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Burkina: des marcheurs demandent la démission du président Kaboré

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Une banderole du mouvement

Des dizaines de manifestants, exaspérés contre la situation sécuritaire du Burkina Faso qu’ils jugent « très grave » vu le nombre de morts dans le pays, ont marché le mardi 16 novembre 2021 à travers des artères de la capitale burkinabè au Centre-ville pour souhaiter un changement radical. Et pour que le Burkina Faso arrive à reprendre du poil de la bête dans cette lutte contre l’insécurité grandissante, les marcheurs exigent la démission du président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, qui ne proposerait « rien de concret » pour lutter efficacement contre les attaques armées qui endeuillent les populations dont plus d’un million et demi de personnes ont été contraintes de fuir leur leurs localités d’habitation.

Plusieurs dizaines de personnes, en majorité jeunes, munies de pancartes portant des messages hostiles à Roch Kaboré et son pouvoir, en solo, duo ou en petit groupe, se regroupés dans la matinée à la Place de la Nation pour marcher à Ouagadougou en vue d’exprimer leur ras-le-bol face à la situation sécuritaire qui se fragilise davantage au Burkina Faso, livrant les civils et les Forces de défense et de sécurité (FDS) à la merci des individus sans foi ni loi qui les terrorisent dans plusieurs régions.

Auguste Mohamed Koumsongo, meneur du mouvement

Les manifestants qui battaient le pavé étaient encadrés par certains de leurs camarades en motos qui régulaient bon en mal en la sécurité des marcheurs qui de temps en temps recevaient de manière spontanée les encouragements des Ouagalais qui étaient aux abords des axes de leur parcours.

Des marcheurs remontés contre les autorités dont le président du Faso

Le responsable du Mouvement sauvons le Burkina Faso, Auguste Mohamed Koumsongo, meneur du mouvement dit vouloir par cette marche, exprimer « le désarroi, la douleur et la peine » du peuple. « On est peiné, meurtri, le pays est en deuil. On ne peut plus le supporter. Il (Roch Kaboré) a dit dans son mot hier qu’on a qu’à être soudés. On va se souder avec qui pendant que nos frères meurent seulement. Pour une petite superficie comme celle du Burkina (274 200 Km2), il ne peut pas sécuriser. C’est grave !», a lâché avec colère, M. Koumsongo.

Les marcheurs exprimant leur colère devant les gardes du camp Guillaume Ouédraogo

«Roch Roch, on est fatigué avec Roch. On ne veut pas Roch ». «Le peuple burkinabè demande au président du Faso de libérer Kosyam ». « Les jeunes patriotes disent trop c’est trop ! Roch doit partir !» Ce sont là des propos que les marcheurs ont scandé au cours de leur marche tout en fustigeant aussi les « forces impérialistes ». Les manifestants exigent dans cette optique, le départ de toutes les bases étrangères du Burkina Faso.

Le premier couac est intervenu devant le Conseil Economique et Social où les manifestants, qui voulaient aller porter leur message au Premier ministre, Christophe Dabiré, ont été déroutés par les éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS). Après cet épisode, les marcheurs ont fait une halte devant le palais du chef suprême des Mossé, le Moogho Naaba Baongho, une personnalité coutumière, pour lui transmettre leur cri du cœur et demandé son soutien moral dans cette lutte qui vise à ramener la quiétude dans le pays attaqué de toute part par des terroristes.

Les manifestants attendant leur leader devant le palais du Moogho Naaba à Ouagadougou

Pour les manifestants, le Moogho Naaba doit interpeller le président Roch Kaboré à quitter le pouvoir avant que ça ne « dégénère » car le peuple « a été très patient et a longtemps attendu » qu’il prenne le problème des attaques armées à bras le corps.

Echanges entre marcheurs dignes d’intérêt

Lors de cette marche qui paraît spontanée, l’équipe de Wakat Séra a capté des échanges dignes d’intérêt entre manifestants. Si pour certains marcheurs, c’est le départ du président Kaboré qui serait la panacée de la situation sécuritaire dans le pays, pour d’autres, il faut que les autorités libèrent le général Gilbert Diendéré, condamnée à 20 ans de prison dans l’affaire du coup d’Etat de mi-septembre 2015 pour qu’il apporte sa contribution et débarrasser le pays des assaillants.

«S’ils parlent de libérer Diendéré, ils n’auront plus moi mon soutien. Ils n’ont qu’à faire pardon et laisser Diendéré là où il est», a maugréé une manifestante, la cinquantaine sonnée, qui visiblement ne porte pas l’ex-homme de main de l’ancien président Blaise Compaoré dans son cœur.

