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Tunisie: «Caïd» perd la dernière bataille

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La Tunisie pleure son premier président démocratiquement élu, Béji Caïd Essebsi (Ph. Reuters)

S’ils se préoccupaient tous de la santé très précaire de leur président, les Tunisiens n’ont pour autant pas marqué une surprise extraordinaire à l’annonce de son décès survenu ce jeudi 25 juillet. Beji Caïd Essebsi, 92 ans a succombé des suites d’un énième malaise comme celui qui a conduit à son hospitalisation pendant que la Tunisie était frappé par une double attaque terroriste, fin juin dernier. Premier président démocratiquement élu sur les cendres du printemps arabes qui a emporté le jusque-là inamovible Ben Ali, «BCE» comme l’appelaient affectueusement ses concitoyens, a été de tous les combats politiques et de tous les régimes qui se sont succédé, de Habib Bourguiba à Zine el-Abidine Ben Ali. Ministre, chef du parlement, ambassadeur, député, Premier ministre pendant la transition démocratique, celui qui deviendra le plus vieux chef de l’Etat en exercice après la Reine d’Angleterre (93 ans), a défié l’âge, la vieillesse et les maladies pour servir la Tunisie jusqu’à son dernier souffle. Il est toujours resté à l’ombre du fauteuil suprême avant de s’y installer, après avoir pris ses distances avec le «dictateur» et même quitté les sphères du pouvoir. Il ne reviendra aux affaires que suite à la révolution de 2011, en créant son propre parti politique (Nidaa Tunes) en 2012.

La vie du premier président de la république, démocratiquement élu au suffrage universel, le 31 décembre 2014 ne fut pas un long fleuve tranquille. Mais habitué aux combats politiques, il a triomphé des écueils érigés par ses contempteurs et détracteurs qui ne manquaient aucune occasion pour associer son image au Rassemblement constitutionnel démocratique, le RCD de Ben Ali. En tout cas, même s’il n’avait pas l’âge comme atout, «BCE», malgré sa popularité s’était interdit de briguer un second mandat. La démocratie et surtout l’intérêt national sont, visiblement les vertus cardinales du disparu. N’était-il pas, sans forcément en avoir toute la carrure et sans avoir bravé les récifs sanglants de l’apartheid sud-africain, le Nelson Mandela tunisien? En tout cas, comme Madiba qui, nonobstant son immense popularité et ses qualités de grand rassembleur a su résister aux vertiges du trône, Beji Caïd Essebsi a également écouté la voix de la sagesse pour ne pas s’accrocher au pouvoir, au risque de vendanger les acquis de l’alternance démocratique enfantée dans la douleur par le «Printemps arabe». Il n’aura qu’un seul regret, celui de ne pas être allé au bout de son premier bail qui prend fin dans 5 mois, par la résidentielle du 17 novembre prochain. Comme quoi, les voies du destin sont impénétrables et la vie politique de «BCE» devrait inspirer bien des dirigeants africains qui mordent facilement à l’appât du troisième mandat, synonyme de la présidence à vie.

Si les parenthèses «BCE» se ferment dans le livre géant de la tumultueuse histoire politique de la Tunisie, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre pour les Tunisiens. Elle pourrait être d’espérances si le processus démocratique se fortifie par la consolidation des institutions, tout comme elle peut faire déchanter le peuple si les dirigeants dévient du cap d’hommes comme Beji Caïd Essebsi. Le premier défi à relever n’est pas loin pour la Tunisie et se nomme organisation d’une élection présidentielle ouverte et transparente le 17 novembre prochain.

Par Wakat Séra