du Gourma a suivi ces propos de monsieur Judicaël KADEBA devant la presse.

En effet, dès le 13 mai 2020, la section MBDHP du Gourma a été saisie de la mort de ces douze (12) personnes à la gendarmerie de Tanwalbougou. À partir de cette date, le Mouvement a entrepris plusieurs démarches en vue de recueillir des informations sur les circonstances de ces décès. Ainsi, le Mouvement a assisté, en présence de la police municipale, à l’arrivée et à l’inhumation des corps, au cimetière du secteur n°1 de Fada N’Gourma ; ce qui lui a permis de constater que les linceuls étaient fortement tâchés de sang. Le 15 mai 2020, à l’occasion d’une audience sur la question, la section MBDHP du Gourma rapportait ces faits au Procureur et lui présentait des images à l’appui.

Par ailleurs, le MBDHP regrette que le Procureur du Faso n’ait effectué aucune visite à Tanwalbougou pour s’enquérir personnellement des conditions de détention au poste de gendarmerie et pour recueillir directement, auprès des temoins, toute information utile et nécessaire à la manifestation de la vérité.

Pour leur part et vue la gravité de la situation, la section MBDHP du Gourma et le Collectif contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC) ont effectué une mission conjointe à Tanwalbougou, le 16 mai 2020. Au cours de cette mission, les deux (02) organisations ont réalisé des échanges avec des parents de victimes ainsi que plusieurs témoins et ont recueilli ainsi des informations sur les circonstances des arrestations effectuées le 11 mai 2020.

La section MBDHP du Gourma constate malheureusement que monsieur le Procureur s’est limité aux compte-rendus effectués par la gendarmerie après auditions des temoins, pour écarter la piste des exécutions sommaires et extrajudiaires des douze (12) personnes décédées. Il s’agit là d’une démarche partiale dans la mesure où c’est la gendarmerie qui est mise en cause. Dans ces conditions, pourquoi le Procureur lui confie-t-elle la conduite des investigations et l’audition des témoins ?

La section MBDHP du Gourma rappelle par ailleurs qu’il est indispensable, en pareilles circonstances, de donner des garanties de sécurité aux témoins et de veiller à ce qu’ils ne fassent l’objet d’aucune pression ; ce qui permet de s’assurer de la sincérité de leurs témoignages. En matière d’enquête, en effet, la sécurisation et la protection des témoins constituent une garantie fondamentale et une condition sine qua non, pour une collecte d’informations fiables en vue de la manifestation de la vérité. La section MBDHP du Gourma s’étonne donc que le Procureur, puisse tirer à ce stade de l’enquête, des conclusions sur la foi de témoignages recueillis auprès de témoins non protégés et donc exposés à des représailles éventuelles. Une telle attitude est curieuse et interroge sur la volonté réelle des autorités judicaires de la province du Gourma, de faire la lumière sur ces évènements tragiques survenus à Tanwalbougou.

Le MBDHP réaffirme sa conviction que l’option des exécutions sommaires et des assassinats ciblés comme éléments de stratégie de lutte conte le terrorisme au Burkina Faso est illégale, inopérante et dangeureuse. Pire, de même que les insinuations vicieuses et de plus en plus récurrentes, tendant à assimiler systématiquement certaines de nos communautés à des terroristes, les exécutions de Tanwalbougou à l’instar de celles de Yirgou, Kain-Ouro, Barga, Barsalogo et autres localités, aiguisent les frustrations au sein de certaines communautés, mettent à mal notre vivre ensemble et rapprochent dangeureusement et inexorablement notre pays des affres d’une guerre civile.

C’est pourquoi, la section MBDHP du Gourma :

  1. dénonce et condamne les tueries survenues à Tanwalbougou et appelle, une fois de plus, au démantèlement des escadrons de la mort ;
  2. appelle à la constitution d’une commission d’enquête indépendante sur les évènements de Tanwalbougou, au regard des suspiscions légitimes de partialité et de déni qui pèsent lourdement sur les conclusions des enquêtes des autorités judicaires de Fada N’Gourma ;
  3. appelle l’ensemble des populations du Burkina et ses militantes et militants en particulier, à se départir de tous propos et attitudes etnicistes, à s’organiser et à poser des actions concrètes en faveur de la cohésion sociale et de l’unité nationale ;
  4. appelle les autorités politiques à prendre conscience de l’extrême gravité des dérives en cours et à mener de façon hardie la lutte contre le terrorisme dans le respect des règles de l’Etat de droit et des principes des droits humains.

Non aux exécutions sommaires et extrajudiciaires !

Non aux escadrons de la mort !

Non aux fauteurs de guerre civile !

 Fada N’Gourma, le 29 mai 2020

Le Bureau de la section