Des manifestants disant non aux impérialistes

Une autre personne, également âgée d’une cinquantaine environ, s’est approchée d’un groupe de manifestants lors de leur halte devant le palais du Moogho Naaba, pour demander ce qui se passait en ces lieux. « On marche contre le nombre interminable de morts dans le pays », a répondu un marcheur. « Si c’est cela, c’est bien. Dans ce pays, il n’y a que des morts et des morts seulement. On dirait qu’il n’y a même pas de dirigeants au sommet », a-t-il dit avec colère avant de reprendre son chemin en disant du courage aux manifestants.

Selon un groupe de personnes qui conversaient également sur la situation sécuritaire du Burkina Faso qui a perdu plus de 400 Forces de défense et de sécurité (FDS, militaire et paramilitaires) depuis 2016 à maintenant, « c’est parce que les autorités n’ont pas leurs proches parmi ceux qui meurent-là » que les tueries continuent. « Vous-mêmes regardez la souffrance de nos enfants sur les théâtres de combats », s’est adressé un à ses partenaires, voulant que les hommes en armes fassent un « nettoyage propre» au sein de leur institution qui serait « beaucoup gangrénée par la corruption».

Pour ce dernier, « ce n’est pas l’Armée qui ne peut rien hein, c’est le gouvernement même qui n’a pas de sens dans sa conduite des affaires (car) il prend des milliards pour dépenser dans des futilités».

Militaire burkinabè (photo d’illustration)

Deux personnes qui étaient sur leurs motos parlaient des revendications des protestataires du jour. Parlant en langue locale mooré, l’un a fulminé : « C’est honteux ce qui se passe dans notre pays. Des milliers de nos parents sont déplacés sur leur propre territoire. Exactement comme on le voit dans les films. Mais ce n’est pas croyable », s’est offusqué avant de continuer: «Quelle honte si nous ne pouvons pas faire mieux que nos parents qui n’avaient pas les mêmes facilités que nous avons aujourd’hui!», notamment en termes d’armement et de logistique.

Des marcheurs à couteaux tirés avec certains usagers

Certains usagers qui vaquaient paisiblement à leurs occupations pour gagner leur pitance, ont fait face à la mauvaise manière de certains marcheurs.

A côté des manifestants passifs, il y avait les meneurs du mouvement qui étaient à pied d’œuvre pour bon gré mal gré pour la réussite de leur mouvement. Après avoir laissé librement circuler, les usagers, sur les artères qui se croisent devant le palais du chef suprême des Mossé, certains marcheurs vont se raviser par la suite et bloquer les passages avec des motos et des vélos. Ils permettent de temps en temps, après des supplications, aux femmes et aux personnes âgées de continuer leur chemin. Mais, c’est un non catégorique pour certains.

« On ne peut pas passer !», a lancé un manifestant à un passant sur une moto chargée d’articles de commerce. « Non je veux juste passer vers ce petit côté. Je ne vais pas aller vers là où il y a la foule », a insisté l’usager avec un petit sourire amical comme pour supplier son vis-à-vis pour le laisser continuer sur sa direction.

(Ph d’illustration)

« Ce n’est pas possible. Vous n’êtes pas concernés par la lutte-là, ça ne vous concerne pas ?», a répliqué d’un ton martial l’agent de sécurité improvisé. « Vous luttez pourquoi alors puisque vous voyez bien que je ne fais pas semblant et que je ne connais pas les motifs de votre rassemblement », a aussitôt répondu avec clarté, l’usager qui est rejoint entretemps par d’autres passants. « Il fallait commencer par là. On lutte contre les morts interminables de nos frères dans le pays », enchaîne le marcheur avec un visage grave, obligeant son interlocuteur et les autres passants à rebrousser chemin.

D’un autre côté opposé, un monsieur qui venait en véhicule a été refoulé par la foule. « C’est à cause de ces genres de salauds dans la ville qu’on a des problèmes. Bandes de voleurs du peuple », a injurié un autre manifestant, le visage caché dans une bavette, sous l’approbation de ses camarades.

Cette marche a été suscitée à la suite de l’attaque du détachement des gendarmes à Inata, au Nord du Burkina, qui a fait 32 personnes tuées dont 28 pandores et quatre civils.

Des marcheurs ont aussi battu le pavé ce mardi à Bobo-Dioulasso, la capitale économique, et à Dori, chef-lieu de la région du Sahel du Burkina Faso, durement touché par les attaques armées, pour exiger une nette amélioration de la situation sécuritaire dans le pays. Si à Bobo-Dioulasso, les manifestants ont dénoncé l’incapacité des autorités à ramener la quiétude dans le pays, à Dori, les marcheurs ont mis l’accent sur l’appel à l’endroit des autorités afin qu’elles dotent les FDS en armement conséquent pour combattre les assaillants.

Par Bernard BOUGOUM