Accueil Editorial Togo: enfin sous l’arbre à palabres!

Togo: enfin sous l’arbre à palabres!

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Il est peut-être temps pour les Togolais de réfléchir sérieusement au retour de la paix dans leur pays (Ph. 27avril.com)

Les conflits les plus longs et meurtriers finissent presque toujours autour de la table des négociations, en tout cas, lorsqu’un camp n’arrive pas à imposer sa loi à celui d’avance. Après plus de six mois d’affrontements et démonstration de forces par rue interposée, le pouvoir et l’opposition togolais se plient à cet exercice qui, malgré les astuces des uns et des autres à faire monter les enchères et tirer inutilement en longueur les négociations, a fait ses preuves dans d’autres situations. Du reste, il a l’avantage de faire l’économie des comptabilités macabres dressées après les manifestations qui s’égrènent et ne que rivalisent par leur degré de violences. En attendant qu’elles soient réalité à partir de ce lundi 19 février, les négociations qui s’ouvrent sous la facilitation du voisin ghanéen ne seront pas une sinécure. Elles augurent même de chaudes empoignades entre les protagonistes qui restent, chacun droit dans ses bottes, à en croire les préoccupations que chaque partie a mis dans le grand panier des points à discuter. Certes, le règlement intérieur qui servira de balise pour ce énième dialogue entre Faure Gnassingbé et ses opposants pourra être brandi à tout moment par l’arbitre du match, mais ce document sera-t-il un gage suffisant contre les manœuvres de l’un ou l’autre camp?

Le facilitateur en chef, Nana Akufo-Addo aura en tout cas besoin du pragmatisme légendaire reconnu aux anglophones pour écouter, et surtout aplanir les obstacles liés au déficit criard de confiance qui pourrait, à tout moment, gripper la machine. Ces négociations connaîtront sans doute plusieurs rounds et leurs adversaires les plus coriaces seront la mauvaise foi et le jusqu’auboutisme. Le retour à la Constitution de 1992 constituera le véritable point d’achoppement des discussions, comme il est, depuis plus de 6 mois maintenant la pomme de discorde entre pouvoir et opposition. Le pouvoir de Faure dont le troisième quinquennat risque de prendre brutalement fin si cette disposition qui stipule que nul n’a le droit de faire plus de deux mandats venait à être appliquée, s’y opposera sans doute avec la dernière énergie. L’opposition qui a mis la barre haut en exigeant, au nom du peuple, ni plus ni moins que le départ de Faure du pouvoir s’arc-boutera sans doute sur cette revendication. Il faudra donc toute la force de persuasion et le talent de négociateur du président ghanéen, pour équilibrer les positions. Mais plus que tout, c’est aux Togolais eux-mêmes de remettre les pendules à la bonne heure pour sortir de la chienlit. Certes, les Togolais en ont marre de cinquante années de pouvoir de la famille Gnassingbé, qui, du père Eyadéma au fils Faure, n’a jamais en réalité, malgré les élections factices, donné la moindre chance à l’alternance. Mais, ce serait suicidaire pour eux de résoudre une crise par une autre crise qui à la longue ne provoquera que d’autres crises. Et ce sera un cycle ininterrompu dont le Togo ne se soustraira jamais.

C’est donc dire combien le Ghanéen aura fort à faire pour assouplir les positions et faire accepter un modus vivendi pour donner à chacun ce qu’il revendique sans frustrer qui que ce soit. Pourtant, la situation a atteint un tel niveau que les parties en conflit, doivent se départir désormais des intérêts égoïstes et très personnels pour ne penser qu’au bien-être d’un peuple togolais meurtri par les crises récurrentes, surtout celles postélectorales qui bloquent toute initiative de paix et donc de développement. A l’aube de ces négociations, l’optimisme doit être la chose la mieux partagée pour rester dans le sillon tracé par le règlement intérieur de ce dialogue qui entend «être constructif, de bonne foi et dans un esprit de compromis».

Par Wakat Séra