Accueil Editorial Ahmed Abba: libre après 875 jours de prison pour rien!

Ahmed Abba: libre après 875 jours de prison pour rien!

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Enfin, Ahmed Abba est libérable! (Ph. rfi.fr)

La justice militaire du Cameroun a acquitté Ahmed Abba de blanchiment de produit d’un acte terroriste. Mais, demeurant dans sa logique inique depuis juillet 2015, date d’arrestation du correspondant de RFI en langue haoussa, ce tribunal qui sonne comme une anomalie dans un Etat de droit condamne notre confrère à 24 mois de prison pour non-dénonciation. Depuis le vendredi 22 décembre, Ahmed Abba, hume de nouveau les délices de la liberté, suite à une libération intervenue plus tôt que prévue. Le dénouement de l’affaire ne peut qu’être réjouissant , sonnant comme un cadeau de Noël, pour toutes les personnes éprises de liberté et de justice.

Le détenu dont l’innocence a été criée sur tous les toits par les associations de défense de la liberté de presse et d’information et autres mouvements de lutte pour le respect des droits de l’homme, est libre. Mieux, ses geôliers lui doivent un reliquat de 5 mois, le journaliste ayant déjà grillé 29 mois derrière les barreaux où la torture et des violences étaient son lot quotidien, surtout dans les premières semaines de son incarcération qui avait pris une allure de kidnapping, Ahmed Abba étant resté introuvable pendant trois bons mois.

Le ouf de soulagement est donc général dans le camp de la défense du prisonnier et surtout de RFI son employeur qui, avec à ses côtés des représentations diplomatiques et autres activistes, n’a jamais abandonné le supplicié de Yaoundé.

De Maroua, ville située dans l’Extrême-Nord du Cameroun où il a été arrêté le 30 juillet 2015 alors qu’il était en reportage sur la crise née des attaques de la secte islamiste Boko Haram, à Yaoundé où a été décidée, en appel, la réduction de la peine de 10 ans de prison ferme prononcée contre lui en première instance, Ahmed Abba a toujours plaidé non coupable. Il a même défendu sa cause en véritable patriote. Morceau choisi: «Je ne me suis jamais associé aux terroristes pour nuire à mon pays et je ne le ferai jamais». Qu’avait donc la toute puissante justice militaire, qui a été du reste bannie dans les vraies démocraties, à s’acharner sur un pauvre journaliste qui ne faisait que son travail avec professionnalisme? En tout cas, cette condamnation en appel ressemble juste à un baroud d’honneur de la justice militaire camerounaise pour ne pas perdre totalement la face. La libération accélérée de Ahmed Abba nous conforte dans cette thèse que les autorités camerounaises voulaient se débarrasser de cette arête au travers de la gorge.

Le Cameroun n’avait-il pas d’autres priorités que de harceler un professionnel du métier en le condamnant finalement pour non-dénonciation, alors que l’essence même du journalisme repose sur la protection des sources? C’est la loi implacable dans la profession, un journaliste sans source doit déposer sa plume. Les autorités camerounaises, visiblement dressées contre la trahison, doivent le savoir et respecter ce principe cardinal pour les hommes de la presse.

Le Cameroun, face à la fronde violente des sécessionnistes anglophones et surtout aux assauts meurtriers de Boko Haram, a sans doute mieux à faire que de bander les muscles contre un journaliste qui selon ses avocats, n’a jamais été confronté à la moindre preuve de sa culpabilité brandie par la justice militaire. Tout en espérant que ce qui est devenue  l’affaire Ahmed Abba ne se répète plus, que ce soit au Cameroun ou ailleurs où pullulent les  prédateurs et fossoyeurs de la presse, il faut penser à rendre dans les meilleurs délais, leur liberté à tous les autres Ahmed Abba détenus dans le monde entier parce qu’ils portent la cause de la liberté d’expression!

Par Wakat Séra